10 août 1986 : Le jour où Ivan Lendl a montré à Boris Becker qui était le numéro 1
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 10 août 1986, Ivan Lendl a pris sa revanche sur Boris Becker, qui l’avait privé du titre à Wimbledon un mois plus tôt. L’arrogance du jeune Allemand n’aura pas suffi à déstabiliser le numéro 1 mondial.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : La revanche de Lendl
Ce jour-là, le 10 août 1986, Ivan Lendl domine Boris Becker en finale du tournoi de Stratton Mountain (6-4, 7-6). Il ne s’agit pas d’une victoire comme les autres pour Lendl : le Tchécoslovaque prend sa revanche de la finale de Wimbledon, un mois plus tôt, où l’Allemand l’avait battu en trois manches (6-4, 6-3, 7-5). Ce match clôt un tournoi particulièrement excitant, où le qualifié Andre Agassi, âgé de seize ans, se révèle en éliminant la tête de série n°5, Tim Mayotte, et où Boris Becker, sur le chemin de la finale, écarte des balles de match au troisième tour (face à Kevin Curren) et en demi-finale (au cours d’un match épique contre John McEnroe). Dans ce choc des générations, la compétition se prolonge avec férocité en conférence de presse, et les joueurs se laissent aller à des commentaires acerbes.
Les personnages : Ivan Lendl et Boris Becker
- Lendl, la machine tchécoslovaque
Ivan Lendl : né en 1960, Ivan Lendl est numéro 1 mondial en août 1986. Passé pro en 1978, il se pose depuis 1980 comme l’un des quatre meilleurs joueurs au monde avec Bjorn Borg, John McEnroe et Jimmy Connors. Bien qu’il ait déjà remporté des dizaines de tournois ATP, dont le Masters 1981 en venant à bout de Vitas Gerulaitis (6-7, 2-6, 7-6, 6-2, 6-4), il ne parvient pas à décrocher un titre du Grand Chelem avant 1984. A vrai dire, il a échoué à quatre reprises en finale, une fois à Roland-Garros (en 1981, battu par Bjorn Borg), deux fois à l’US Open (battu par Jimmy Connors, en 1982 et 1983) et une en Australie (battu par Mats Wilander en 1983). En 1984, Lendl triomphe finalement à Roland-Garros, venant à bout de John McEnroe à l’issue d’une finale légendaire où il surmonte un handicap de deux sets. En 1985, il atteint la finale des Internationaux de France (battu une nouvelle fois par Wilander), mais à l’US Open, quelques semaines après être redevenu numéro 1 mondial, il décroche un deuxième titre du Grand Chelem aux dépens de John McEnroe (7-6, 6-3, 6-4). En 1986, il s’impose à Roland-Garros pour la deuxième fois, dominant Mikael Pernfors en finale (6-3, 6-2, 6-4), mais à Wimbledon, il s’incline en finale contre le jeune tenant du titre Boris Becker (6-4, 6-3, 7-5). Ivan Lendl redéfinit les standards du jeu de fond de court, avec un coup droit lifté très puissant qui lui permet d’être à la fois agressif et extrêmement régulier, poussant ses adversaires à un rude combat physique. Il redéfinit également les standards en termes de préparation, s’entraînant plus que quiconque auparavant, bien plus soucieux de sa condition physique et de son alimentation que n’avaient l’habitude de l’être les tennismen de l’époque.
- Becker, prince du gazon
Boris Becker est né en 1967. En 1985, à 17 ans, l’Allemand devient le plus jeune vainqueur de l’histoire de Wimbledon, dominant Kevin Curren en finale (6-3, 6-7, 7-6, 6-4). Son service très puissant, qu’il suit le plus souvent au filet, lui vaut le surnom de « Boum-Boum ». Il est célèbre pour ses spectaculaires plongeons à la volée, et c’est aussi un joueur très expressif, capable parfois de « péter les plombs ». Après son superbe succès à Wimbledon, l’Allemand confirme son statut en remportant le tournoi de Cincinnati, battant Mats Wilander en finale (6-4, 6-2). Il termine l’année à la 6e place mondiale et se qualifie ainsi pour le Masters où il se hisse jusqu’en finale, où il est surclassé par Ivan Lendl (6-2, 7-6, 6-3). Tout en puissance, Becker parvient à conserver son titre à Wimbledon en 1986, en battant cette fois en finale le numéro 1 mondial, Ivan Lendl (6-4, 6-3, 7-5).
Le lieu : Stratton Mountain, aimant à stars
Le tournoi de Stratton Mountain a été créé en 1985 et se joue sur dur. Grâce à son positionnement idéal dans le calendrier et à des prix attractifs, les meilleurs joueurs du monde ont participé aux deux premières éditions. En 1985, le numéro 1 mondial John McEnroe avait battu le deuxième mondial Ivan Lendl en finale, et en 1986, les deux premiers mondiaux (Ivan Lendl et Boris Becker) ont fait le déplacement. Le tournoi a ensuite disparu du calendrier ATP en 1989.
L’histoire : Et l’insolent s’est tu
Lorsqu’Ivan Lendl et Boris Becker pénètrent sur le central de Stratton Mountain en ce 10 août 1986, ils sont sur le point de jouer le dernier acte d’un tournoi passionnant. Les deux meilleurs joueurs au monde sont venus et se retrouvent en finale, et en plus, l’ancien numéro 1 mondial John McEnroe, qui s’était éloigné du circuit pendant six mois, a choisi Stratton Mountain pour faire son retour sur le circuit. Ces trois stars se sont hissées en demi-finales, pour le plus grand plaisir du directeur du tournoi. En chemin, John McEnroe a éliminé le jeune Andre Agassi, issu des qualifications et qui avait battu le 12e mondial, Tim Mayotte. Malgré la victoire facile de McEnroe (6-3, 6-3), le Kid de Las Vegas fait forte impression auprès du public et de McEnroe lui-même qui déclare après le match : « Personne ne m’avait jamais envoyé un retour aussi puissant. Je n’ai même pas vu passer la balle. »
Le sommet du tournoi a été la demi-finale entre Becker et McEnroe, un match remporté par Becker (3-6, 7-6, 7-6) après avoir écarté quatre balles de match au tie-break du dernier set. Après un match à suspense long de deux heures et demie, où les deux joueurs ont chacun tenté de s’intimider, la bagarre continue en conférence de presse, selon le New-York Times : “Il pense que tout le monde lui veut du mal, veut le gruger. Malgré six mois d’arrêt, c’est toujours pareil. C’est triste.”, dit Becker. “C’est toujours spécial de battre McEnroe. J’ai toujours dit qu’il était un grand joueur mais je n’ai jamais dit que c’était une belle personne.” De son côté, John McEnroe n’apprécie pas non plus l’attitude de Becker : “Je lui ai dit de me respecter. Qu’il gagne quelques tournois pour faire ses preuves. On a tous gagné Wimbledon.”
Après cette demi-finale épique, Boris Becker se réveille épuisé au matin du 10 août : “Quand je me suis levé ce matin, j’ai dit « oulà, je suis encore dans le tournoi ». Je croyais avoir joué la finale hier, donc c’était très dur de revenir aujourd’hui et de rejouer.” D’autant plus que son adversaire du jour, Ivan Lendl, n’a pas l’intention de faire de quartier. Becker l’a privé du titre à Wimbledon quelques semaines auparavant, et convoite à présent la place de premier mondial. Après leur finale londonienne, Lendl avait averti la presse : “Il a gagné aujourd’hui, c’est certain. Mais je ne suis pas prêt à abandonner cette place. Cela se décidera à l’US Open, c’est là que l’on pourra faire pencher la balance.“
Lorsque le match commence, le Tchécoslovaque domine les débats face à un Becker vidé. Lendl empoche le premier set 6-4, mais au deuxième set, Becker, principalement grâce à son service, pousse le numéro 1 mondial au tie-break. Lendl ne perd pas son sang-froid et se détache rapidement 6-0, se procurant ainsi six balles de match consécutives. Selon le Los Angeles Times, l’Allemand tente alors de le déconcentrer en lui adressant la parole : “Curren a eu deux balles de match, McEnroe, quatre. Tu penses que je peux en sauver six ?“
“Tu ferais mieux de te dépêcher ou tu vas prendre un point de pénalité”, lui rétorque Lendl. La ruse ne prend pas. Le Tchécoslovaque, impitoyable, gagne le tie-break 7-0 et remporte ainsi le tournoi de Stratton Mountain 1986.
La postérité du moment : Lendl, numéro (un)détrônable
Comme Ivan Lendl l’avait prédit, le titre de champion du monde 1986 se décidera bien à l’US Open, où Boris Becker s’inclinera en demi-finale face à Miloslav Mecir (4-6, 6-3, 6-4, 3-6, 6-3), qui sera ensuite balayé par le Tchécoslovaque en finale (6-2, 6-4, 6-0). Quelques mois plus tard, au Masters, Lendl et Becker s’affronteront en finale, et Lendl renforcera son statut de numéro 1 mondial avec une victoire sans appel (6-4, 6-4, 6-4).