26 avril 1981 : Le jour où Evert a infligé à Navratilova une raclée qui a tout changé
Chris Evert corrige Martina Navratilova en finale du tournoi d’Amelia Island et lui inflige un double bagel, le 26 avril 1981. Une défaite qui aura l’effet d’un déclic pour la gauchère, qui ne fera que monter en puissance par la suite.
Ce qu’il s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : une claque qui agira comme un déclic pour Navratilova
Le 26 avril 1981, en finale du tournoi d’Amelia Island, Chris Evert humilie sa rivale, Martina Navratilova, en seulement 54 minutes (6-0, 6-0). Il s’agit du 41e épisode de leur grande rivalité, un épisode qui s’avèrera par la suite décisif. La gauchère, extrêmement déçue après cette humiliation, deviendra plus forte que jamais et remportera 31 de leurs 39 rencontres à venir.
Les actrices : Chris Evert et Martina Navratilova
- Chris Evert, reine de la terre battue
Chris Evert est née en 1954 en Floride. Entraînée par son père, elle développe un jeu basé sur la régularité, tenant ses adversaires à distance du filet grâce à sa longueur de balle, et les sanctionnant avec d’excellents passings si elles montent imprudemment. Evert obtient son premier résultat notable à l’âge de 16 ans, se hissant en demi-finales de l’US Open (éliminée par la N.1 mondiale, Billie Jean King, 6-3, 6-2). En 1973, à l’âge de 18 ans, elle termine finaliste à Roland-Garros et à Wimbledon, battue par les deux meilleures joueuses du monde, King et Margaret Court. En 1974, elle remporte finalement ses premier et deuxième titres du Grand Chelem, en s’imposant face à Olga Morozova en finale de Roland-Garros et de Wimbledon. Evert termine l’année à la 2e place mondiale, remportant pas moins de 16 tournois, et gagne en visibilité médiatique en entamant une romance avec Jimmy Connors. En 1975, elle poursuit sa série de victoires sur terre battue, en triomphant pour la deuxième fois à Roland-Garros, en battant en finale sa future plus grande rivale, Martina Navratilova (2-6, 6-2, 6-1), et elle remporte également l’US Open, qui se joue pour la première fois sur terre battue (en battant Evonne Goolagong en finale, 7-5, 4-6, 6-2).
Evert devient la première N.1 mondiale du nouveau classement WTA et conserve cette place sans interruption jusqu’en 1979. En 1981, bien que sa domination soit contestée par Navratilova et Tracy Austin, elle a accumulé 11 titres du Grand Chelem et atteint la finale de chaque tournoi majeur auquel elle a participé depuis sa défaite en demi-finale de Wimbledon, en 1975. Elle se montre presque imbattable sur terre battue, où elle réalise une série de 125 victoires consécutives, entre 1973 et 1979. En avril 1981, elle est N.1 mondiale, ayant récupéré la place des mains de Tracy Austin en novembre 1980.
- Martina Navratilova, prodige qui monte
En 1981, Martina Navratilova, née en 1956, est l’une des trois prétendantes à la première place mondiale, qu’elle s’échange régulièrement avec sa plus grande rivale, Chris Evert. La Tchécoslovaque devient professionnelle en 1975, atteignant les finales de l’Open d’Australie (défaite par Goolagong, 6-3, 6-2) et de Roland-Garros (revers contre Evert, 2-6, 6-2, 6-1). Les années suivantes, Navratilova s’établit dans le top 4, remportant 22 tournois. Mais ce n’est qu’en 1978 qu’elle remporte enfin son premier titre majeur à Wimbledon (en battant Evert en finale, 2-6, 6-4, 7-5). Peu après, elle devient N.1 mondiale pour la première fois. Mais à l’US Open, elle est éliminée en demi-finale par Pam Shriver, âgée de 16 ans (7-6, 7-6). L’année suivante, elle défend son titre au All England Club (en battant Evert, 6-4, 6-4). Mais à l’US Open, Navratilova est à nouveau arrêtée en demi-finale par une jeune rivale, Tracy Austin (7-5, 7-5). En 1980, elle remporte 11 tournois sur le circuit, mais ses résultats en Grand Chelem sont décevants, et elle termine l’année au troisième rang mondial, derrière Evert et Austin. À l’époque, elle est en pleine procédure pour devenir citoyenne américaine, et elle est souvent critiquée pour sa forme physique insuffisante et son attrait pour les fast-foods.
Le lieu : Amelia Island
Le tournoi féminin d’Amelia Island a été créé en 1980. Disputé au printemps sur terre battue américaine (également appelée har-tru), c’est déjà un événement prestigieux, et sa première édition a été remportée par l’une des plus grandes stars du circuit, Martina Navratilova.
L’histoire : Une démonstration de force sur terre battue
En 1981, la rivalité entre Chris Evert et Martina Navratilova est bien établie. Les deux femmes se sont déjà affrontées à 40 reprises, et au total, “Chrissie” mène par 27 à 13. Mais sur terre battue, elle a remporté chacune de leurs six rencontres. Par conséquent, même si, au cours des deux dernières années, Navratilova a battu l’Américaine à plusieurs reprises, Evert est la grande favorite de leur finale, sur la terre battue américaine d’Amelia Island, le 26 avril 1981.
À son entrée sur le court, le speaker qualifie Evert de “virtuose de la terre battue”. Depuis mai 1973, elle affiche en effet un rapport victoires/défaites palmarès de 174-1 sur cette surface. Elle a remporté les trois éditions de l’US Open jouées sur terre américaine (1975-1977) et elle a gagné quatre fois Roland-Garros, tout en ayant fait l’impasse sur l’épreuve trois ans de suite (1976-1978).
“Chrissie” donne rapidement raison au présentateur. Navratilova est impuissant face à la constance d’Evert, au point qu’elle semble même incapable de gagner le moindre jeu.
“Chrissie a une tête à distribuer des bagels (expression anglaise pour désigner un set gagné 6-0)”, déclare Bud Collins, qui commente le match à la télévision, vers la fin du premier set.
Devant un public ébahi, Evert administre même un « double bagel » à la championne en titre, 6-0, 6-0, en 54 minutes.
“Quand ils ont présenté Chris, ils ont dit qu’elle était une virtuose de la terre battue. Elle leur a montré qu’ils avaient raison”, déclare Navratilova à la foule, dans des propos rapportés par le New York Times. ”Je suis désolée de ne pas avoir fait mieux que ça. J’ai ici un chèque de 16 000 dollars, et j’ai l’impression que je devrais vous en rendre la moitié.”
Avant de passer le micro à son adversaire, Navratilova termine son discours avec une pointe d’humour :
“J’espère que lorsque je reviendrai ici, Chrissie sera peut-être enceinte”, glisse-t-elle, faisant référence au récent mariage d’Evert avec John Lloyd.
D’après Eurosport.com, il y aurait une autre explication à la mauvaise performance de Navratilova : la nuit précédente, après avoir rencontré l’ancienne basketteuse Nancy Lieberman, elle est sortie jusqu’à 6 heures du matin, alors que la finale était prévue à midi…
La postérité du moment : Une rencontre décisive pour Navratilova, 18 titres majeurs chacune pour les deux rivales
La cruelle défaite subie ce jour-là par Navratilova contre Evert à Amelia Island s’avérera être un tournant dans sa carrière, principalement en raison de sa rencontre avec Nancy Lieberman, qui l’aidera à rebondir après cette humiliation.
“Nancy Lieberman a eu un impact positif sur l’évolution de Martina”, expliquera Evert en 2020, dans une interview accordée à Tennis Majors. “Elle est tout simplement devenue une athlète olympique à ce moment-là, et a commencé à aller à la salle de gym, à faire de la musculation, à jouer au basket, à faire plus de cardio, à faire plus de cross-training. Je pense que pendant deux ans et demi, je ne l’ai pas battue.”
Bien que les souvenirs d’Evert ne soient pas tout à fait exacts, puisqu’elle battra Navratilova à Sydney en 1981 et à l’Open d’Australie 1982, elle subira 13 défaites consécutives contre la gauchère entre 1982 et 1985. A la fin de leur rivalité, la gauchère mènera par 43 à 37. A la fin de leur carrière, les deux rivales détiendront chacune un total de 18 titres du Grand Chelem en simple.
La nouvelle Navratilova, qui obtiendra la nationalité américaine en 1981, dominera le tennis féminin jusqu’à l’arrivée de Steffi Graf en 1987, établissant un record de 332 semaines en tant que N.1 mondiale (record battu par Graf en 1996).