10 mai 1996 : Le jour où Martina Hingis, 15 ans, a battu la numéro 1 mondiale Steffi Graf
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 10 mai 1996, Martina Hingis réalisait l’exploit, à 15 ans, de dominer en quarts de finale à Rome Steffi Graf, numéro 1 mondiale et invaincue depuis deux ans sur terre battue.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi ça a marqué l’histoire du tennis
Le 10 mai 1996, Martina Hingis, âgée de quinze ans, domine Steffi Graf, numéro 1 mondiale et invaincue sur terre battue depuis deux ans, en quart de finale de l’Open d’Italie, à Rome. Ce jour-là, l’étoile montante du tennis convainc les derniers sceptiques de son immense potentiel. Moins d’un an plus tard, en mars 1997, elle s’installera au sommet du classement WTA après une victoire à Melbourne, avant l’âge de 17 ans.
Les personnages : Martina Hingis et Steffi Graf
• Martina Hingis, l’ado-prodige
Martina Hingis est née en 1980. Sa mère, Mélanie Molitor, l’a nommée ainsi en hommage à la championne Martina Navratilova. Entraînée par sa maman, Hingis est un phénomène de précocité. Elle a remporté Roland-Garros juniors dès l’âge de 12 ans. Elle a fait ses débuts chez les pros à 14 ans, mais n’a été autorisée à participer qu’à 15 tournois avant ses seize ans, une règle contre laquelle elle a d’ailleurs vivement protesté (« Comment pourrais-je arriver dans le top 10 en jouant aussi peu ? »).
Le tennis de Hingis, tout en coordination, se base sur un sens du jeu hors du commun et un toucher de balle incroyable. A ce moment de sa jeune carrière, son manque de puissance et la faiblesse de sa deuxième balle de service nourrissent encore les sceptiques.
Plus jeune joueuse à avoir jamais gagné un match à l’Open d’Australie en 1995, elle est déjà 20e mondiale en mai 1996. Son plus grand résultat à ce jour a été une finale à Hambourg en 1995, en écartant sur sa route deux joueuses du Top 10, Jana Novotna, 5e mondiale, et Amanda Coetzer, 7e, avant de buter sur Conchita Martinez, 3e mondiale. Face à Steffi Graf, le défi semble bien plus immense encore…
• Steffi Graf, la patronne
Née en 1969, l’Allemande Steffi Graf occupe la place de numéro 1 mondiale depuis l’été 1993 sans interruption, comme elle l’avait déjà fait quelques années plus tôt, de 1987 à 1991. Elle a réalisé un incroyable « Grand Chelem doré » en 1988, ajoutant une médaille d’or olympique aux quatre tournois majeurs, exploit toujours unique dans l’histoire du tennis. Elle détient également un record de six titres du Grand Chelem remportés à la suite entre 1987, 1988 et 1989. En s’imposant à l’US Open 1995, elle est devenue la seule joueuse à avoir gagné au moins quatre fois chacun des quatre tournois majeurs. Elle a subi une opération au pied à la fin de 1995.
Son tennis repose sur un énorme coup droit avec lequel elle fait pratiquement tout ce qu’elle veut, un jeu de jambes phénoménal et un revers slicé pour neutraliser ses adversaires.
Les lieux : le Foro Italico à Rome
Les Internationaux d’Italie ont lieu à Rome depuis 1935, au Foro Italico, un complexe sportif immense destiné initialement à soutenir la candidature de l’Italie pour accueillir les Jeux Olympiques de 1940. Classé dans la catégorie des Masters 1000 chez les hommes, il est aujourd’hui encore l’un des tournois sur terre battue les plus prestigieux. Presque tous les plus grands joueurs de l’histoire du tennis ont foulé les courts du Stadio del Tennis.
En 1996, la jeune Suissesse participe pour la première fois au tournoi, tandis que Steffi Graf y effectue son retour, elle qui n’était pas revenue à Rome depuis son titre en 1987.
L’histoire : Hingis bat Graf
Martina Hingis a déjà battu des joueuses du top 10 au cours de sa jeune carrière, mais Steffi Graf n’est pas une joueuse comme les autres. Elle représente le challenge ultime. Auréolée de 18 titres du Grand Chelem, elle n’a pas perdu sur terre battue depuis sa défaite en demi-finale de Roland-Garros 1994 contre Mary Pierce (6-2, 6-2). En 1996, elle a manqué l’Open d’Australie suite à son opération au pied, et a depuis gagné les deux tournois auxquels elle a participé, Indian Wells et Miami, en perdant seulement un set. Son palmarès est si impressionnant que personne ne pense sérieusement qu’une gamine comme Hingis a la moindre de chance de gagner. D’ailleurs, lors de leurs deux premières rencontres en 1995, Graf a gagné facilement à chaque fois, à Paris Coubertin (6-2 6-3) et Wimbledon (6-3 6-1).
Le premier set prolonge cette dynamique. Bien qu’elle soit encore mal à l’aise sur les terres battues particulièrement lentes du Foro Italico, Steffi Graf paraît maîtriser la situation. Les premiers jeux sont accrochés, mais elle élève son niveau de jeu pour empocher la première manche, 6-2.
Martina Hingis n’abandonne pas la lutte. Elle a confiance en son jeu. N’affirmait-elle pas, il y a quelques mois, qu’elle avait parfois tant de possibilités qu’elle ne savait pas laquelle choisir ? Dans ce deuxième set, elle semble avoir les idées claires. Elle trouve assez de longueur pour repousser Steffi Graf, alternant les coups liftés avec des amorties bien senties, et pose de réels problèmes à la meilleure joueuse du monde. Pendant ce temps, l’Allemande s’impatiente, et tente des coups gagnants à des moments souvent inopportuns. Hingis prend trois fois son service et égalise à une manche partout, 6-2.
Au troisième set, Graf continue à donner beaucoup de points, permettant à la Suissesse de se détacher 3-1. Steffi n’a pas l’intention de perdre contre une si jeune adversaire et réalise le débreak, avant de se condamner elle-même en commettant une double faute sur balle de break à 3-4 . Hingis saisit sa chance et, quelques minutes plus tard, Steffi Graf expédie un dernier coup droit en dehors du court. Martina, l’adolescente, inflige à l’Allemande sa première défaite de la saison.
La postérité du moment
Graf ne perdra que trois matches en 1996. Elle remportera les trois tournois du Grand Chelem restant ainsi que le Masters. Elle aura l’occasion de prendre sa revanche sur Hingis à trois reprises la même année. D’abord, elle la battra en huitièmes de finale de Wimbledon (6-1, 6-4), puis en demi-finale de l’US Open (7-5, 6-3) et enfin en finale du Masters (6-3, 4-6, 6-0). L’Allemande terminera la saison à la première place mondiale pour la huitième et dernière fois de sa carrière.
En 1997, gênée par des blessures, pour la première fois depuis 1986, elle ne gagnera pas le moindre majeur. Après deux saisons compliquées, elle réalisera un dernier exploit à Roland-Garros 1999, en ajoutant un 22e tournoi du Grand Chelem à son palmarès, après avoir battu… Martina Hingis, devenue alors la patronne du tennis mondial, dans une finale dramatique (4-6, 7-5, 6-2). Steffi Graf prendra sa retraite quelques seaines plus tard, en août 1999.
A Rome, Martina Hingis écartera encore Irina Spirlea en demi-finale (6-2 7-5), avant que Conchita Martinez ne la prive du titre (6-2 6-3). Elle deviendra une joueuse de très haut niveau au cours de la fin de la saison 1996. Elle parviendra en demi-finales de l’US Open (battue par Steffi Graf), avant de s’adjuger le Porsche Grand Prix en terrassant la 5e mondiale Anke Huber (6-2, 3-6, 6-3). Elle s’imposera également à San Jose, en surclassant la 2e mondiale, Monica Seles (6-2, 6-0). Elle terminera la saison en se hissant jusqu’en finale du Masters, où elle sera à nouveau contrée par Graf.
En 1997, sur sa lancée, elle deviendra la plus jeune vainqueur de l’histoire de l’Open d’Australie, à l’âge de seize ans, après avoir dominé Mary Pierce (6-2 6-2). Peu après, au mois de mars, après avoir remporté le tournoi de Miami, elle sera la plus jeune numéro 1 mondiale de l’histoire du tennis. Elle occupera ce rang pendant 80 semaines, et accumulera cinq titres du Grand Chelem en simple.
Mais elle ne se remettra jamais totalement de sa finale de Roland-Garros 1999 perdue contre Steffi Graf…