25 juin 1973 : Le jour où le tenant du titre Stan Smith a boycotté Wimbledon
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 25 juin 1973, Wimbledon débute en étant boycotté par 81 des meilleurs joueurs mondiaux, y compris les deux précédents vainqueurs, John Newcombe et Stan Smith.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : Un boycott massif de Wimbledon
Ce jour-là, le 25 juin 1973, démarre un tournoi de Wimbledon boycotté par 81 des meilleurs joueurs mondiaux, y compris les deux précédents vainqueurs, John Newcombe et Stan Smith. C’est le résultat d’un conflit entre le jeune syndicat des joueurs de tennis, l’ATP, solidaire du Croate Niki Pilic et les instances traditionnelles du tennis telles que la Fédération Internationale de Tennis (ITF) et autres fédérations nationales.
Le personnage : Niki Pilic, à l’origine du boycott
Le Yougoslave Nikola “Niki” Pilic est l’homme qui a initié la controverse qui s’amplifie de semaine en semaine jusqu’à provoquer le boycott de Wimbledon. Né en 1939, le Croate a auparavant disputé deux demi-finales de Grand Chelem, en 1967, à Roland-Garros et à Wimbledon. En 1973, même s’il a bien failli être interdit de jouer à Paris, il a atteint la finale des Internationaux de France, vaincu par Ilie Nastase (6-3 6-3 6-0).
Le lieu : Wimbledon
Wimbledon est le tournoi de tennis le plus ancien et le plus prestigieux au monde. Organisé par le All England Lawn Tennis and Cricket Club depuis 1877, il s’est installé sur son site actuel en 1922, année de la construction du célèbre Centre Court. Considéré par beaucoup comme le court le plus impressionnant au monde, avec sa célèbre citation de Rudyard Kipling gravée au-dessus de l’entrée (« Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite Et recevoir ces deux menteurs d’un même front »), le Centre Court a vu s’affronter tous les plus grands joueurs de l’histoire. Après que la conversation, dans les années 1970, de l’US Open à la terre battue puis au ciment, et après l’abandon du gazon au profit du dur par l’Open d’Australie en 1988, Wimbledon demeure le dernier tournoi du Grand Chelem sur herbe, une surface qui convient généralement mieux aux serveurs-volleyeurs. Non seulement Wimbledon conserve sa surface historique, mais le tournoi maintient également certaines traditions comme l’obligation pour les joueurs de s’habiller en blanc.
L’histoire : Le conflit entre les différentes instances chamboule le tennis mondial
En 1973, l’ATP, syndicat des joueurs de tennis professionnels, a moins d’un an. Il a été créé pour défendre les intérêts des joueurs dans un business du tennis en pleine croissance, mais les épreuves traditionnelles telles que les tournois du Grand Chelem et la Coupe Davis restent sous le contrôle de l’ITF. Aucun joueur ne peut y participer sans l’aval de sa Fédération.
En mai 1973, Niki Pilic se retrouve face à un dilemme. La Fédération yougoslave lui demande de disputer une rencontre de Coupe Davis face à la Nouvelle-Zélande, mais le même week-end, il est engagé par contrat à disputer une épreuve professionnelle du circuit WCT à Las Vegas, et il choisit de privilégier cette dernière. En guise de sanction, le 20 mai, sa Fédération, dirigée par son oncle, le Général Dusan Kovac, le suspend pour une durée de neuf mois de toute épreuve organisée par l’instance dirigeante du tennis amateur, l’ITF. Cela inclut donc la Coupe Davis mais aussi les tournois du Grand Chelem.
L’ATP, dirigée par Cliff Drysdale, menace immédiatement de boycotter les épreuves du Grand Chelem si la suspension de Pilic n’est pas levée. Le syndicat considère que cette règle empêche les joueurs de décider librement de la gestion de leur carrière, principalement sur le plan financier : après tout, le tennis est leur métier, et le circuit WTC est plus lucratif que la Coupe Davis. Alors que le président de la Fédération italienne décide de laisser Pilic jouer à Rome, la Fédération française gagne du temps quand Pilic fait appel de sa suspension. Afin d’éviter un boycott de Roland-Garros, il est finalement décidé de maintenir la suspension du Croate, mais de la réduire à un mois au lieu de neuf, à partir de la fin de Roland-Garros, où, ironiquement, le gaucher se hisse jusqu’en finale. Cela signifie qu’il ne pourra participer à Wimbledon.
Le 14 juin, une dernière réunion se tient entre Allan Heyman (président de l’ITF), Herman Davis (président du All England Club) et Cliff Drysdale (président de l’ATP). Aucun arrangement n’est trouvé : le boycott est à présent inévitable.
Le 25 juin 1973, c’est un bien étrange tournoi de Wimbledon qui s’ouvre, privé de 81 des meilleurs joueurs du monde. Les seules stars qui ont décidé de participer au tournoi sont Ilie Nastase, qui affirme n’avoir pas le choix en tant que membre de l’armée roumaine, et l’Anglais Roger Taylor, à domicile, par respect pour son public. Le tableau masculin n’affiche que huit têtes de série, et parmi celles-ci, seulement trois sont issues du tableau originel : Ilie Nastase, qui passe de la deuxième à la première place, Jan Kodes, anciennement tête de série 15 et à présent numéro 2, et Roger Taylor, initialement numéro 16 et maintenant numéro 3. Les étoiles montantes Björn Borg et Jimmy Connors, se retrouvent propulsés têtes de série numéros 5 et 6.
La postérité du moment : Le conflit mènera à un éclatement en quatre circuits distincts, avant l’unification en 1990
Jan Kodes, tête de série numéro 3 du tableau boycotté, sortira vainqueur de l’édition la plus controversée du tournoi de Wimbledon, après avoir battu Alex Metreveli en finale (6-1 9-8 6-3). Des années durant, une rumeur affirmera qu’Ilie Nastase a volontairement perdu en huitièmes de finale, une rumeur que le Roumain se refusera toujours à commenter. Les principales attractions du tournoi resteront Björn Borg, qui, atteignant les quarts de finale, fera une forte impression (particulièrement auprès du public féminin), et l’histoire d’amour entre Jimmy Connors et Chris Evert.
Cet incident, en montrant que les menaces proférées par l’ATP n’étaient pas vaines, amènera les instances traditionnelles du tennis à comprendre qu’avec la professionnalisation du tennis, elles ne pouvaient plus négliger ainsi l’avis des joueurs.
Durant la première décennie de l’Ère Open, la concurrence restera rude entre différents investisseurs, avec notamment en 1973 la coexistence de quatre différents circuits : le WCT, le circuit Grand Prix, l’US Indoor Circuit et le Circuit Européen de Printemps. En 1974, Jimmy Connors se verra interdire de Roland-Garros en raison de sa participation au World Team Tennis (une sorte d’Intervilles américain), de même que Björn Borg en 1977.
Cet état de fait mènera l’ATP à prendre de plus en plus d’importance pour représenter l’intérêt des joueurs. Au fil des ans, les circuits fusionneront progressivement jusqu’à ce qu’en 1990, l’ATP Tour soit établi comme le seul et unique circuit professionnel.