6 juin 1982 : Le jour où Wilander est venu à bout de Vilas dans la plus longue finale de Roland-Garros
Le 6 juin 1982, Mats Wilander s’impose face à Guillermo Vilas à l’issue de la plus longue finale de l’histoire de Roland-Garros, 1-6, 7-6, 6-0, 6-4, après 4 heures et 42 minutes.
Ce qui s’est passé et pourquoi c’est historique : La plus longue finale de Roland-Garros
Ce jour-là, le 6 juin 1982, Mats Wilander vient à bout de Guillermo Vilas à l’issue de la plus longue finale de l’histoire de Roland-Garros, 1-6, 7-6, 6-0, 6-4, après quatre heures et 42 minutes de jeu. Le jeune homme de 17 ans fait perdurer la domination suédoise à Paris, après que son compatriote Bjorn Borg a remporté les quatre dernières éditions du tournoi. Wilander, qui est à l’époque le plus jeune joueur à triompher à Roland-Garros, s’était rendu célèbre avant la finale par un geste de fair-play historique : en demi-finale, contre Jose-Luis Clerc, sur sa première balle de match, il avait fait rejouer le point suite à une annonce litigieuse, alors qu’il l’avait gagné et que l’arbitre avait déjà annoncé “jeu, set et match”.
Les acteurs : Mats Wilander et Guillermo Vilas
- Mats Wilander, nouveau génie suédois
Mats Wilander, né en 1964, est un nouveau venu sur le circuit. Vainqueur de l’épreuve juniors de Roland-Garros en 1981, il est passé professionnel la même année. Après avoir atteint les quarts de finale à Stockholm et terminé finaliste à Bangkok, il entame l’année 1982 en tant que n° 69 mondial. En mars, il remporte une première victoire de prestige en battant le 13e mondial, Brian Teacher, à Bruxelles (6-3, 6-4), avant d’être battu par Vitas Gerulaitis en finale (4-6, 7-6, 6-2). Lors du dernier tournoi de préparation pur Roland-Garros, à Rome, le jeune Wilander atteint les demi-finales, où il est battu par Andres Gomez (5-7, 6-4, 6-3). Il occupe déjà le 18e rang ATP.
- Guillermo Vilas, légende de la terre
L’Argentin Guillermo Vilas, né en 1952, est l’un des premiers joueurs à avoir imprimé un énorme lift en coup droit comme en revers. Gaucher, il est une véritable légende de la terre battue. En 1975, il parvient en finale de Roland-Garros, où il s’incline face à Bjorn Borg, le seul joueur à pouvoir alors le défier du fond de court (6-2, 6-3, 6-4). Après deux défaites en finale de l’US Open en 1975 et 1976, Vilas atteint le sommet de sa forme en 1977. Cette année-là, il domine le tennis mondial, remportant 16 titres, en s’imposant à Roland-Garros (écrasant en en finale Brian Gottfried, 6-0, 6-3, 6-0) et à Forest Hills, où il bat le favori du public, Jimmy Connors (2-6, 6-3, 7-6, 6-0). De plus, il parvient en finale de l’Open d’Australie, sur gazon, où il est battu par Roscoe Tanner (6-3, 6-3, 6-3). Il établit égalment un record qui demeurera intouchable pendant près de trente ans : une série de 53 victoires consécutives sur terre battue. Malgré ses résultats fantastiques, Vilas n’atteint jamais la première place mondiale, ce qui sera par la suite à l’origine de nombreuses controverses au sujet du système de classement. En 1978, l’Argentin est à nouveau battu par Borg en finale de Roland-Garros (il subit une lourde défaite, 6-1, 6-1, 6-3), mais il parvient à s’adjuger un nouveau titre du Grand Chelem, en dominant John Marks en finale de l’Open d’Australie (6-4, 6-4, 3-6, 6-3). Sa saison 1979 est décevante, il n’obtient aucun résultat marquant en Grand Chelem et lorsqu’arrive le mois de décembre, il est classé en-dehors du top 5 depuis plusieurs mois, ce qui ne lui était pas arrivé depuis 1974, mais à Melbourne, il ajoute un dernier titre du Grand Chelem à son palmarès en venant à bout de John Sadri (7-6, 6-3, 6-2). Depuis, l’Argentin paraît sur le déclin, et en 1981, il n’atteint les quarts de finale d’aucun tournoi majeur. Cependant, en 1982, il semble avoir retrouvé son meilleur niveau, avec notamment deux belles victoires sur Ivan Lendl en finale de Monte-Carlo et de Madrid. Au début de Roland-Garros 1982, il est 4e mondial.
Le lieu : Roland-Garros et le Court Philippe-Chatrier
Cette histoire a lieu à Roland-Garros. Le stade, situé dans l’ouest parisien, à la lisière du bois de Boulogne, accueille les Internationaux de France depuis 1928. Ce fut le premier et désormais le seul tournoi du Grand Chelem sur terre battue, la surface la plus lente, ce qui en fait le tournoi le plus difficile à gagner sur le plan physique. Depuis l’avènement de la légende suédoise Bjorn Borg, le tournoi est surtout dominé par les joueurs de fond de court.
L’histoire : Wilander fait craquer Vilas et devient le plus jeune joueur de l’histoire à remporter un Majeur
L’édition 1982 de Roland-Garros marque la fin d’une époque : le quadruple tenant du titre, Bjorn Borg, qui a toujours été le favori à Paris, ne participe pas au tournoi. En son absence, le nouveau favori est le finalist de l’année précédente, Ivan Lendl, suivi de près par Guillermo Vilas, puis par Jimmy Connors. Quant au jeune Mats Wilander, qui s’est fait récemment connaître en atteignant les demi-finales à Rome, personne ne s’attend à ce qu’il atteigne les quarts de finale : c’est sa première participation au grand tableau de Roland-Garros, et il doit affronter Lendl dès les huitièmes de finale.
Le jeune Suédois de 17 ans passe facilement ses trois premiers tours pour s’offrir un duel face à la tête de série n°2, qui avait perdu cinq sets contre Borg lors de la finale 1981. À la surprise générale, Wilander, qui n’avait jamais joué de match en cinq sets auparavant, l’emporte 4-6, 7-5, 3-6, 6-4, 6-2, après avoir livré une performance impressionnante. “J’ai fait de mon mieux”, déclare Lendl, selon le site tennis-buzz.com. “Je me suis bien préparé, j’ai tout donné, et j’ai été surclassé”.
La nouvelle terreur suédoise écarte ensuite le numéro 10 mondial, Vitas Gerulaitis (6-3, 6-3, 4-6, 6-4), et en demi-finale, il affronte Jose-Luis Clerc, numéro 5 mondial, un grand joueur de terre battue qui est un sérieux prétendant au titre. Une fois de plus, Wilander l’emporte, mais il fait également preuve d’un incroyable fair-play, à travers un geste qui intègre instantanément la légende de Roland-Garros. À sa deuxième balle de match, un coup droit de Clerc est donné faute et l’arbitre, ayant annoncé “jeu, set et match”, descend de sa chaise. Mais alors que Clerc conteste l’annonce, Wilander vient voir l’arbitre et lui dit qu’il ne veut pas gagner comme ça, et il fait rejouer le point. Clerc expédie un revers dans le filet, propulsant l’adolescent en finale, où l’attend Guillermo Vilas, vainqueur de Roland-Garros en 1977 et qui n’a pas encore été battu sur terre battue en 1982.
Le dimanche 6 juin, par une journée particulièrement chaude, Wilander et Vilas disputent la plus longue finale de l’histoire de Roland-Garros. Les deux joueurs comptent sur leur physique et se montrent patients à l’extrême : de nombreux points dépassent les 50 coups. Il faut une heure entière à l’Argentin pour gagner le premier set 6-1, et la partie d’échecs continue au deuxième set, que Wilander remporte 7-6 en plus de 90 minutes.
Vilas n’avait pas perdu un seul set sur le chemin de la finale, mais il ne se remettra jamais de la perte de cette manche. Le Suédois remporte le troisième set 6-0 et, dans le quatrième, il fait preuve d’une force mentale comparable à celle de Borg en servant un jeu solide à 5-4 pour sceller sa victoire, après quatre heures et 42 minutes de jeu. Il est également, à l’époque, le plus jeune joueur masculin à avoir jamais remporté un tournoi du Grand Chelem.
La postérité du moment : Mats Wilander, plus grand joueur des années 80
Guillermo Vilas poursuivra son déclin dans les années suivantes, obtenant sa dernière performance remarquable à Roland-Garros en 1986 (battu par Johan Kriek en quarts de finale, 3-6, 7-6, 7-6, 7-6). En 2015, un journaliste, Eduardo Puppo, affirmera que Vilas aurait dû être classé numéro 1 mondial pendant cinq semaines, en 1977, mais l’ATP n’accordera que peu de crédit à cette affirmation.
Mats Wilander deviendra le deuxième plus grand joueur des années 1980, derrière Ivan Lendl. Sa plus grande saison sera sans aucun doute 1988, lorsqu’il atteindra la première place mondiale après avoir remporté trois des quatre tournois du Grand Chelem. Cependant, une fois qu’il aura atteint la première place, il perdra sa motivation et, en moins d’un an, il quittera définitivement le top 10. Au total, Wilander remportera trois fois Roland-Garros et sept tournois du Grand Chelem, le seul qui manquera à son palmarès étant Wimbledon, où il ne dépassera jamais les quarts de finale.