24 mai 2004 : Le jour où Agassi a perdu au 1er tour de Roland-Garros contre un qualifié français
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 24 mai 2004, Andre Agassi s’incline au premier tour de Roland-Garros contre le qualifié français Jérôme Haehnel, 271e mondial.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi ça a marqué l’histoire du tennis : L’exploit de Haehnel face à Agassi
Le 24 mai 2004, la légende du tennis Andre Agassi, vainqueur de Roland-Garros en 1999, s’incline au premier tour du tournoi contre le qualifié français Jérôme Haehnel, 271e mondial. Même si l’Américain est notoirement en difficulté avec son dos, c’est une énorme surprise et c’est aussi sa pire défaite en Grand Chelem depuis ses débuts à Roland-Garros en 1987 et une défaite au premier tour contre Patrice Kuchna, alors 325e mondial.
Les acteurs : Andre Agassi et Jerôme Haehnel
- Andre Agassi, le joueur qui a tout connu dans sa carrière
Andre Agassi, le Kid de Las Vegas, où il est né en 1970, est une légende du tennis. Passé pro en 1986, il devient rapidement l’une des plus grandes stars du tennis, grâce à son talent, mais aussi à ses tenues vestimentaires originales, dont l’emblématique short en jean et le cycliste rose. Initié au tennis par son père puis élevé à l’académie de Nick Bollettieri, Agassi dispose d’un excellent retour de service (le meilleur de son temps), et son jeu consiste à frapper la balle montante avec une force incroyable, ce qui est révolutionnaire à l’époque et inspirera des générations entières de tennismen. Après trois défaites en finale de Grand Chelem, une à l’US Open en 1990, deux à Roland-Garros (1990 et 1991), il remporte son premier tournoi du Grand Chelem à Wimbledon en 1992, en battant en finale le grand serveur Goran Ivanisevic (6-7, 6-4, 6-4, 1-6, 6-4). Agassi ajoute ensuite l’US Open 1994 à son palmarès, puis l’Open d’Australie 1995, où il bat son rival Pete Sampras en finale de Grand Chelem pour la seule et unique fois (4-6, 6-1, 7-6, 6-4). Il devient numéro 1 mondial peu après, le 10 avril 1995, pour une première période de 30 semaines.
En 1996 et 1997, malgré une médaille d’or obtenue aux Jeux Olympiques d’Atlanta, Agassi traverse une mauvaise passe et descend jusqu’à la 141e place mondiale. Faisant preuve d’une grande humilité, il retourne sur le circuit Challenger à la fin 1997 pour reprendre confiance. En 1998, il revient doucement au sommet, terminant l’année au 6e rang mondial, malgré des résultats décevants en Grand Chelem. En 1999, il triomphe enfin à Roland-Garros, huit ans après sa dernière défaite en finale, à l’issue d’une finale titanesque où il prend le dessus sur Andrei Medvedev (1-6, 2-6, 6-4, 6-3, 6-4). Cette année-là, après avoir échoué contre Sampras en finale de Wimbledon (6-3, 6-4, 7-5), il s’adjuge un deuxième US Open et récupère la place de numéro un mondial pour 52 semaines supplémentaires. Par la suite, il ajoute trois Open d’Australie à son palmarès (2000, 2001, 2003), et apparaît pour la dernière fois au sommet du classement ATP le 7 septembre 2003.
Numéro 6 mondial en arrivant à Roland-Garros, Agassi avait commencé 2004 en atteignant les demi-finales à Melbourne, défait en cinq manches par Marat Safin à l’issue d’un match époustouflant (7-6, 7-6, 5-7, 1-6, 6-3), avant de disputer une nouvelle demi-finale à Indian Wells, battu cette fois par le nouveau numéro 1 mondial, Roger Federer (4-6, 6-3, 6-4). A 34 ans, la légende est encore bien vivante.
- Jérôme Haehnel, le Français limité par une phobie encombrante
Le Français Jérôme Haehnel, né en 1981, est passé pro en 1998. Principalement habitué aux circuits Futures et Challenger, il n’a encore jamais participé à un tableau final de Grand Chelem avant Roland-Garros 2004. Il est atteint d’une phobie particulièrement gênante pour un joueur de tennis : celle de prendre l’avion. Il ne dispute donc que des tournois en Europe et s’y rend en train ou en voiture. Haehnel pointe actuellement au 271e rang mondial, non loin de son meilleur classement (248e en septembre 2001). Juste avant les qualifications de Roland-Garros, il a perdu au premier tour d’un Future à Neheim-Husten, en Allemagne, contre le Letton Andis Juska, 855e mondial.
Le lieu : Roland-Garros
L’histoire se déroule à Roland-Garros. Le stade, situé dans l’ouest parisien, à la lisière du bois de Boulogne, accueille les Internationaux de France depuis 1928. C’est le premier et désormais le seul Grand Chelem disputé sur terre battue, la surface la plus lente, ce qui en fait le tournoi le plus difficile sur le plan physique. Son court central, renommé Philippe-Chatrier (ancien président de la FFT) en 2001, dispose de 15 000 places.
C’est aussi là que se trouve le Centre National d’Entraînement, où s’entraînent les meilleurs joueurs professionnels et les espoirs français. Jérôme Haehnel, qui a fait partie de cette élite plus jeune, habite depuis longtemps à quelques pas de Roland-Garros et connaît les lieux comme sa poche.
Andre Agassi a participé pour la première fois aux Internationaux de France en 1987. Le plus public français a vu au fil des ans le « Kid » des débuts, connu d’abord pour son look et son « coup du parapluie » de 1988, devenir un grand champion.
L’histoire : Face à son idole, Haehnel n’a pas tremblé
Quand Agassi arrive à Paris en mai 2004, tout le monde sait que Roland-Garros ne fait pas partie de ses priorités. Le vainqueur de l’édition 1999 a maintenant 34 ans et le jeu sur terre battue est trop exigeant pour lui, surtout avec ses récentes douleurs au dos. Malgré de bons résultats début 2004 sur dur, il n’a disputé qu’un seul tournoi sur terre, à Sankt Polten, et il y a perdu d’entrée contre le spécialiste du double Nenad Zimonjic, classé seulement 339e en simple (6-2, 7-6). Néanmoins, son passé à Roland-Garros plaide en sa faveur, lui qui a disputé deux finales dans sa jeunesse avant de soulever enfin la Coupe des Mousquetaires à 29 ans. Ces trois dernières années, il a atteint les quarts de finales à chaque fois. Ainsi, bien qu’il ait clairement mis l’accent sur la saison sur dur, le public français s’attend à ce que Andre soit bien Agassi.
Ce lundi, la légende affronte le qualifié français Jérôme Haehnel. Pour sa grande première en Grand Chelem, le Français fait face à son idole d’enfance, devant les 15 000 spectateurs du court Philippe-Chatrier. On pourrait imaginer des débuts plus faciles pour un 271e mondial habitué à jouer sur des courts bien plus petits. Haehnel ne se laisse pourtant pas dépasser par les événements.
“Quand j’ai su que je jouais Agassi, j’étais défait car c’était le seul dans les têtes de série que je ne voulais pas affronter. Il est plus âgé, et plus rusé, et c’était mon idole. J’étais vraiment tendu pendant deux jours mais ça m’a permis de préparer le match, de visualiser tout ce qui pouvait se passer”, explique-t-il, des années plus tard, à tennisleader.fr.
Pendant ce temps, le Kid de Las Vegas ne se déplace pas très bien, frappe nettement moins bien qu’à l’accoutumée et montre rapidement des signes d’agacement. Le Français, très concentré, prend rapidement l’avantage et délivre une performance bien supérieure à ce que son classement pouvait laisser croire, pour battre son joueur préféré en trois sets (6-4, 7-6, 6-3). Pour la première fois depuis Roland-Garros 1998, Agassi trébuche au premier tour d’un tournoi du Grand Chelem. En conférence de presse, il laisse planer le doute sur participation l’année suivante. Il reviendra pourtant, s’inclinant d’entrée à nouveau, cette fois contre Jarkko Nieminen.
La postérité du moment : Agassi s’offrira une dernière finale en Grand Chelem avant de s’en aller
Jérôme Haehnel s’inclinera au tour suivant contre son compatriote Michaël Llodra (6-3, 6-2, 3-6, 6-1). En octobre de la même année, il remportera son premier et seul tournoi ATP, à Metz, faisant de 2004 sa meilleure saison, en éliminant Stan Wawrinka, alors âgé de 19 ans, au dernier tour des qualifications, et le jeune Richard Gasquet en finale (7-6, 6-4). Il atteindra son meilleur classement, 78e mondial, en février 2005.
Andre Agassi déclarera ensuite forfait à Wimbledon, alimentant des rumeurs sur sa possible retraite. Il fera taire ces rumeurs en s’adjugeant un dernier Masters 1000 à Cincinnati (aux dépens de Lleyton Hewitt, 6-3 3-6-2), mais surtout en atteignant les quarts de finale à l’US Open, ne cédant qu’en cinq manches face au numéro 1 mondial Roger Federer (6-3, 2-6, 7-5, 3-6, 6-3). En 2005, à 35 ans, il se hissera encore en finale de l’Open du Canada (battu par Rafael Nadal, 6-3, 4-6, 6-2), quelques semaines avant de disputer sa dernière finale en Grand Chelem à New York, où il sera à nouveau vaincu par Federer (6-3, 2-6, 7-6, 6-1). Ce n’est qu’en 2006 qu’il quittera le Top 10 pour de bon. Cette année-là, il ne jouera que huit tournois et mettra un terme à sa carrière à Flushing Meadows. Après avoir livré un dernier combat épique pour dominer le 8e mondial Marcos Baghdatis (6-4, 6-4, 3-6, 5-7, 7-5), il sera éliminé par Benjamin Becker au troisième tour (7-5, 6-7, 6-4, 7-5).