26 juin 1951 : le jour où Althea Gibson est devenue la première joueuse noire à participer à Wimbledon
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 26 juin 1951, Althea Gibson devenait la première joueuse noire à participer à Wimbledon.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis
Ce jour-là, le 26 juin 1951, Althea Gibson devient la première joueuse noire à participer au tournoi de Wimbledon. C’est l’aboutissement d’un long combat contre le racisme et les préjugés, que Gibson a affronté avant de pouvoir participer aux tournois majeurs. Elle n’atteindra cette année-là que le troisième tour, mais six ans plus tard, en 1957, après avoir remporté Roland-Garros en 1956, elle soulèvera le trophée au All England Club. Son succès est un grand pas vers la fin de la ségrégation au tennis et, de manière plus générale, dans la lutte pour les droits civiques.
Le lieu : Wimbledon
Wimbledon est le tournoi de tennis le plus ancien et le plus prestigieux au monde. Organisé par le All England Lawn Tennis and Croquet Club depuis 1877, il s’est installé sur son site actuel en 1922, année de la construction du célèbre Centre Court. Considéré par beaucoup comme le court le plus impressionnant au monde, avec sa célèbre citation de Rudyard Kipling gravée au-dessus de l’entrée (« Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite et recevoir ces deux menteurs d’un même front »), le Centre Court a vu s’affronter tous les plus grands joueurs de l’histoire. Le tournoi se joue sur herbe, une surface qui convient généralement mieux aux serveurs-volleyeurs. Wimbledon maintient également certaines traditions comme l’obligation pour les joueurs de s’habiller en blanc, où le fait de programmer le tenant du titre en match d’ouverture sur le court central.
L’histoire : le long parcours d’Althea Gibson pour participer à Wimbledon
Althea Gibson est née en 1927 dans une exploitation de coton de Caroline du Nord, mais elle grandit à New-York, où sa famille déménage en 1930, frappée par la Grande Dépression. Elle fait ses premiers pas raquette en main dans les rues de Harlem, en jouant au paddle-tennis, un dérivé du tennis qui se joue sur un plus petit terrain sans couloirs (à ne pas confondre avec le « padel » moderne). La jeune Althea y excelle et devient championne de New York de paddle en 1939, à l’âge de douze ans. Grâce à une collecte de voisinage, elle devient membre du Harlem Cosmopolitan Club, un club pour Afro-Américains, et y prend des leçons de tennis.
En 1941, Althea Gibson commence à écumer les tournois de l’ATA, l’American Tennis Association, l’équivalent Afro-Américain de l’USLTA, la Fédération de Tennis américaine. Grâce au soutien financier du célèbre boxeur Sugar Ray Robinson, Gibson devient championne nationale junior et, en 1947, remporte le premier de ses dix titres consécutifs au Championnat National Féminin de l’ATA. Elle domine le jeu grâce à sa puissance et sa vitesse.
Ses succès sont remarqués par les mécènes Walter Johnson et Hubert A. Eaton. Avec leur aide, elle participe à des tournois de plus grande importance, mais les tournois de l’USLTA lui restent inaccessibles. Officiellement, l’USLTA interdit la ségrégation raciale, mais la plupart de ses compétitions ont lieu dans des country-clubs réservés aux Blancs. Finalement, Althea Gibson met un premier pied dans ce milieu en 1949, en devenant la première femme noire à participer au Championnat indoor de l’USLTA, où elle atteint les quarts de finale.
Mais ce n’est qu’en 1950 qu’elle pourra s’aligner au tournoi le plus important organisé par l’USLTA, le National Championships, ancêtre de l’US Open, qui se tient à Forest Hills. Elle s’était vu refuser l’accès plusieurs années de suite, jusqu’à ce que l’ancienne championne Alice Marble s’engage dans un intense lobbying pour pousser l’organisation à l’autoriser à jouer. Dans une lettre au Journal de l’USLTA, Marble écrit : « Si le tennis est un sport de dames et de gentlemen, il est temps que nous nous comportions comme tels, et non comme des bigots hypocrites. Si Althea Gibson représente un défi pour les joueuses actuelles, alors il serait juste qu’elles y répondent sur les courts. »
Gibson est finalement admise dans le tournoi de Forest Hills et passe son premier tour face à Barbara Knapp, avant de s’incliner contre Louis Brough, championne de Wimbledon en titre, à l’issue d’un match joué sur deux jours en raison de la pluie. C’est un moment marquant de l’histoire du tennis, comme le journaliste David Eisenberg l’explique à Sports Illustrated : « J’ai assisté à beaucoup de grands moments de sport, mais peu furent plus excitants que la prestation de Mlle Gibson contre Mlle Brough. Pas en raison du niveau de jeu, qui ne fut pas incroyable, mais à cause de l’énorme effort réalisé par cette jeune fille de couleur, si seule et si tendue. »
L’inclusion de Gibson au plus grand tournoi de tennis des Etats-Unis n’est plus simplement l’histoire d’une joueuse de tennis se frayant un chemin vers le sommet. Pour la communauté Afro-Américaine, c’est comparable à ce qu’avait accompli plus tôt Jackie Robinson, au baseball : un moment marquant dans la lutte pour les droits civils.
En juillet 1951, elle devient la première femme noire à jouer à Wimbledon. Son entourage avait tenté de convaincre le conseil d’administration du All England Club de l’inviter dans le tableau deux ans auparavant, mais à l’époque, les responsables britanniques avaient suggéré qu’elle participe d’abord à des tournois organisés aux Bermudes. C’est ce que fait Gibson, et après avoir remporté son premier titre international aux championnats des Caraïbes en Jamaïque, elle s’envole pour les Bermudes, où elle s’impose également. Devant tant de volonté, les officiels ne peuvent qu’accepter que la joueuse intègre le tournoi.
Les débuts d’Althea Gibson sont réussis : malgré la pression d’être la première joueuse noire à participer à Wimbledon, elle s’impose face à la Britannique Pat Ward (6-0, 2-6, 6-4). Selon l’Associated Press, bien qu’elle ne soit pas tête de série, Gibson “a convaincu les experts britanniques qu’elle avait les moyens de faire partie des meilleures mondiales d’ici un an ou deux.”
La postérité du moment : Althea Gibson serrera la main d’Elizabeth II et défilera triomphalement dans les rues de New York
Althea Gibson sera battue au tour suivant par la cinquième tête de série, Beverly Baker (6-1, 6-3). Sa déception sera telle qu’elle envisagera même d’abandonner le tennis pour s’engager dans l’armée. L’année suivante, en 1957, Althea Gibson posera de nouveaux jalons, en s’imposant à Wimbledon puis à Forest Hills. Au All England, elle gagne devant la reine Elizabeth II : « Serrer la main de la reine d’Angleterre, c’est très éloigné de devoir s’asseoir dans la section du bus réservée aux gens de couleur », commentera-t-elle. Le 11 juillet, de retour à New York, elle sera la deuxième Noire américaine, après le champion des Jeux de 1936 Jesse Owens, à triompher en défilant dans les rues de la ville. En 1958, elle sera la première femme noire à faire la Une de Time et Sports Illustrated.
Au total, Gibson inscrira à son palmarès cinq titres du Grand Chelem en simple, cinq en double, et un en double mixte.