9 novembre 1993 : Le jour où Borg a pris sa retraite, cette fois pour de bon
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Aujourd’hui, nous remontons au 9 novembre 1993, lorsqu’une défaite de Bjorn Borg à la Kremlin Cup a sonné la fin de son retour raté sur le circuit.
Ce qui s’est passé ce jour-là : Borg dispute son dernier match
Ce jour-là, le 9 novembre 1993, à l’occasion de la Kremlin Cup, à Moscou, Björn Borg dispute le dernier match de son retour raté sur le circuit, qui avait démarré au tournoi de Monte-Carlo en 1991. Battue par le Russe Alexandre Volkov après avoir manqué une balle de match (4-6, 6-3, 7-6), la légende suédoise annonce qu’il raccroche définitivement ses raquettes. En deux ans et douze tournois joués, le champion aux onze titres du Grand Chelem n’a pas réussi à gagner le moindre match.
Les acteurs : Björn Borg et Alexandre Volkov
- Björn Borg, la star au tempérament de glace
Björn Borg, né en 1956, est le champion qui a changé le tennis pour toujours. Sa « starisation » sans précédent et ses nombreux succès contribuent à faire du tennis un sport très populaire à la fin des années 1970. Son style de jeu, avec un usage inhabituel du lift et un revers à deux mains très curieux pour l’époque, est simplement révolutionnaire et sera copié dans le monde entier. Son surnom, « Ice Borg », reflète son attitude sur le court : il semble maîtriser ses émotions en toutes circonstances.
Ayant commencé le tennis à l’âge de 9 ans, il fait déjà partie de l’équipe suédoise de Coupe Davis à l’âge de 15 ans, et, pour sa première participation à cette compétition, il gagne son simple contre le Néo-Zélandais Onny Parun. Il passe pro l’année suivante, en 1973, avant même de fêter ses dix-sept ans, et il atteint bientôt la finale de Monte-Carlo, où il est battu par Ilie Nastase (6-4 6-1 6-2). Sa domination commence en 1974, où, à l’âge de 18 ans, il remporte son premier titre du Grand Chelem à Roland-Garros, devenant le plus jeune vainqueur de l’histoire du tournoi.
Un seul joueur a réussi à battre Borg à Paris : l’Italien Adriano Panatta, qui le domine en 1973 et en 1976. Sinon, le Suédois est invaincu à Paris où il s’est imposé à six reprises (1974, 1975, 1978, 1979, 1980, 1981). Il se montre également presque invincible à Wimbledon, où il remporte cinq titres consécutifs (1876-1980), jusqu’à ce qu’en 1981, John McEnroe devienne le premier joueur à le battre au All England Club depuis Arthur Ashe, en 1975.
Etant donné que Björn Borg n’a participé qu’une seule fois à l’Open d’Australie, en 1974, on considère que le seul titre majeur qu’il n’ait jamais remporté est l’US Open, où il a perdu quatre finales, deux face à Jimmy Connors (1976, 1978) et deux face à John McEnroe (1980, 1981). Victime de l’attention permanente dont il est l’objet et de la pression qui en découle, il explose en plein vol et prend sa retraite à l’âge de 26 ans, comptant déjà 64 tournois à son palmarès, et ayant occupé la place de numéro 1 mondial pendant 109 semaines.
- Alexandre Volkov, le « Henri Leconte russe »
Le Russe Alexandre Volkov est né en 1967. Son tennis de gaucher talentueux lui vaut d’être surnommée le « Henri Leconte russe ». Il obtient son premier résultat marquant à Wimbledon, en 1987, où, 503e mondial, il parvient en huitièmes de finale après être passé par les qualifications.
Il intègre le top 100 en 1988, et en 1989, il dispute sa première finale à Milan (battu par Boris Becker, 6-1, 6-2). Deux ans plus tard, c’est dans la même ville italienne qu’il remporte son premier titre, aux dépens de Cristiano Caratti (6-1, 7-5). En 1993, il réussit la plus grande performance de sa carrière en se hissant en demi-finales de l’US Open (éliminé par Pete Sampras, 6-3, 6-4, 6-2). En novembre 1993, il est 17e mondial.
Le lieu : Moscou
Le tournoi masculin de la Kremlin Cup, à Moscou, a été créé en 1990. Il se dispute sur moquette intérieure au Stade Olympique construit pour accueillir les épreuves de boxe et de basket-ball des Jeux Olympiques de 1980. Selon la disposition des lieux, les tribunes peuvent recevoir de 10 000 à 30 000 spectateurs.
L’histoire : l’étrange comeback de Borg
Il est assez rare que la présence d’un 1148e mondial au premier tour d’un tournoi ATP constitue un événement, mais, lors du premier tour de la Kremlin Cup 1993, ce joueur n’est autre que Björn Borg. Depuis 1991, la légende suédoise s’est lancée dans un improbable retour sur le circuit, munie de son antique raquette en bois.
Au début des années 1980, épuisé mentalement, Borg avait pris le monde du tennis à contre-pied en prenant sa retraite à seulement 26 ans. Il expliquera plus tard avoir senti que quelque chose avait changé en lui après la finale de Wimbledon 1981, perdue face à John McEnroe : « J’avais l’impression d’avoir été largement meilleur ce jour-là, je n’étais seulement pas vraiment concentré. Et lorsque j’ai perdu, ce qui m’a choqué, c’est que je n’étais même pas déçu. »
J’habitais à Monte-Carlo, je ne me suis pas entraîné, je n’ai pas joué d’exhibitions, je me suis juste pointé, en quelque sorte. (…) C’était de la folie, je le savais.
Björn Borg
En 1991, le sextuple vainqueur de Roland-Garros surprend à nouveau tout le monde en faisant son grand retour au tournoi de Monte-Carlo. Il obtient une invitation, mais, hors de forme, équipé d’une raquette en bois d’un autre temps, il est facilement battu par le 52e mondial, Jordi Arrese (6-2, 6-3). Ce come back suicidaire de la première superstar du tennis laisse perplexes les experts, qui ne comprennent pas bien ce que Borg espère accomplir.
« Je voulais simplement rejouer au tennis. (…) J’habitais à Monte-Carlo, je ne me suis pas entraîné, je n’ai pas joué d’exhibitions, je me suis juste pointé, en quelque sorte. (…) C’était de la folie, je le savais. Je savais que je ne jouais pas bien. Un ou deux ans plus tard, Jimmy Connors a lancé le circuit senior. Si cela avait existé en 1991, c’est ce que j’aurais fait à la place, mais du coup, je suis allé à Monte-Carlo », expliquera Borg au Guardian en 2007.
En 1992, Borg, qui fut si longtemps invincible, participe à huit tournois sans gagner le moindre set. En 1993, il n’est jusqu’alors apparu qu’à deux reprises, à San Francisco (éliminé par Jaime Oncins, 46e mondial, 6-4, 6-7, 6-4) et à Saragosse (battu par Joao Cunha-Silva, 113e ATP, 6-1, 5-7, 7-5).
A Moscou, Borg n’est pas chanceux au tirage : il affronte Alexandre Volkov, 17e mondial, qui a disputé les demi-finales de l’US Open deux mois plus tôt. Face au talentueux gaucher, le Suédois livre peut-être le meilleur match depuis son retour. Il se procure même une balle de match au tie-break du dernier set, mais il s’incline finalement, 4-6, 6-4, 7-6 (7).
Cette fois, en conférence de presse, Borg affirme qu’il s’agissait là de son dernier match sur le circuit, mettant ainsi un terme à l’un des comebacks les plus étranges de l’histoire du sport.
La postérité du moment : Borg sur le Senior Tour
Alexander Volkov déclarera forfait avant de disputer son deuxième tour à la Kremlin Cup, mais il sera de retour et remportera le tournoi en 1994, aux dépens de Chuck Adams (6-2, 6-4). Volkov prendra sa retraite en 1998, et, après avoir été aux côtés de Marat Safin lors de son sacre à l’US Open en 2000, il entraînera brièvement l’équipe de Coupe Davis russe. Volkov décèdera en 2019, à l’âge de 52 ans.
Björn Borg jouera régulièrement sur le Senior Tour dans les années 1990. Dans les années 2000, il surprendra à nouveau ses pairs en annonçant la vente aux enchères de ses trophées de Wimbledon. Ce seront d’autres stars du tennis, outrées par cette vente, qui le convaincront finalement de racheter lui-même ses coupes. En 2017, on le reverra sur les courts à l’occasion de la Laver Cup, en tant que capitaine de l’équipe européenne.