4 septembre 1993 : Le jour où Wilander et Pernfors ont combattu jusqu’à 2h26 du matin
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Aujourd’hui, nous retournons en 1993 pour voir comment Mats Wilander et Mikael Pernfors ont combattu jusqu’à 2h26 du matin, la fin de match la plus tardive de l’histoire du tournoi.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : Un combat terminé à 2h26 du matin en Grand Chelem
Ce jour-là, le 4 septembre 1993, au deuxième tour de l’US Open, l’ancien numéro un mondial, le Suédois Mats Wilander, vient à bout de son compatriote et ami Mikael Pernfors (7-6, 3-6, 1-6, 7-6, 6-4). Leur combat de quatre heures ne prend fin qu’à 2h26 du matin. C’est le match le plus tardif jamais terminé à l’US Open. Un record qui tiendra de longues années avant d’être égalé puis battu par un duel entre Carlos Alcaraz et Jannik Sinner achevé à 2h50 en 2022.
Les acteurs
- Mats Wilander, déjà des records
Mats Wilander, né en 1964, a connu le succès à un très jeune âge. En 1982, à l’âge de 17 ans et neuf mois, il devient le plus jeune vainqueur de Grand Chelem de l’histoire en battant en finale Guillermo Vilas, véritable légende sur terre battue (1-6, 7-6, 6-0, 6-4). Il se rend également célèbre après avoir fait preuve d’un rare fair-play plus tôt dans le tournoi : en demi-finale, contre José Luis Clerc, il inverse, sur balle de match, une annonce qui le propulsait en finale, alors que l’arbitre avait déjà annoncé la sentence « jeu, set et match », normalement irrévocable.
En quart de finale de la Coupe Davis 1982, il dispute également le match le plus long de l’ère Open, vaincu en 6h22 par John McEnroe (9-7, 6-2, 15-17, 3-6, 8-6). Battu en finale de Roland-Garros 1983 par Yannick Noah (6-2, 7-5, 7-6), Wilander remporte un deuxième titre du Grand Chelem quelques mois plus tard en s’imposant face à Ivan Lendl sur le gazon australien (6-1, 6-4, 6-4) à la surprise générale, lui qui semblait être pur spécialiste de terre battue.
En 1984, il parvient à défendre son titre à Melbourne (aux dépens de Kevin Curren, 6-7, 6-4, 7-6, 6-2) et en 1985, il ajoute un deuxième Roland-Garros à son palmarès (en battant en finale Lendl, 3-6, 6-4, 6-2, 6-2). Wilander mène également la Suède à son premier succès en Coupe Davis, en 1984, un exploit réédité en 1985 et 1987.
La saison 1988 est la plus belle de sa carrière : après avoir réussi le Petit Chelem (qui consiste à remporter trois tournois majeurs la même année), il devient numéro1 mondial le 12 septembre. C’est en quelque sorte son Graal. Par la suite, Wilander perd sa motivation et décline rapidement. A la fin de l’année 1989, il sort définitivement du top 10 et ne dispute plus la moindre finale de Grand Chelem.
En 1991, il retombe au 157e rang mondial et, après une défaite au premier tour au Queen’s, il se tient à l’écart du circuit pendant presque deux ans. Il fait un come-back en 1993 en disputant quelques tournois,, remontant en septembre au 558e rang mondial.
- Mikael Pernfors, parmi les grands
Le Suédois Mikael Pernfors, né en 1963, est surtout connu pour son parcours à Roland-Garros en 1986. A la surprise générale, il se hisse en finale en éliminant Henri Leconte et Boris Becker avant d’être battu par Ivan Lendl (6-3, 6-2, 6-4). La même année, après avoir atteint la 10e place mondiale (son meilleur classement), il livre un combat de cinq sets face à Pat Cash en finale de la Coupe Davis, mais il finit par s’incliner (2-6, 4-6, 6-3, 6-4, 6-3). Il remporte ses deux premiers titres en 1988 en battant Andre Agassi en finale à Los Angeles (6-2, 7-5), puis Glenn Layendecker en finale à Scottsdale (6-2, 6-4). À l’entame de l’année 1990, il est 63e mondial.
En 1990, il réalise sa deuxième meilleure performance en Grand Chelem à l’Open d’Australie, où il atteint les quarts de finale (battu par Yannick Noah, 6-3, 7-5, 6-2). Victime de blessures en 1991 et 1992, il retrouve la forme en 1993, remportant son troisième titre au Super 9 de Montréal aux dépens de Todd Martin en finale, 2-6, 6-2, 7-5. A l’entame de l’US Open, il est 37e mondial.
Le lieu : L’US Open, à Flushing Meadows
L’US Open (appelé US Nationals avant 1968 et le début de l’ère Open) a été créé en 1881. Bien qu’il soit le seul Grand Chelem à avoir été disputé sans la moindre interruption depuis ses débuts, le tournoi a changé de site à plusieurs reprises au fil des années. Les premières éditions se déroulent sur les courts en herbe du Casino de Newport, à Rhode Island, puis, en 1915, l’épreuve s’installe à New-York, au West Side Tennis Club, dans le quartier de Forest Hills, jusqu’en 1977 (avec une parenthèse de 1921 à 1923, où les joueurs s’affrontent à Philadelphie).
De 1975 à 1977, le tournoi se dispute sur terre battue. En 1978, l’US Open quitte le West Side Tennis Club, désormais trop petit pour accueillir un événement d’une telle importance, pour l’USTA National Tennis Center, situé à Flushing Meadows, à New-York. Par la même occasion, le tournoi se dispute à présent sur surface dure. Le court central du Billie Jean King National Tennis Center, le stadium Louis Armstrong, est le plus grand court du monde, avec une capacité de plus de 23 000 places.
L’histoire : Wilander profite des crampes de Pernfors
En septembre 1993, Mats Wilander, sept fois titré en Grand Chelem, est bien loin de sa gloire passée. En manque de motivation après avoir atteint la première place mondiale en 1988, il avait presque pris sa retraite 1991. Durant l’année 1993, il fait quelques apparitions sur le circuit, sans grand succès : classé 558e mondial, il n’entre dans le tableau de l’US Open que grâce à une wild card, que l’organisation du tournoi pouvait difficilement refuser au finaliste de l’édition 1987 et vainqueur du tournoi en 1988. Wilander honore cette invitation par une victoire convaincante au premier tour contre le 77e mondial, Jaime Oncins (7-5, 7-6, 7-6).
Son adversaire du deuxième tour, son compatriote Mikael Pernfors, est un ami de longue date, lui aussi revenu de nulle part en 1993. Des blessures l’avaient empêché de jouer à son meilleur niveau en 1991 et 1992 (il était même retombé au 1002e rang mondial en 1991) mais d’après ses récents résultats, il est à nouveau en grande forme : en juillet, il a triomphé au Super 9 de Montréal (l’équivalent des Masters 1 000 d’aujourd’hui), remportant au passage une belle victoire en huitième de finale contre le numéro 2 mondial, Jim Courier (6-3, 6-2).
Bien qu’il ne soit pas favori, Wilander remporte la bataille de fond de court au premier set, qu’il gagne 7-6, mais il semble ensuite épuisé dans les sets suivants, qu’il perd 6-3, 6-1, perdant son service quatre fois d’affilée. Il se ressaisit cependant dans un quatrième set mémorable et emmène Pernfors dans un tie-break à suspense. Wilander n’arrive pas à convertir deux balles de set à 6-4, avant de tout de même conclure la manche, 8-6, pour entamer un cinquième set à 2 heures du matin. “Quand j’ai fait le break au cinquième set, je pensais que c’était le coup de grâce”, a déclaré Wilander, selon le New York Times. “Mais il m’a tout de suite débreaké.”
J’espérais ne pas en arriver là.
Mats Wilander
Ce n’est pourtant plus qu’une question de temps avant que le vainqueur de l’US Open 1988 n’achève son adversaire frappé par des crampes. Wilander prend le service de Pernfors dans le 10e jeu pour mettre un terme à la rencontre. Il est 2h26 du matin. C’est la fin de match la plus tardive de l’histoire de l’US Open, lorsque les Suédois se donnent une accolade au filet, devant un public clairsemé.
Pendant la conférence de presse, lorsque les journalistes lui ont demandé s’il avait déjà joué aussi tard, Wilander plaisante : “Joué à quoi ?”
“L’idée de jouer cinq sets ne m’a jamais traversé l’esprit”, déclare Wilander, qui, ces derniers mois, avait affirmé qu’il ne revenait que pour le plaisir. “J’espérais ne pas en arriver là”.
Pernfors, lui, ne semble pas trouver le retour de Wilander particulièrement “amusant”.
“Tout le monde dit qu’il fait ça pour s’amuser”, déclare l’ancien finaliste de Roland-Garros. “Mats veut gagner tout autant que n’importe qui. Même s’il ne joue pas beaucoup, il semble qu’il n’est pas fatigué. On dirait même qu’il est en pleine forme.”
La postérité du moment : Un record égalé à deux reprises… à 2h26 précise
Mats Wilander sera battu au tour suivant par Cédric Pioline, le futur finaliste du tournoi (6-4, 6-4, 6-4). Il remontera jusqu’à la 45e place mondiale, en 1995, avant de prendre sa retraite définitive en 1996.
Mikael Pernfors quittera le top 100 à la fin de l’été 1994 et mettra lui aussi un terme à sa carrière en 1996.
Avant d’être battu, ke record de Wilander et de Pernfors du match le plus tardif à l’US Open sera d’abord égalé à deux reprises : la première fois, en 2012, lorsque Philip Kohlschreiber bat John Isner au troisième tour (6-4, 3-6, 4-6, 6-3, 6-4), et la deuxième fois en 2014, lorsque Kei Nishikori élimine Milos Raonicen huitième (4-6, 7-6, 6-7, 7-5, 6-4). À chaque fois, à 2h26 précises.
Finalement, Carlos Alcaraz et Jannik Sinner mettront tout le monde d’accord en disputant, en 2022, un quart de finale titanesque, remporté par l’Espagnol (6-3, 6-7, 6-7, 7-5, 6-3) à 2h50 du matin.
Fin de match les plus tardives dans les autres tournois du Grand Chelem
Open d’Australie : Lleyton Hewitt bat Marcos Baghdatis à 4h33 en huitièmes de finale, en 2008 (3-6, 7-5, 7-5, 6-7, 6-3).
Roland-Garros : Novak Djokovic bat Lorenzo Musetti à 3h06 au troisième tour, en 2024 (7-5, 6-7, 2-6, 6-3, 6-0).
Wimbledon : Andy Murray bat Marcos Baghdatis à 23 h 02 au troisième tour, en 2012 (7-5, 3-6, 7-5, 6-1).