10 juin 1984 : Le jour où Lendl a renversé McEnroe dans une finale mythique à Roland-Garros
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 10 juin 1984, en finale de Roland-Garros, Ivan Lendl remonte deux sets de handicap pour dominer John McEnroe et remporter son premier titre du Grand Chelem.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : La remontada de Lendl en finale de Roland-Garros
Ce jour-là, le 10 juin 1984, en finale de Roland-Garros, Ivan Lendl remonte deux sets de handicap pour dominer John McEnroe et remporter son premier titre du Grand Chelem. C’est certainement la plus célèbre finale de l’histoire de Roland-Garros, en raison de son scénario dramatique et de l’opposition de style entre les deux participants. C’est le moment où Lendl, qui avait perdu ses quatre premières finales de Grand Chelem, cesse d’être considéré comme l’éternel second. Cette finale marque aussi le début de la « malédiction de Roland-Garros » qui frappera les attaquants comme McEnroe, Becker, Edberg et Sampras, qui ne parviendront jamais à gagner le seul Majeur sur terre battue.
Les personnages : Ivan Lendl et John McEnroe
- Ivan Lendl, le maudit en Grand Chelem
Né en 1960, Ivan Lendl est numéro 2 mondial en mai 1984, derrière John McEnroe. Passé pro en 1978, il se pose depuis 1980 comme l’un des quatre meilleurs joueurs au monde avec Bjorn Borg, McEnroe et Jimmy Connors. Bien qu’il ait déjà remporté 39 tournois ATP, dont le Masters 1981 en venant à bout de Vitas Gerulaitis (6-7, 2-6, 7-6, 6-2, 6-4), il n’est pas encore parvenu à décrocher un titre du Grand Chelem. Il y a pour le moment échoué à quatre reprises en finale, une fois à Roland-Garros (en 1981, battu par Bjorn Borg), deux fois à l’US Open (battu par Jimmy Connors, en 1982 et 1983) et une à l’Open d’Australie (battu par Mats Wilander en 1983).
Malgré ce trou dans son palmarès, il a passé 11 semaines à la première place mondiale en 1983, détrôné au mois de mai par Connors. Lendl redéfinit les standards du jeu de fond de court, avec un coup droit lifté très puissant qui lui permet d’être à la fois agressif et extrêmement régulier, poussant ses adversaires à un rude combat physique. Il redéfinit également les standards en termes de préparation, s’entraînant plus que quiconque auparavant, bien plus soucieux de sa condition physique et de son alimentation que n’avaient l’habitude de l’être les tennismen de l’époque.
- John McEnroe, le patron
Né en 1959, John McEnroe est le numéro 1 mondial. Le gaucher de New York a ébloui le monde du tennis dès ses premiers pas sur le circuit, en 1977, lorsqu’à l’âge de 17 ans, il s’était aligné à Wimbledon en tant qu’amateur pour s’extraire des qualifications et atteindre les demi-finales. « Mac » est extrêmement talentueux, son jeu étant basé sur le toucher de balle et la précision, le tout agrémenté d’un service aussi original qu’efficace. Il est aussi bien connu pour ses sautes d’humeur et ses constantes discussions avec le corps arbitral.
En 1979, il est devenu le plus jeune vainqueur de l’histoire de l’US Open en battant en finale Vitas Gerulaitis (7-5, 6-3, 6-3). Il a également créé la surprise cette année-là en venant à bout de Bjorn Borg en finale du WCT (7-5, 4-6, 6-2, 7-6). Avant Roland-Garros 1984, il détient déjà cinq titres du Grand Chelem, dont trois US Open et deux Wimbledon. Son match le plus connu est la finale de Wimbledon 1980, perdue en cinq sets contre Borg, après avoir gagné un incroyable tie-break au quatrième set (18-16). Il arrive à Paris invaincu en 1984, avec six titres en poche et 33 victoires consécutives.
Le lieu : Roland-Garros
Cette histoire a lieu à Roland-Garros. Le stade, situé dans l’ouest parisien, à la lisière du bois de Boulogne, accueille les Internationaux de France depuis 1928. Ce fut le premier et désormais le seul tournoi du Grand Chelem sur terre battue, la surface la plus lente, ce qui en fait le tournoi le plus difficile à gagner sur le plan physique.
John McEnroe est un adepte du service-volée, un style de jeu qui a peu triomphé à Roland-Garros au cours de la décennie passée, et il n’avait encore jamais dépassé les quarts de finale à Paris.
Le tennis d’Ivan Lendl est particulièrement efficace sur ocre. Il est extrêmement régulier, et sa condition physique est hors du commun. Il a déjà disputé une finale à Roland-Garros, en 1981, et Bjorn Borg l’y avait vaincu (6-1 4-6 6-2 3-6 6-1).
L’histoire : Lendl renverse McEnroe
Lorsque la finale de Roland-Garros 1984 débute en ce dimanche 10 juin ensoleillé, John McEnroe est largement favori face à Ivan Lendl. Numéro 1 mondial, il n’a pas encore perdu le moindre match en 1984. De plus, il a battu Lendl à quatre reprises cette année, dont deux fois sur terre battue, sans que le Tchèque ne gagne le moindre set. Sur la route de la finale, il n’a abandonné qu’une manche, contre José Higueras en huitièmes de finale (6-4, 7-6, 3-6, 6-3). Le 5e mondial Jimmy Arias et le 3e mondial Jimmy Connors ont ensuite été balayés en trois sets secs. L’Américain est au sommet de son art et ce Roland-Garros 1984 doit être son chef d’œuvre.
Sur sa route, Lendl n’a pas lâché plus de sets que « Mac ». Seul Andres Gomez, 7e mondial, a réussi à lui faire disputer un quatrième set. La machine tchèque a annihilé le vainqueur de l’édition 1982, Mats Wilander, en demi-finales (6-3, 6-3, 7-5).
Les deux joueurs ont des jeux radicalement différents. McEnroe fait service-volée, avec sa propre technique bien à lui. On le qualifie souvent d’artiste, tandis que Lendl est réputé avoir un jeu beaucoup plus mécanique.
Dans les premiers sets, « l’Artiste » surclasse « le Robot ». Montant sans cesse au filet, McEnroe met son adversaire sous pression permanente. Lendl, peu en jambes, semble perdu. Très vite, John McEnroe boucle les deux premières manches, (6-3, 6-2). Comme prévu, il se dirige à coup sûr vers le titre.
Cependant, Ivan Lendl est déterminé à tout donner pour ne pas perdre une cinquième finale de Grand Chelem. Il veut donner tort à Connors, qui l’avait traité de « poule mouillée », et à tous les observateurs qui pensent qu’il n’a pas les tripes pour remporter une finale de Majeur. Soutenu par le public, qui veut que le spectacle se prolonge, il lance toutes ses forces dans la bataille et parvient à prendre le troisième set, 6-4. A partir de là, la confiance change de camp. Même si rien ne sera facile pour Lendl, McEnroe montre des signes de fatigue et d’agacement, alors que le Tchèque monte en puissance du fond de court à chaque instant. Après quatre heures et huit minutes de jeu, un McEnroe scelle son destin en expédiant une dernière volée de coup droit dans le couloir. Lendl l’emporte 3-6, 2-6, 6-4, 7-5, 7-5 et devient le nouveau champion de Roland-Garros.
« Mac » est plus que dévasté par sa défaite. La tête basse pendant toute la remise des prix, il refuse de s’adresser au public comme le veut la tradition, et il sort du court sous les sifflets.
La postérité du moment : 7 tournois du Grand Chelem pour McEnroe, 8 pour Lendl
Il se dit que, de retour à l’hôtel, John McEnroe passera sa colère en ravageant sa chambre. Le temps aura beau passer, McEnroe ne cachera jamais que cette défaite l’a blessé plus profondément que toute autre. Pendant des années, il en fera des cauchemars en venant à Paris.
Entretemps, ce crève-cœur ne l’empêchera pas de faire de 1984 sa plus grande année. Remportant à la fois Wimbledon et l’US Open (où il battra Ivan Lendl), mais aussi le Masters et la Coupe Davis, il sera le champion du monde incontesté, avec au compteur 82 victoires pour seulement 3 défaites. Après 1984, McEnroe ne gagnera plus le moindre tournoi du Grand Chelem. En 1986, épuisé mentalement, il fera même une pause dans sa carrière, le temps d’épouser Tatum O’Neal. Après son retour, « Mac » n’obtiendra jamais de résultats comparables à ceux d’avant et n’atteindra plus jamais la finale d’une épreuve du Grand Chelem. Son dernier résultat marquant sera une demi-finale à Wimbledon, perdue contre Andre Agassi en 1992 (6-4, 6-2, 6-3). Au total, McEnroe aura gagné sept tournois du Grand Chelem et passé 170 semaines au sommet du classement ATP.
Ivan Lendl redeviendra premier mondial en 1985, et il totalisera trois titres à Roland-Garros à la fin de sa carrière (1984, 1986, 1987), mais aussi trois titres consécutifs à l’US Open (1985-1987) où il sera présent en finale huit années consécutives, de 1982 à 1989. Le dernier Grand Chelem à s’offrir à lui sera l’Open d’Australie, qu’il gagnera à deux reprises une fois le gazon abandonné au profit du Rebound Ace (en 1989 et 1990). Le Tchèque ne réussira jamais à remporter Wimbledon, où son jeu était moins efficace, malgré deux finales disputées en 1986 (battu par Boris Becker, 6-4 6-3 7-5) et en 1987 (battu par Pat Cash, 7-6 6-2 7-5). En 1992, à l’issue d’une procédure de cinq ans, il obtient la citoyenneté américaine. A la fin de la carrière, en 1994, le désormais Américain aura passé 270 semaines en tant que numéro 1 mondial (améliorant de deux semaines le précédent record de Connors) et aura remporté 94 tournois ATP.
Au cours de leurs carrières respectives, John McEnroe et Ivan Lendl s’affronteront en tout à 36 reprises. Lendl dominera leur rivalité 21-15, après avoir remporté 9 de leurs 10 derniers matches.