26 août 1986 : Le jour où McEnroe s’est incliné pour la seule fois de sa carrière au premier tour de l’US Open
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 26 août 1986, John McEnroe s’incline d’entrée à l’US Open pour la première et unique fois de sa carrière.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : Un choc à domicile
Le 26 août 1986, John McEnroe s’incline d’entrée à l’US Open pour la première et unique fois de sa carrière. L’ancien numéro 1 mondial, qui avait pris une pause de six mois, n’est de retour sur le circuit que depuis quelques semaines lorsqu’il est battu à Flushing Meadows. Son compatriote Paul Annacone, 20e joueur mondial, le fait chuter en quatre sets (1-6, 6-1, 6-3, 6-3). McEnroe ira jusqu’à remettre en question la suite de sa carrière.
Les acteurs : John McEnroe et Paul Annacone
- John McEnroe, l’anti-gentlemen
John McEnroe, né en 1959, a occupé la place de numéro 1 mondial 170 semaines durant, entre 1980 et 1985. Durant cette période, le gaucher américain accumule sept titres du Grand Chelem : trois à Wimbledon (1981, 1983, 1984) et quatre à l’US Open (1979, 1980, 1981, 1984). En 1979, il était devenu le plus jeune vainqueur de l’histoire de l’US Open, en battant Vitas Gerulaitis en finale (7-5, 6-3, 6-3). McEnroe dispute en 1980 son match le plus célèbre en finale de Wimbledon, vaincu par Bjorn Borg en cinq manches après avoir remporté un incroyable tie-break au quatrième set (18-16).
Sa plus grande saison reste 1984, année au cours de laquelle, après une terrible défaite en finale de Roland-Garros contre Ivan Lendl, il remporte non seulement Wimbledon et l’US Open, mais aussi le Masters et la Coupe Davis. Il finissait l’année en numéro 1 incontesté, avec 82 victoires et seulement trois défaites.
Après 1984, la domination de McEnroe prend fin. En 1986, il s’éloigne même du circuit, le temps d’épouser Tatum O’Neal. Il effectue son retour début août, encore classé 7e mondial, à Stratton Mountain, où il apparaît en forme, battu seulement d’un cheveu par Boris Becker, 3e mondial (3-6, 7-5, 7-6). La semaine suivante, à Toronto, il est surpris par Robert Seguso, 35e mondial (4-6, 6-3 7-5).
Son jeu est basé sur le toucher de balle et la précision, le tout agrémenté d’un service aussi original qu’efficace, souvent suivi au filet. Il est également célèbre pour son comportement, qui choque à l’époque le monde bien propre et policé du tennis. Ses querelles incessantes avec le corps arbitral dénotent dans un sport dit « de gentlemen ».
- Paul Annacone, 20e mondial
Paul Annacone est né en 1963. Il atteint son meilleur classement, 12e mondial, en mars 1986, quelques mois après avoir remporté à la suite ses deux premiers titres, à l’automne 1985, à Los Angeles (aux dépens de Stefan Edberg, 7-6, 6-7, 7-6) et à Brisbane (battant en finale Kelly Evernden, 6-3, 6-3). Son jeu repose essentiellement sur un puissant service. Ce qui fait de lui un solide joueur de double, puisqu’il a remporté le titre à l’Open d’Australie 1985, associé à Christo Van Rensburg, face à Mark Edmondson et Kim Warwick (3-6, 7-6, 6-4, 6-4). En août 1986, Annacone pointe au 20e rang mondial.
Le lieu : Flushing Meadows, court de légende
L’US Open (appelé US Nationals avant 1968 et le début de l’Ère Open) a été créé en 1881. Bien qu’il soit le seul Grand Chelem à avoir été disputé sans la moindre interruption depuis ses débuts, le tournoi a changé de site à plusieurs reprises au fil des ans. Les premières éditions se déroulent sur les courts en herbe du Casino de Newport, à Rhode Island. En 1915, l’épreuve s’installe à New York, au West Side Tennis Club, dans le quartier de Forest Hills, jusqu’en 1977 (avec une parenthèse de 1921 à 1923, où les joueurs s’affrontent à Philadelphie). De 1975 à 1977, le tournoi se dispute sur terre battue.
En 1978, l’US Open quitte le West Side Tennis Club, désormais trop petit pour accueillir un événement d’une telle importance, pour l’USTA National Tennis Center, situé à Flushing Meadows, à New York. Par la même occasion, le tournoi se dispute à présent sur surface dur. Le Tennis Center est l’un des plus grands complexes de tennis au monde et son court central est alors le Stade Louis Armstrong, d’une capacité de 14 000 places.
L’histoire : Un “Mac” méconnaissable
En août 1986, John McEnroe est de retour sur le circuit, après s’être tenu à l’écart lors de la première moitié de la saison. Dégoûté du tennis après sa défaite contre Brad Gilbert au Masters (5-7, 6-4, 6-1), le quadruple vainqueur de l’US Open avait décidé de prendre du recul, profitant de ce temps libre pour épouser Tatum O’Neal et pour accueillir leur premier enfant, Kevin. Son plan initial était de récupérer, de passer du temps en famille, puis de s’entraîner pour revenir plus fort que jamais.
Après un bon départ à Stratton Mountain, où il ne s’incline qu’en demi-finale en gâchant quatre balles de match face au 3e mondial, Boris Becker, son plan semble se dérouler comme prévu. Cependant, la semaine suivante, à Toronto, McEnroe est éliminé au deuxième tour par Robert Seguso, plutôt connu comme spécialiste du double. A l’entame de l’US Open, les experts ne savent pas à quoi s’attendre de la part de “Mac”.
Opposé à Paul Annacone, qui n’a jamais réussi à gagner deux matches dans un tournoi du Grand Chelem, McEnroe prend le meilleur départ, remportant le premier set 6-1 face à un adversaire désorienté par les dimensions du court. La dynamique s’inverse brutalement au deuxième set. Annacone trouve ses repères. En particulier au service : au total, le 20e mondial décochera 23 aces au cours de la partie. Le bruit court à travers tout le stade que McEnroe est sur le point d’être éliminé au premier tour de l’US Open pour la première fois en dix participations.
Annacone empoche les trois sets suivants sans rencontrer une grande résistance de la part du finaliste de l’année passée, 6-1, 6-3, 6-3. Le public peine à reconnaître McEnroe : où sont passés ses volées millimétrées et son grand service (3 aces seulement) ? Qu’est-il advenu de sa combativité ? “Mac” passe le match à se tourner en dérision. Comme s’il n’était pas assez impliqué pour se mettre en colère, comme à la bonne époque.
La retraite ? Une question que je dois me poser.
John McEnroe
McEnroe se présente en conférence de presse désabusé.
« Je ne m’attendais vraiment pas à ça, dit-il, selon le New York Times.Je suis arrivé avec un état d’esprit correct. Maintenant, je dois me regarder dans la glace et me demander si j’ai encore le même enthousiasme. Il n’y pas beaucoup de sens à faire semblant. »
« Ça ne se passe pas comme je l’avais prévu, ajoute-t-il, cité par le Los Angeles Times. J’ai probablement perdu trop de poids. Maintenant je manque clairement de force. »
« C’est une question que je dois me poser », dit l’ancien premier mondial en guise de sinistre conclusion, lorsque l’on évoque une possible retraite.
Paul Annacone, quant à lui, semble presque gêné d’avoir aussi facilement battu un tel champion. Comme le rapporte le New York Times, il explique : « C’est une sensation bizarre de l’avoir battu. C’est un grand champion. Il a diverti des millions de gens et il a tant fait pour le tennis. J’aimerais le voir de retour, mais je crois qu’il a besoin d’accumuler plus de matches. Il faut lui donner du temps. » McEnroe s’apprête à chuter à la 21e place mondiale.
La postérité du moment : McEnroe ne gagnera plus de Grand Chelem
Paul Annacone s’inclinera en cinq manches dès le tour suivant contre le jeune Aaron Krickstein, 19 ans et 38e mondial (4-6, 4-6, 6-3, 6-4, 7-6). Ses meilleures performances en Grand Chelem seront deux huitièmes de finale : le premier à l’Open d’Australie 1987 (battu par Pat Cash, 6-4, 6-1, 6-7, 1-6, 6-2) et le second à Wimbledon 1988 (éliminé par Boris Becker, 6-3, 6-4, 6-4). Une fois sa carrière achevée, Annacone sera notamment le coach de Pete Sampras.
John McEnroe ne prendra pas sa retraite en 1986. La fin de sa saison sera prometteuse : à l’automne, il enchaînera trois titres d’affilée, à Los Angeles, San Francisco et Scottsdale. Il battra au passage le 4e mondial, Stefan Edberg, à deux reprises. McEnroe ne gagnera plus le moindre tournoi du Grand Chelem. « Mac » n’obtiendra jamais de résultats comparables à ceux d’avant et n’atteindra plus jamais la finale d’une épreuve du Grand Chelem. L’un de ses derniers résultats marquants sera une demi-finale à Wimbledon, perdue contre Andre Agassi en 1992 (6-4, 6-2, 6-3).
Mais McEnroe ne s’inclinera plus jamais d’entrée à l’US Open. Il atteint même les demi-finales une dernière fois, en 1990 (dominé par Pete Sampras, 6-2, 6-4, 3-6, 6-3).