16 février 1926 : Le jour où Suzanne Lenglen a remporté le “match du siècle”
Suzanne Lenglen, sur une série de 181 victoires de rang, affronte Helen Wills le 16 février 1926. Ce qui est alors désigné de “match du siècle” entre la légende française et la star montante américaine tourne à l’avantage de la première, en finale du tournoi du Carlton Club, à Cannes.
Ce qu’il s’est passé ce jour-là : Le “match du siècle” entre Suzanne Lenglen et Helen Wills
Le 16 février 1926, à l’occasion de l’un des matchs de tennis les plus attendus de la première moitié du XXe siècle, que la presse appelle le “match du siècle”, la légende française Suzanne Lenglen prend le dessus sur la star américaine Helen Wills en finale du tournoi du Carlton, à Cannes (6-3, 8-6). Les deux femmes, qui étaient presque invaincues ces dernières années, ne s’étaient encore jamais affrontées et n’auront plus jamais l’occasion de se croiser.
Les personnages : Suzanne Lenglen et Helen Wills
- Suzanne Lenglen, “La Divine”
Suzanne Lenglen, née en 1899, est la première femme à devenir une légende de ce sport, avant même la fin de sa carrière. Six fois championne de Wimbledon entre 1919 et 1925, elle a également triomphé à cinq reprises lors des championnats de France, qui se déroulent alors sur les courts du Stade Français. En raison de son style de jeu élégant, elle est surnommée “La Divine” par la presse française, et elle a la réputation d’être presque imbattable. Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, elle n’a perdu qu’une seule fois, sur abandon, contre Molla Mallory, lors des championnats américains de 1921.
- Helen Wills, la nouvelle star américaine
Helen Wills, également connue dans les livres d’histoire sous le nom de Wills-Moody, est née en 1905 et est la première femme née aux États-Unis à atteindre la célébrité en tant qu’athlète. Wills a commencé à jouer au tennis à l’âge de 8 ans, et elle obtient son premier résultat remarquable en 1921, en remportant le championnat de l’État de Californie. De 1923 à 1925, elle remporte trois titres consécutifs aux championnats nationaux américains (qui deviendront plus tard l’US Open), tout en fréquentant l’université de Berkeley grâce à une bourse d’études. Wills obtient son diplôme en 1925, et l’année suivante, elle commence à participer à des compétitions internationales.
Le lieu : Le Carlton, hôtel prestigieux pour match de gala
Le “match du siècle” se déroule au Carlton, un hôtel de luxe situé à Cannes, sur la Côte d’Azur.
L’histoire : Wills à la hauteur de l’événement, mais la série de Lenglen se poursuit
En 1926, à peine Helen Wills a-t-elle décidé de participer au tournoi du Carlton Club, à Cannes, que le battage médiatique commence : la rencontre entre l’étoile montante américaine et la légende française absolue, Suzanne Lenglen, va enfin avoir lieu.
Depuis que Wills a remporté le championnat des États-Unis en 1923, le monde du tennis attend qu’elle affronte Lenglen, et la considère comme la seule joueuse capable de défier “La Divine”. Son aura s’étend encore davantage en 1924, lorsqu’elle remporte la médaille d’or aux Jeux Olympiques. Cependant, Wills ne voyage pas souvent en Europe avant 1925, car elle n’a pas encore terminé ses études à l’université. Pendant près de trois ans, les deux meilleures joueuses du monde s’évitent soigneusement.
56 joueuses participent au tournoi du Carlton. Lenglen et Wills ont été intentionnellement placés de chaque côté du tableau pour s’assurer qu’elles ne puissent se rencontrer qu’en finale. Au cours des trois premiers tours, ni Lenglen ni Wills ne lâchent le moindre jeu, et elles arrivent toutes les deux sans aucun problème en finale, qui a lieu le 16 février.
La tribune principale est trop petite pour accueillir tous les spectateurs qui veulent voir le “match du siècle”. Après les demi-finales, des ouvriers doivent venir pour construire en toute hâte des gradins additionnels. Les billets se vendent comme des petits pains, bien qu’ils soient six fois plus chers que les billets pour la finale du Championnat national américain masculin. Un grand duc de Russie, le roi de Suède et un rajah indien font partie des 6 000 spectateurs qui assistent à l’événement.
Le défi auquel se frotte Helen Wills est énorme – Lenglen reste sur 181 victoires consécutives. L’Américaine livre un grand combat, et elle donne à “La Divine” beaucoup plus de mal que ce que de nombreux experts avaient anticipé. À plusieurs reprises, Lenglen s’accorde une gorgée de cognac, sa boisson de prédilection dans les moments désespérés. Mais à la fin, la Française l’emporte (6-3, 8-6), faisant preuve d’une grande force mentale à la fin du deuxième set. En effet, elle obtient une première balle de match à 6-5, et elle pense avoir gagné lorsque le coup droit de Wills est annoncé faute. Mais il s’avère que l’annonce a été faite par un spectateur. Le point est rejoué et Lenglen perd le jeu. Mais elle garde le contrôle de ses nerfs et conclut le match deux jeux plus tard.
La postérité du moment : Un affrontement sans lendemain
Tout le monde pense alors qu’il s’agit de la première de nombreuses rencontres entre ces deux joueuses extraordinaires. Lenglen s’est montrée meilleure ce jour-là, mais Wills a prouvé qu’elle était définitivement capable de la pousser dans ses retranchements. Cependant, elles ne s’affronteront plus jamais.
Elles participeront toutes les deux aux Internationaux de France quelques mois plus tard. Mais Helen Wills subira une appendicectomie d’urgence après le deuxième tour. Elle ne disputera pas d’autre tournoi majeur en 1926. Suzanne Lenglen remportera les Internationaux de France, son dernier grand titre. La légende française passera alors professionnelle et ne pourra plus participer aux tournois du Grand Chelem.
Au cours de sa carrière, qui durera jusqu’en 1938, Wills aura remporté 19 des 24 tournois du Grand Chelem auxquels elle aura participé. En 1933, elle disputera une première version de la Bataille des Sexes, au cours de laquelle elle dominera Phil Neer, huitième joueur américain, 6-3, 6-4.
En 1938, peu après sa dernière victoire à Wimbledon, elle prendra sa retraite après avoir été mordue à la main droite par un chien.