18 juillet 1999 : Le jour où Todd Martin, (soi-disant ?) malade, a failli battre Pat Rafter en Coupe Davis
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 18 juillet 1999, Todd Martin et Patrick Rafter ont disputé un match de Coupe Davis controversé.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : Todd Martin proche d’un exploit
Le 18 juillet 1999, lors d’une rencontre comptant pour les quarts de finale de Coupe Davis, l’Américain Todd Martin est “contraint” d’affronter Patrick Rafter alors même que son capitaine, Tom Gullikson, assurant qu’il était malade, a essayé de le remplacer au dernier moment par Pete Sampras. Ce type de remplacement est à l’époque interdit par le règlement sans l’accord d’un médecin neutre. Bien qu’il souffre prétendument d’un coup de chaleur, l’Américain est finalement déclaré apte à jouer et parvient même à mener deux manches à rien avant que Rafter ne renverse la vapeur pour envoyer l’Australie en demi-finale (4-6, 5-7, 6-3, 6-2, 6-4).
Les acteurs
- Pat Rafter, peu en vue jusqu’à son doublé à l’US Open
Patrick Rafter, né en 1972, est passé pro en 1991. Durant les premières années de sa carrière, l’Australien n’obtient pas de grands résultats. Jusqu’en 1997, il ne remporte qu’un seul tournoi, à Manchester, en 1994, atteignant une 21e place mondiale à son meilleur, et passant la plupart de son temps au-delà du Top 40.
Mais en 1997, sa carrière décolle subitement lorsqu’il atteint les demi-finales à Roland-Garros, seulement battu par Sergi Bruguera (6-7, 6-1, 7-5, 7-6). Quelques mois plus tard, après avoir disputé deux finales à Indianapolis et Long Island, Rafter gagne l’US Open à la surprise générale. Ce n’était que le deuxième titre de sa carrière ! En chemin, il bat Andre Agassi (alors 63e mondial, 6-3, 7-6, 4-6, 6-3), puis le numéro 2 mondial Michael Chang (6-3, 6-3, 6-4), et enfin Greg Rusedski en finale (6-3, 6-2, 4-6, 7-5).
En 1998, ses résultats décevants en début d’année le mettent sous le feu des critiques, John McEnroe déclarant qu’il ne reproduirait pas son exploit de l’US Open, tandis que Pete Sampras faisait remarquer que, pour être un grand joueur, Rafter devait gagner un autre tournoi majeur. Comme pour leur répondre, à l’été 1998, Pat Rafter remporte coup sur coup les tournois de Toronto et Cincinnati (où il bat en finale…Pete Sampras, 1-6, 7-6, 6-4).
Sur sa lancée, l’Australien s’adjuge un deuxième titre à l’US Open, en battant une fois de plus Pistol Pete (6-7, 6-4, 2-6, 6-4, 6-3), avant de venir à bout de son compatriote Mark Philippoussis (6-3, 3-6, 6-2, 6-0) à l’issue de la première finale de Grand Chelem 100% australienne depuis 1970. Bud Collins décrivait Patrick Rafter comme “un homme humble et élégant sur le court, d’une grande générosité et une attitude de gentleman”.
- Todd Martin, membre régulier du Top 10
Todd Martin est né en 1970. Après avoir joué deux ans pour l’Université de Northwestern, il décide de passer pro en 1990. Il entre dans le Top 100 en 1992 et l’année suivante, en 1993, il parvient en quart de finale de Wimbledon (vaincu par Jim Courier, 6-2, 7-6, 6-3).
Il réalise ses meilleurs résultats en 1994, intégrant même le Top 10 après avoir été finaliste à l’Open d’Australie (battu par Pete Sampras, 7-6, 6-4, 6-4) et demi-finaliste à Wimbledon (encore battu par Sampras, 6-4, 6-4, 4-6, 6-3) et à l’US Open (stoppé par Agassi, 6-3, 4-6, 6-2, 6-3). Au cours des années suivantes, le jeu de service-volée de Martin lui permet d’atteindre une deuxième fois le dernier carré à Londres en 1996 (éliminé par MaliVai Washington, 5-7, 6-4, 6-7, 6-3, 10-8).
L’Américain remporte également huit titres sur le circuit, le dernier à Sydney en janvier 1999, aux dépens d’Alex Corretja (6-3, 7-6). Blessé en 1997, il revient en 1998 sans obtenir de grands résultats en Grand Chelem. Mais en 1999, il fait son retour dans le top 10 après avoir disputé les quarts de finale à l’Open d’Australie et à Wimbledon.
Le lieu : Longwood Cricket Club, Chesnut Hill
Cette rencontre de Coupe Davis se joue sur dur, au Longwood Cricket Club, à Chestnut Hill, Massachusetts. Situé aux confins de Boston, ce club prestigieux a accueilli quatorze rencontres de Coupe Davis entre 1903 et 1957. Quarante ans plus tard, la Coupe Davis est de retour à Chestnut Hill pour un quart de finale entre les Etats-Unis de Pete Sampras et l’Australie de Patrick Rafter.
L’histoire : Martin, malade imaginaire ou vraiment diminué ?
Les débats autour de ce quart de finale de la Coupe Davis 1999 entre les Etats-Unis et l’Australie ont commencé avant la rencontre elle-même. L’Américain Pete Sampras, qui est encore numéro 1 mondial et vient de remporter Wimbledon, fait partie de l’équipe. Mais il est prévu qu’il ne joue que le double. “Après ce que Jim et Todd ont fait en Angleterre, la dernière chose que je voulais faire était d’arriver dans l’équipe et de prendre le train en marche, explique-t-il. C’est pour ça que j’ai dit ces derniers mois que je ne jouerais que le double. Jim et Todd méritent de jouer les simples.“
Le vendredi, le 8e mondial Todd Martin est battu par l’étoile montante australienne, Lleyton Hewitt, 18 ans (6-4, 6-7, 6-3, 6-0), avant que Jim Courier ne subisse le même sort face à Patrick Rafter (7-6, 6-4, 6-4). Le samedi, Pete Sampras et Alex O’Brien remportent le double face à Mark Woodforde et Sandon Stolle (6-4, 6-3, 3-6, 4-6, 6-3). C’est alors que les choses se compliquent.
Le capitaine américain, Tom Gullikson, laisse entendre que Martin est souffrant et ne pourra peut-être pas jouer le quatrième match contre Rafter. Il serait alors, selon lui, remplacé par Sampras.
Sauf qu’à l’époque, les règles de la Coupe Davis n’autorisent pas un capitaine à faire ce genre de changement, à moins qu’un médecin neutre ne déclare le joueur inapte à rentrer sur le terrain. De plus, Martin, lui, se dit en forme et prêt jouer.
Le dimanche matin, Martin, après s’être échauffé avec Jim Courier, déclare souffrir d’un coup de chaleur, avec une température proche de 50°. Bien que le médecin américain confirme ses dires, le médecin neutre, Richard Paul, refuse de le déclarer inapte.
Après avoir été soigné par intraveineuse, Martin se présente sur le court face au numéro 1 australien, Patrick Rafter, qui a attendu plusieurs heures avant de connaître le nom de son adversaire, inquiet à l’idée d’affronter Pete Sampras. Rafter et Martin viennent juste de se rencontrer en quarts de finale de Wimbledon, et Rafter avait pris le dessus (6-3, 6-7, 7-6, 7-6).
Dans les deux premiers sets, il semble bien que, même si Rafter a peut-être été perturbé par le cours des événements, Richard Paul ait vu juste : Martin semble plutôt en forme et se détache deux manches à rien. Mais dans les deux sets suivants, son niveau chute dramatiquement. En fin de compte, il est peut-être réellement diminué. Rafter empoche les troisième et quatrième sets.
Martin ne lâche pas pour autant, quelle que puisse être sa fatigue. Risquant sa santé, il continue le combat et par deux fois, il parvient à breaker Rafter. Mais l’Australien recolle à chaque fois. A l’arrivée, c’est Rafter qui s’impose, 6-4 au cinquième set.
Les opinions divergent lorsqu’il s’agit de commenter l’état de Martin et la tentative de son capitaine de le remplacer par le numéro 1 mondial Sampras. Le capitaine australien, John Newcombe, se montre sceptique :
“Je ne sais pas. Il a joué trois heures et demie de très bon tennis dans la chaleur, et a mené deux sets à rien contre Pat, puis a breaké deux fois au cinquième. Je pense que ça veut tout dire.”
De son côté, l’adversaire de Todd Martin lui accorde plus de crédit :
“Vous ne trouverez personne au monde de plus fair-play que Todd, dit Rafter. J’ai beaucoup de respect pour Todd, je ne l’ai jamais vu tenter quoi que ce soit contre moi. Je l’ai vu sur le court et il n’avait pas l’air en grande forme. Il était très pâle au début. Mais quand le match s’est lancé, il était de plus en plus dedans et j’ai su que j’allais avoir beaucoup de problèmes”.
La postérité du moment : L’Australie remportera la Coupe Davis
En décembre 1999, l’Australie remportera la 27e Coupe Davis de son histoire, en battant la France en finale, sans Patrick Rafter, blessé, mais avec un Mark Philippoussis en feu.
La Coupe Davis modifiera ses règles à plusieurs reprises, mais elles deviendront plus permissives pour les capitaines désireux d’aligner un joueur différent le dimanche.