« Mon point fort est de faire tout ce dont j’ai envie sur le terrain » : Andreeva, la légèreté de l’adolescence en demi-finale de Roland-Garros
La Russe Mirra Andrea a mis des mots rares et explicites sur l’art de jouer sans complexe, quand on a 17 ans sur le central de Roland-Garros. Ils l’ont menée à une place en demi-finale.
On ne sait pas combien de tournois du Grand Chelem aura remportés Mirra Andreeva quand elle aura, mettons, 25 ans, et quelle se présentera en conférence de presse de Roland-Garros pour débriefer ses matches. Mais comme ses aînées, elle parlera de sa faculté à jouer sous pression, de sa gestion des temps forts et des temps faibles, de la qualité de son service ou de la solidité dans les échanges.
Elle parlera de tennis, elle parlera de sport de haut niveau, elle parlera de la vie qui l’attend : celle d’une championne confrontée au poids de ses ambitions et de ses responsabilités.
A 17 ans, alors que la voilà en demi-finale de Roland-Garros contre l’Italienne Jasmine Paolini, la Russe résidente cannoise doit sa présence dans le dernier carré d’un majeur à sa qualité de jeu, évidemment, à une « maturité » qu’elle se reconnaît elle-même, mais elle la doit aussi à la fameuse insouciance de son âge.
« L’insouciance de la jeunesse ». Largement galvaudée – peu de personnes réalisent combien ces ado apprennent la vie en accéléré en travaillant si tôt à la réalisation de leur destin – cette expression recouvre une réalité rarement explicitée avec précision et pertinence. Andreeva a réussi à la partager dans la foulée du plus grand succès de sa carrière, contre Aryna Sabalenka (6-7, 6-4, 6-4).
Le point fort d’Andreeva
Dans un anglais déjà largement au point – de la graine de 19/20 au bac – la Russe est aussi douée pour trouver les bons angles face à la numéro 2 mondiale que pour mettre des mots sur la mécanique de sa réussite. « Je joue toujours exactement comme j’ai envie de jouer » a-t-elle répondu spontanément à une question sur sa plus grande force comme joueuse de tennis. Cette réponse géniale pourrait signifier qu’elle impose son plan de jeu à l’adversaire, ou qu’elle ne dévie jamais de son plan tactique.
Quand je joue, je ne pense à rien.
Mirra Andreeva
Elle signifie le contraire : elle signifie que sa spontanéité tient les manettes, quoi qu’il lui en coûte. « On a toujours un plan de jeu avec ma coach (Conchita Martinez) en début de match mais j’oublie tout dès que je mets les pieds sur le court. Quand je joue, je ne pense à rien. C’est pour ça que je dis que mon point fort est de faire tout ce dont j’ai envie. »
Cette extrême spontanéité, qui l’a menée jusqu’à la 38e place mondiale (23e au minimum lundi prochain), s’exerce « coup après coup », a-t-elle explicité. « Si, par exemple, mon adversaire joue un coup droit court croisé, je vais regarder où elle se trouve, où elle semble attendre la balle, et je vais me décider sur le coup. Long de ligne ou croisé ? Amortie ou enroulée ? Parfois le résultat n’est vraiment pas brillant. Je passe en revue tellement d’options que je peux changer au dernier moment, ce qui donne vraiment des résultats minables (rires). Alors j’essaie de jouer simple. »
Malgré son statut de petit prodige du circuit, qualifiée par exemple pour les huitièmes de finale de Wimbledon à 16 ans, Andreeva n’envisageait pas d’être, à Paris, la demi-finaliste en Grand Chelem la plus jeune depuis Martina Hingis en 1997. « Je ne m’y attendais pas, mais quand j’ai joué Gracheva en huitième de finale, je me disais : ‘après ce sera les quarts contre Sabalenka et si je gagne je serai en demie, waouw, ça ressemble à un rêve’. Un rêve qui devient donc réalité. »
Sabalenka, l’obstacle de trop ?
Une certitude : Andreeva ne fait pas partie de celles qui savent inquiéter les meilleures joueuses du monde, mais dont le bras tremble au moment de conclure. Quand on lui suggère que sa victoire contre Sabalenka matérialise une très forte conviction en son propre potentiel, elle raconte une autre histoire.
« J’étais très nerveuse et au début, mon objectif n’allait pas au-delà du fait de remporter plus de jeux que lors de notre dernier match à Madrid (cinq, NDLR). Elle est si puissante, si expérimentée, si agressive que je ne pouvais pas vraiment y croire. Je voulais juste profiter du moment et voir ce que ça allait donner. Après avoir perdu 7-6, je me suis dit : ‘ok, tu peux tenter de prendre un set maintenant’. »
« Pour y arriver, poursuit-elle, je n’ai fait que du point par point. Après le gain du second, je menais au troisième (2-1), je me sentais proche de la victoire. Au moment où j’ai pensé ça, j’ai perdu mon service. Alors je me suis dit : ‘Ne réfléchis plus jamais à ça, et joue simplement.’ Quand j’essaye de jouer du mieux possible, je ne pense à rien. J’ai désactivé le mode ‘réflexion’, j’y suis retournée et c’est passé. »
Une autre façon formuler ce témoignage est qu’Andreeva a appris en un match ce que beaucoup de consœurs mettent des années à acquérir. Son adversaire en demi-finale par exemple, Jasmine Paolini, qui va entrer dans le Top 10 à 28 ans. Après dix années à penser que ce type de performance n’était pas pour elle.