12 septembre 1992 : Le jour où Stefan Edberg a remporté le match le plus long de l’histoire de l’US Open
Avant de dominer Pete Sampras en finale de l’US Open 1992, Stefan Edberg était venu de Michael Chang au terme d’un match qui reste, à ce jour, le plus long de l’histoire du Majeur new-yorkais.
Ce qu’il s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis
Ce jour-là, le 12 septembre 1992, en demi-finales de l’US Open, Stefan Edberg vient à bout de Michael Chang (6-7, 7-5, 7-6, 5-7, 6-4), après cinq heures et vingt-six minutes de jeu. Il s’agit du match le plus long de l’histoire du tournoi, mais c’est également le troisième match consécutif remporté par le Suédois en cinq manches, après avoir remonté un break de retard au dernier set, suite à ses victoires contre Richard Krajicek (6-4, 6-7, 6-3, 3-6, 6-4) et Ivan Lendl (6-3, 6-3, 3-6, 5-7, 7-6). Edberg remportera ensuite son dernier titre du Grand Chelem en dominant Pete Sampras en finale (3-6, 6-4, 7-6, 6-2).
Les personnages : Stefan Edberg et Mcihael Chang
- Stefan Edberg, numéro 2 désireux de retrouver les sommets
Stefan Edberg est né en 1966. Déjà très fort chez les juniors où il a réalisé le Grand Chelem en 1983, il a pourtant failli arrêter le tennis la même année, à 17 ans, après que l’un de ses services a accidentellement tué un juge de ligne à New-York. Il n’a probablement jamais regretté d’avoir continué. Dès 1985, quelques mois après la révélation de Boris Becker à Wimbledon, Stefan Edberg s’adjuge son premier Grand Chelem, lui aussi sur gazon, à l’Open d’Australie, venant à bout de son compatriote Mats Wilander en finale (6-4, 6-3, 6-3). Le tournoi, dont les dates s’apprêtent à changer, n’a pas lieu en 1986 et Edberg parvient à conserver son titre en 1987 aux dépens du favori local Pat Cash (6-3, 6-4, 3-6, 5-7, 6-3). En 1988, il remporte Wimbledon en battant Boris Becker (4-6, 7-6, 6-4, 6-2) à l’issue d’une finale qui marquera le début de l’une des rivalités les plus populaires du tennis.
En 1989, Stefan Edberg perd confiance après avoir perdu deux finales majeures à la suite : la première à Roland-Garros, où il est battu par Michael Chang (6-1, 3-6, 4-6, 6-4, 6-2) à l’issue d’un crève-cœur où il manque 10 balles de break au quatrième set, et la deuxième à Wimbledon, où son rival Boris Becker prend une revanche brutale sur la finale de l’an passé (6-0, 7-6, 6-4). En 1990, en finale de l’Open d’Australie, touché aux abdominaux, il est contraint à l’abandon au deuxième set de son match contre Ivan Lendl. Après une nouvelle déception à Roland-Garros où il est éliminé d’entrée, il redevient le maître des lieux à Wimbledon, prenant le dessus sur Becker lors de leur troisième finale consécutive au All England Club (6-2, 6-2, 3-6, 3-6, 6-4), et quelques semaines plus tard, il devient numéro 1 mondial pour la première fois.
En 1991, à la lutte avec Becker pour la première place mondiale, il s’impose pour la première fois à l’US Open, réalisant un chef d’œuvre en finale pour écraser Jim Courier (6-2, 6-4, 6-0). L’Américain prend sa revanche à l’Open d’Australie et devient le nouveau concurrent d’Edberg pour siéger au sommet du classement. Au début de l’US Open 1992, le Suédois est ainsi numéro 2 mondial.
- Michael Chang, en quête de confirmation
Michael Chang est né en 1972. En 1987, à l’âge de quinze ans, il devient le plus jeune joueur à passer un tour à l’US Open (aux dépens de Paul McNamee). L’année suivante, en juin, à seize ans et trois mois, il devient le plus jeune joueur à avoir fait partie du top 100 et atteint pour la première fois les huitièmes de finale d’un tournoi du Grand Chelem, à New York, où il est battu par Andre Agassi. En 1989, il se hisse en quarts de finale à Indian Wells et en demi-finales à Forest Hills, sur terre battue américaine, ce qui lui permet de se hisser à la 19e place mondiale avant Roland-Garros.
A Paris, il triomphe à la surprise générale. C’est en huitièmes de finale qu’il se fait connaître et marque même de son empreinte l’histoire du tournoi. Ce jour-là, contre le numéro 1 mondial Ivan Lendl, il fait preuve d’une force mentale à tout épreuve, remontant un handicap de deux sets, surmontant des crampes, pour s’imposer finalement en cinq manches. Au cinquième set, il joue avec les nerfs de Lendl avec son inoubliable service à la cuillère, et en poussant le Tchèque à la double faute sur la balle de match en se positionnant au retour juste derrière la ligne de carré de service.
Il va ensuite jusqu’au bout du tournoi et domine en finale Stefan Edberg après avoir écarté dix balles de break au quatrième set (6-1, 3-6, 4-6, 6-4, 6-2). Les deux années qui suivent son triomphe inattendu sont plus difficiles pour Chang, qui ne parvient pas à s’installer durablement dans le Top 10. En 1992, il est un joueur plus puissant et plus agressif, et il réintègre le Top 10 après avoir remporté trois tournois en février et mars, à San Francisco (battant en finale le numéro 2 mondial, Jim Courier), Indian Wells et Key Biscayne. Bien qu’il n’ait pas obtenu de résultat marquant en Grand Chelem, il est 4e mondial à l’entame de l’US Open.
Le lieu : l’US Open, à Flushing Meadows
L’US Open (appelé US Nationals avant 1968 et le début de l’Ère Open) a été créé en 1881. Bien qu’il soit le seul Grand Chelem à avoir été disputé sans la moindre interruption depuis ses débuts, le tournoi a changé de site à plusieurs reprises au fil des ans. Les premières éditions se déroulent sur les courts en herbe du Casino de Newport, à Rhode Island, puis, en 1915, l’épreuve s’installe à New York, au West Side Tennis Club, dans le quartier de Forest Hills, jusqu’en 1977 (avec une parenthèse de 1921 à 1923, où les joueurs s’affrontent à Philadelphie). De 1975 à 1977, le tournoi se dispute sur terre battue.
En 1978, l’US Open quitte le West Side Tennis Club, désormais trop petit pour accueillir un événement d’une telle importance, pour l’USTA National Tennis Center, situé à Flushing Meadows, à New York. Par la même occasion, le tournoi se dispute à présent sur surface dur. Le Tennis Center est l’un des plus grands complexes de tennis au monde et son court central est le Stade Louis Armstrong, d’une capacité de 14 000 places.
L’histoire : une demie indécise et haletante jusqu’au bout
La demi-finale de l’US Open 1992 opposant Stefan Edberg, 2e mondial, à Michael Chang, 4e, promet une belle opposition de style entre le serveur-volleyeur suédois et le défensif joueur américain.
Au début, Edberg semble en difficulté avec son service, ce qui l’oblige à disputer plus d’échanges du fond de court qu’à son habitude. Chang empoche le premier set (7-6). Au deuxième set, le Suédois fait bien meilleure impression, et se détache rapidement 4-0. A nouveau trahi par son service, il voit son adversaire revenir, mais finit par remporter le set (7-5). Un scénario similaire se reproduit au troisième set, où le tenant du titre mène 5-2 avant de se faire remonter mais de gagner au bout du compte (7-6).
C’était encore un match difficile mentalement.
StefanEdberg
Au quatrième set, Edberg est loin de dérouler. Chang continue de s’accrocher sur chaque point et, à 5-5, le Suédois semble proche de subir les conséquences de ces deux précédents matches en cinq sets contre Krajicek et Lendl. Profitant de la fatigue de son adversaire, le vainqueur de Roland-Garros 1989 enchaîne cinq jeux de suite et mène 3-0 au cinquième set, obtenant même deux balles de double break, presque des balles de match. Edberg les écarte et, nouveau rebondissement, parvient à sauver les meubles avant de se faire breaker à nouveau à 3-2. Chang ne parvient pas non plus à conserver sa mise en jeu, et à l’arrivée, le 23e break du match, qui permet à Edberg de mener 5-4, sera le dernier. Écartant une dernière balle de break, le Suédois se propulse en finale.
Avec cinq heures et vingt-six minutes de jeu, Edberg et Chang viennent de disputer le match le plus long de l’histoire de l’US Open. Le Suédois est monté au filet à 254 reprises !
« J’ai eu des occasions, il a eu des occasions, c’était juste incroyable. Maintenant il ne reste plus qu’un match à jouer, déclare Edberg. C’était encore un match difficile, mentalement. Il menait 3-0, 15-40, puis la dynamique s’est inversée. »
La postérité du moment : Edberg redevient numéro 1 mondial, Chang se hissera jusqu’au statut de dauphin
Le jour suivant, Edberg dominera Pete Sampras en finale, remportant ainsi un deuxième US Open d’affilée, son dernier titre majeur. Ce succès lui permettra de redevenir premier mondial, pour une courte durée de trois semaines. Au total, le Suédois aura passé 72 semaines au sommet du classement. En 1993, il disputera une dernière finale de Grand Chelem en Australie, avant de décliner progressivement jusqu’à sa retraite en 1996.
Les meilleures années de Michael Chang seront 1995-1997. Au cours de ces trois saisons, il disputera non seulement trois demi-finales de Grand Chelem, mais il échouera surtout en finale à trois reprises : à Roland-Garros 1995 (battu par Thomas Muster, 7-5, 6-2, 6-4), à l’Open d’Australie 1996 (battu par Boris Becker, 6-2, 6-4, 2-6, 6-4) et à l’US Open 1996 (dominé par Pete Sampras, 6-1, 6-4, 7-6). En septembre 1996, il se hissera jusqu’à la deuxième place mondiale. Quittant le Top 10 au début 1998, il déclinera ensuite progressivement avant de prendre sa retraite en 2003.
En 2024, Dan Evans et Karen Khachanov ont battu le record du match le plus long de l’histoire de l’US Open, un combat de 5h35 remporté par le Britannique.