12 août 1990 : Le jour où Edberg est devenu numéro 1 mondial pour la première fois
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 12 août 1990, Stefan Edberg surclasse le tenant du titre Brad Gilbert en finale de Cincinnati et devient numéro 1 mondial pour la première fois de sa carrière.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : Edberg numéro un mondial après Cincinnati
Le 12 août 1990, Stefan Edberg surclasse le tenant du titre Brad Gilbert en finale de Cincinnati (6-1, 6-1, en moins d’une heure), et devient numéro 1 mondial pour la première fois à l’issue de la rencontre. Le Suédois, qui vient de gagner Wimbledon pour la deuxième fois, était à la poursuite de la première place depuis 1987, lorsqu’il avait atteint la deuxième place mondiale. Mais jusqu’à présent, Ivan Lendl était resté hors de portée. Le Suédois restera premier mondial pendant 24 semaines consécutives, et 72 au total.
Les acteurs : Stefan Edberg et Brad Gilbert
- Stefan Edberg, l’éternel dauphin à la conquête du trône
Stefan Edberg est né en 1966. Déjà très fort chez les juniors, réalisant le Grand Chelem en 1983, il a pourtant failli arrêter le tennis la même année, à 17 ans, après que l’un de ses services a accidentellement tué un juge de ligne à New York. Il n’a probablement jamais regretté d’avoir continué. Dès 1985, quelques mois après la révélation de Boris Becker à Wimbledon, Edberg s’adjuge son premier Grand Chelem, lui aussi sur gazon, à l’Open d’Australie, venant à bout de son compatriote Mats Wilander en finale (6-4, 6-3, 6-3). Le tournoi, dont les dates s’apprêtent à changer, n’a pas lieu en 1986 et Edberg parvient à conserver son titre en 1987 aux dépens du favori local Pat Cash (6-3, 6-4, 3-6, 5-7, 6-3).
En 1988, il remporte Wimbledon en battant Boris Becker (4-6, 7-6, 6-4, 6-2) à l’issue d’une finale qui marquera le début de l’une des rivalités les plus populaires du tennis. En 1989, Edberg perd confiance après avoir perdu deux finales majeures à la suite : la première à Roland-Garros, où il est battu par Michael Chang (6-1, 3-6, 4-6, 6-3, 6-2) à l’issue d’un crève-cœur où il manque 10 balles de break au quatrième set, et la deuxième à Wimbledon, où son rival Becker prend une revanche brutale sur la finale de l’année précédente (6-0, 7-6, 6-4).
Le Suédois perd cinq autres finales importantes au cours de la saison. Mais finalement, il parvient à battre Becker en finale du Masters (4-6, 7-6, 6-3, 6-1). Il démarre 1990 en se qualifiant pour la finale de l’Open d’Australie face à Ivan Lendl. Mais blessé aux abdominaux, il y est contraint à l’abandon au deuxième set. Après une nouvelle déception à Paris, où il s’incline d’entrée, Edberg renoue avec la victoire à Wimbledon, dominant Becker en cinq sets lors de leur troisième finale consécutive au All England Club (6-2, 6-2, 3-6, 3-6, 6-4). Le Suédois est désormais plus proche que jamais de la première place mondiale, et il se lance dans une tournée américaine chargée pour tenter de saisir l’occasion.
- Brad Gilbert, ancien Top 5 et médaillé olympique
Brad Gilbert est né en 1961. Il passe pro en 1982, et remporte quelques mois plus tard à Taipei le premier de ses 19 titres. Contrairement à la plupart des joueurs de son temps, Gilbert ne dispose pas de grands coups d’attaque, et l’essentiel de son jeu repose sur son sens tactique. Bien qu’il ait réussi à se hisser à la 4e place mondiale au début 1990, après avoir gagné cinq tournois en 1989, ses meilleurs résultats en Grand Chelem restent deux quarts de finale, à l’US Open 1987 (battu par Jimmy Connors, 4-6, 6-3, 6-4, 6-0) et à Wimbledon 1990 (battu par Boris Becker, 6-4, 6-4, 6-1). Brad Gilbert a également obtenu une médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988, après avoir été éliminé en demi-finale par son compatriote Tim Mayotte (6-4 6-4 6-3). En août 1990, Brad Gilbert pointe au 7e rang mondial.
Le lieu : Cincinnati
Le Lindner Family Tennis Center, à Cincinnati, dans l’Ohio, accueille un tournoi de tennis prestigieux depuis 1899. En 1981, le tournoi intègre le fameux Grand Prix et de nombreux grands joueurs y viennent préparer l’US Open. A cette époque, les vainqueurs du tournoi de Cincinnati se nomment John McEnroe (1981), Ivan Lendl (1982) ou encore Mats Wilander (1983, 1984, 1986, 1988). En 1990, avec l’instauration de l’ATP Tour en tant que circuit professionnel unique, Cincinnati devient un Super 9 (aujourd’hui Masters 1000), devenant ainsi le troisième plus grand tournoi aux Etats-Unis après l’US Open et Key Biscayne.
L’histoire : La consécration et une démonstration pour Edberg
En août 1990, Stefan Edberg arrive à Cincinnati investi d’une mission : devenir numéro 1 mondial pour la première fois. Après son deuxième succès sur le gazon londonien, le Suédois est plus proche que jamais d’Ivan Lendl, qui avait fait l’impasse sur Roland-Garros pour mieux préparer Wimbledon (où il a perdu en demi-finale contre Edberg, 6-1, 7-6, 6-3). Dès la première étape de sa tournée américaine, à Los Angeles, Edberg fait un pas de plus vers le sommet en remportant le tournoi, venant à bout de Michael Chang en finale malgré une cheville foulée (7-6, 2-6, 7-6). A Cincinnati, le Suédois retrouve Chang en quarts de finale. Lorsqu’il domine l’Américain (3-6, 6-3, 6-4), il est mathématiquement certain de se retrouver au sommet du classement à l’issue de la semaine.
Mais il reste concentré sur son tournoi et remet à plus tard toute forme de célébration : “Je veux continuer à faire ce qui me permettra de rester n°1. J’ai attendu longtemps pour en arriver là”, dit Edberg dans des propos rapportés par le New York Times. En demi-finale, il bat le vainqueur de Roland-Garros, Andres Gomez (7-5, 6-3) et prend ainsi rendez-vous avec Brad Gilbert pour un remake de la finale 1989, où Gilbert l’avait emporté face à Edberg (6-4, 2-6, 7-6).
Cette fois, le résultat est bien différent, et la finale est la plus déséquilibrée de l’histoire du tournoi. A l’issue d’un véritable festival de service-volée, Edberg montre pourquoi il est sur le point de devenir premier mondial : remportant 52 points sur 79, il n’a pas la moindre balle de break à sauver et ne commet que 8 fautes directes dans le match. Il ne lui faut que cinquante minutes pour renvoyer Gilbert à ses études et devenir numéro 1 mondial avec la manière.
Selon le Washington Post, un Brad Gilbert désabusé analyse ainsi le match : “Le mec m’a complètement laminé. C’est tout ce qu’il y a à dire. Il m’a laminé.”
Le même journal nous apprend qu’Edberg, lui, est assez fier de sa performance, lui qui reste à présent sur une série de 17 victoires consécutives : “C’est un moment mémorable, avec tout ce qui s’est passé cette semaine. Je suis devenu numéro 1 après les quarts de finale, et ensuite j’ai prouvé que je le méritais. Je l’ai prouvé ses six dernières semaines.”
Comme il le dira plus tard au New York Times, le temps de la célébration était venu. “Après nous sommes sortis et on a ouvert une bouteille de champagne, du Dom Pérignon, pas mauvais.”
La postérité du moment
Stefan Edberg poursuivra sa série victorieuse à Long Island, remportant un quatrième tournoi à la suite, aux dépens de Goran Ivanisevic (7-6, 6-3). Le Suédois ne confirmera pas sa nouvelle emprise sur le circuit à l’US Open, où il sera éliminé d’entrée pour la première fois de sa carrière, battu par Alexandre Volkov (6-3, 7-6, 6-2), ce qui restera l’une des plus grandes surprises de l’histoire du tournoi. Edberg s’imposera plus tard à l’Open de Paris-Bercy. Mais bien qu’il finira la saison à la première place mondiale, il sera vaincu par Andre Agassi (5-7, 7-6, 7-5, 6-2) en finale du Masters, le dernier tournoi majeur de l’année.
Edberg ajoutera deux titres du Grand Chelem supplémentaires à son palmarès, à l’US Open, en 1991 et 1992. Au total, il passera 72 semaines à la première place mondiale.
Brad Gilbert déclinera lentement au début des années 1990, et deviendra ensuite célèbre en tant qu’entraineur en amenant Andre Agassi à la première place mondiale. Il écrira également un livre, Winning Ugly, où il expliquera sa vision du jeu. Une fois sa carrière de coach terminée, Gilbert deviendra commentateur sportif pour la télévision.