11 décembre 1983 : le jour où Wilander, spécialiste de la terre battue, s’est imposé sur le gazon de l’Open d’Australie
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 11 décembre 1983, Mats Wilander s’impose sur le gazon de l’Open d’Australie à la surprise générale, aux dépens d’Ivan Lendl.
Ce qu’il s’est passé ce jour-là : Le terrien Wilander fait de l’Open d’Australie son jardin
Ce jour-là, le 11 décembre 1983, Mats Wilander, considéré comme un spécialiste de la terre battue, s’impose sur le gazon de l’Open d’Australie à la surprise générale, aux dépens d’Ivan Lendl (6-1, 6-4, 6-4). Le Suédois s’était inscrit au tournoi dans le but principal de se préparer pour la finale de la Coupe Davis, qui se jouera aussi à Kooyong quelques semaines plus tard. L’Open d’Australie 1983, avec la présence de grands joueurs comme Wilander, Lendl et McEnroe, marque le début du renouveau d’un tournoi qui vise à se réaffirmer comme une épreuve majeure.
Les acteurs : Mats Wilander, Ivan Lendl
- Mats Wilander, spécialiste de la terre
Mats Wilander, né en 1964, a connu le succès à un très jeune âge, remportant de nombreux tournois chez les juniors. En 1982, à l’âge de dix-sept ans et neuf mois, il devient le plus jeune vainqueur de Grand Chelem de l’histoire, en battant en finale Guillermo Vilas, véritable légende sur terre battue (1-6, 7-6, 6-0, 6-4). Il se rend également célèbre après avoir fait preuve d’un rare fair-play plus tôt dans le tournoi : en demi-finale, contre José-Luis Clerc, il inverse, sur balle de match, une annonce qui le propulsait en finale, et ce alors que l’arbitre a déjà annoncé « jeu, set et match ». En quarts de finale de la Coupe Davis 1982, il dispute également le match le plus long de l’ère open, vaincu en six heures et vingt-deux minutes par John McEnroe (9-7, 6-2, 15-17, 3-6, 8-6). En 1983, il est proche de défendre son titre à Paris mais s’incline en finale face à Yannick Noah (6-2, 7-5, 7-6). Wilander est un joueur extrêmement régulier, d’une condition physique irréprochable, ce qui en fait un redoutable spécialiste de la terre battue, mais pour le moment, ses résultats sur surface rapide sont nettement moins bons.
- Ivan Lendl, en quête d’un premier titre en Grand Chelem
Né en 1960, Ivan Lendl redéfinit les standards du jeu de fond de court, avec un coup droit lifté très puissant qui lui permet d’être à la fois agressif et extrêmement régulier, poussant ses adversaires à un rude combat physique. Il redéfinit également les standards en termes de préparation, s’entraînant plus que quiconque auparavant, bien plus soucieux de sa condition physique et de son alimentation que n’avaient l’habitude de l’être les tennismen de l’époque. Passé pro en 1978, il se pose dès 1980 comme l’un des quatre meilleurs joueurs au monde avec Bjorn Borg, John McEnroe et Jimmy Connors. Bien qu’il ait déjà remporté des dizaines de tournois ATP, dont le Masters 1981 en venant à bout de Vitas Gerulaitis (6-7, 2-6, 7-6, 6-2, 6-4), il ne parvient pas à décrocher un titre du Grand Chelem avant 1984. A vrai dire, il a déjà échoué à trois reprises en finale, une fois à Roland-Garros (en 1981, battu par Bjorn Borg, 6-1, 4-6, 6-2, 3-6, 6-1), et deux fois à l’US Open (battu par Jimmy Connors, en 1982 et 1983). Malgré cette lacune à son palmarès, il a occupé la première place onze semaines durant en 1983, remplacé au mois de mai par Jimmy Connors.
Le lieu : Kooyong stadium, Melbourne
Contrairement aux autres tournois du Grand Chelem, l’Open d’Australie (d’abord appelé Championnat d’Australasie puis Championnat d’Australie) a changé plusieurs fois de lieu au fil des ans. L’épreuve changeait même de ville chaque année avant de s’installer à Melbourne en 1972, et pas moins de cinq villes australiennes l’ont accueillie à au moins trois reprises : Melbourne, Sydney, Adelaïde, Brisbane et Perth. Ses dates ont été assez mouvantes également, entre début décembre et fin janvier, faisant de l’Open d’Australie parfois le premier, parfois le dernier Grand Chelem de la saison. Jusqu’à 1982, la plupart des meilleurs joueurs font l’impasse sur l’épreuve en raison de son éloignement, des dates proches des fêtes de fin d’année et des prix insuffisants, mais en 1983, le tournoi attire trois joueurs de premier plan : Ivan Lendl, John McEnroe et Mats Wilander.
L’histoire : Un succès surprise de Wilander
En finale de l’Open d’Australie 1983, les deux joueurs qui s’affrontent étaient venus à Melbourne avec des états d’esprit bien différents. Ivan Lendl est toujours à la poursuite d’un premier titre du Grand Chelem (ainsi que de points ATP), alors que Mats Wilander est venu pour préparer la finale de la Coupe Davis, qui doit avoir lieu au même endroit quelques semaines plus tard.
Le Suédois, connu pour sa régularité du fond de court, a remporté 10 de ses 12 titres sur terre battue. Son meilleur résultat à Wimbledon est un huitième de finale atteint en 1982, et c’est certainement son manque d’appétence pour la surface qui l’a poussé à venir se préparer spécifiquement pour la finale de la Coupe Davis. Pourtant, au fur et à mesure qu’il passe des tours, Wilander quitte petit à petit sa ligne de fond pour venir plus souvent au filet. Lorsqu’il élimine le double tenant du titre, Johan Kriek, en quarts de finale, c’est presque un nouveau joueur. Cela ne suffit tout de même pas à faire de lui le favori au tour suivant, lorsqu’il affronte le meilleur serveur-volleyeur au monde, le double vainqueur de Wimbledon, John McEnroe. Le Suédois prend tout le monde par surprise en éliminant l’Américain en quatre sets (4-6, 6-3, 6-4, 6-3).
Retrouver deux joueurs de fond de court en finale d’un tournoi du Grand Chelem sur gazon est alors très inhabituel. Ils livrent plus de longs échanges que le public australien n’en avait jamais vu, avec 12 points de plus de 20 frappes, et même 3 échanges dépassant les 40 coups. Une fois de plus, Lendl est incapable de produire son meilleur tennis au moment crucial. Wilander se montre plus agressif, réussissant 32 coups gagnants (contre 24 côté Lendl), et il sert également avec plus de régularité. Le Suédois s’impose en trois manches, 6-1, 6-4, 6-4.
Wilander est prêt pour la finale de Coupe Davis contre l’Australie. Le jour de gloire de Lendl, lui, n’est pas encore venu.
La postérité du moment : Wilander et la Suède échoueront en finale de la Coupe Davis
Malgré la victoire de Mats Wilander sur Pat Cash lors du match d’ouverture, la Suède devra encore patienter pour remporter sa première Coupe Davis, après les défaites de Joakim Nyström en simple, et celle de l’équipe Anders Jarryd/Hans Simonsson en double. La Suède triomphera en 1984, en dominant en finale l’équipe des Etats-Unis. Wilander atteindra son apogée en 1988, année où il deviendra n°1 mondial après avoir réalisé le petit Chelem (c’est-à-dire remporter trois des quatre épreuves majeures). Au total, Wilander aura gagné l’Open d’Australie à trois reprises, et accumulé sept titres du Grand Chelem. Seul Wimbledon, où il ne dépassera jamais les quarts de finale, manquera à son palmarès.
En 1984, Lendl s’imposera enfin à Roland-Garros, venant à bout de John McEnroe à l’issue d’une finale de légende au cours de laquelle il remontera un handicap de deux manches à rien pour lever son premier trophée du Grand Chelem (3-6, 2-6, 6-4, 7-5, 7-5). Il étendra ensuite sa domination sur le circuit, et restera premier mondial pendant 157 semaines consécutives, manquant à trois semaines près le record de 160 semaines détenu par Connors. Au total, le Tchécoslovaque occupera le sommet du classement pendant 270 semaines, un record à l’époque. Lendl remportera finalement l’Open d’Australie à deux reprises, une fois que le tournoi aura déménagé sur les courts en dur de Flinders Park.