31 août 1999 : Le jour où Rafter est devenu le premier tenant du titre à sortir d’entrée à l’US Open
Bousculé par un Cédric Pioline décomplexé et gêné par une épaule douloureuse, Patrick Rafter a, le 31 août 1999, abandonné au premier tour de l’US Open. Le double tenant du titre avait ensuite quitté le court du Stade Arthur-Ashe sous les huées d’un public plongé en pleine incompréhension.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : Rafter s’incline au premier tour de l’US Open après l’avoir remporté les deux années précédentes
Le 31 août 1999, Patrick Rafter devient le premier tenant du titre de l’histoire à s’incliner d’entrée à l’US Open. L’Australien, qui a remporté deux titres consécutifs à New York en 1997 et 1998, est contraint à l’abandon au début du cinquième set en raison d’une blessure à l’épaule alors que son adversaire, le Français Cédric Pioline, a remonté un handicap de deux manches à rien. Bien que Rafter soit connu pour son esprit sportif, il est sévèrement hué par le public du stade Arthur-Ashe, qui ne comprend pas réellement ce qui se passe.
Les acteurs : Patrick Rafter et Cédric Pioline
- Patrick Rafter, éphémère numéro 1 mondial et double tenant du titre
Né en 1972, Patrick Rafter est passé pro en 1991. Durant les premières années de sa carrière, l’Australien n’a pas obtenu de grands résultats, et jusqu’en 1997, il n’avait remporté qu’un seul tournoi, à Manchester en 1994. En 1997, sa carrière décolle subitement lorsqu’il atteint les demi-finales à Roland-Garros, étant seulement battu par Sergi Bruguera (6-7, 6-1, 7-5, 7-6). Quelques mois plus tard, après avoir disputé deux finales à Indianapolis et Long Island, il gagne l’US Open à la stupéfaction générale. Ce n’était que le deuxième titre de sa carrière ! En chemin, il bat Andre Agassi (alors 63e mondial, 6-3, 7-6, 4-6, 6-3), puis le numéro 2 mondial Michael Chang (6-3, 6-3, 6-4) et enfin Greg Rusedski en finale (6-3, 6-2, 4-6, 7-5). Mais en 1998, ses résultats décevants en début d’année le mettent sous le feu des critiques, John McEnroe déclarant qu’il ne reproduirait pas son exploit de l’US Open, tandis que Pete Sampras faisait remarquer que, pour être un grand joueur, Rafter devait gagner un autre tournoi majeur.
Comme pour leur répondre, à l’été 1998, Rafter remporte coup sur coup les tournois de Toronto et Cincinnati (où il bat en finale… Sampras, 1-6, 7-6, 6-4). Sur sa lancée, l’Australien s’adjuge un deuxième titre à l’US Open, en battant une fois de plus Pistol Pete (6-7, 6-4, 2-6, 6-4, 6-3), avant de venir à bout de son compatriote Mark Philippoussis (6-3, 3-6, 6-2, 6-0) à l’issue de la première finale de Grand Chelem 100% australienne depuis 1970. En juillet 1999, peu après avoir atteint les demi-finales de Wimbledon, il devient numéro 1 mondial, le temps d’une semaine, avant d’être dépassé par Agassi. Bud Collins décrivait Rafter comme « un homme humble et élégant sur le court, d’une grande générosité et ayant une attitude de gentleman ».
- Cédric Pioline, le poil à gratter du circuit masculin
Cédric Pioline est né en 1969. Entré dans le Top 100 en 1991, il obtient son premier gros résultat l’année suivante en disputant sa première finale à Lyon (perdue face à Pete Sampras, 6-4, 6-2). Il prend une nouvelle dimension en 1993, se hissant d’abord en finale à Monte-Carlo (battu par Sergi Bruguera, 7-6, 6-0), mais surtout en étant finaliste malheureux de l’US Open, défait à nouveau par Sampras (6-4, 6-4, 6-3). Quelques mois après cet exploit, le Français obtient son meilleur classement en grimpant à la 9e place mondiale.
Par la suite, Pioline ne parvient pas à s’installer durablement dans le Top 10. Mais il réalise régulièrement des coups d’éclat. Il accumule notamment trois titres, atteignant aussi de nombreuses finales, mais il dispute surtout une deuxième finale de Grand Chelem, à Wimbledon, en 1997, où Sampras le domine une nouvelle fois (6-4, 6-2, 6-4). En 1998, le Français atteint les demi-finales de Roland-Garros (éliminé par Alex Corretja, 6-3, 6-4, 6-2) et en 1999, il parvient jusqu’en quarts de finale à Wimbledon (battu par Tim Henman, 6-4, 6-2, 4-6, 6-3). Au début de l’US Open, il est 26e mondial.
Le lieu : L’US Open et son immense Stade Arthur-Ashe
L’US Open (appelé US Nationals avant 1968 et le début de l’Ère Open) a été créé en 1881. Bien qu’il soit le seul Grand Chelem à avoir été disputé sans la moindre interruption depuis ses débuts, le tournoi a changé de site à plusieurs reprises au fil des ans. Les premières éditions se déroulent sur les courts en herbe du Casino de Newport, à Rhode Island, puis en 1915, l’épreuve s’installe à New York, au West Side Tennis Club, dans le quartier de Forest Hills, jusqu’en 1977 (avec une parenthèse de 1921 à 1923, où les joueurs s’affrontent à Philadelphie). De 1975 à 1977, le tournoi se dispute sur terre battue.
En 1978, l’US Open quitte le West Side Tennis Club, désormais trop petit pour accueillir un événement d’une telle importance, pour l’USTA National Tennis Center, situé à Flushing Meadows, à New York. Par la même occasion, le tournoi se dispute à présent sur dur. Le Tennis Center est l’un des plus grands complexes de tennis au monde et son court central est le Stade Louis-Armstrong, d’une capacité de 14 000 places. En 1997, un nouveau court central, le Stade Arthur-Ashe, est inauguré. Avec ses 23 000 places, c’est le plus grand terrain de tennis au monde.
L’histoire : Rafter, du mauvais côté de l’histoire en Grand Chelem
Pour la plupart des experts, Patrick Rafter a beaucoup à prouver lors de cet US Open 1999. L’Australien aux cheveux longs, double tenant du titre à New York, a occupé la première place pendant une petite semaine en juillet, devenant l’un des cinq joueurs à porter le dossard numéro 1 depuis le début de l’année (avec Pete Sampras, Carlos Moya, Ievgueni Kafelnikov et Andre Agassi). Son règne extrêmement bref a attiré bien des critiques, dirigées à la fois contre lui et contre le système de classement, et il sait que seul un grand résultat à New York pourra les faire taire. En grande forme à Cincinnati, où il avait atteint la finale (battu seulement par Sampras, 7-6, 6-3), il est ensuite victime d’une tendinite à l’épaule. Lors de son dernier tournoi, à Indianapolis, il est obligé de déclarer forfait avant son troisième tour contre Jan Siemerink.
Affronter au premier tour l’ancien finaliste du tournoi, Cédric Pioline, n’est pas un tirage évident pour Rafter. Néanmoins, malgré une épaule douloureuse et un adversaire redoutable, l’Australien prend un excellent départ et s’empare des deux premiers sets, 6-4, 6-4. Pourtant, au fur et à mesure que le match avance, ses services deviennent de plus en plus lents, ruinant son jeu de service-volée et permettant à Pioline de dicter le jeu. Le Français égalise en gagnant les troisième et quatrième sets, 6-3, 7-5.
Au début de la manche décisive, après que Pioline a pris son service d’entrée, Rafter décide qu’il a trop mal pour continuer. S’approchant du filet, il vient serrer la main de son adversaire. Le public du Stade Arthur-Ashe n’est pas content de le voir abandonner et le double tenant du titre de l’US Open quitte le court sous les huées injustes des spectateurs.
« Une fois qu’une personne commence à huer, je suppose que les autres suivent, déclare Rafter, cité par le New York Post. C’est très triste. Qu’est-ce que je peux y faire ? C’est très décevant. J’ai joué ici ces deux dernières années et j’ai toujours été bien reçu. Etre hué ainsi, ça fait mal, c’est certain. »
Son adversaire lui-même se montre déçu de la réaction du public. « Je ne pense pas que c’était mérité, dit Pioline, dont les propos sont relayés par le Los Angeles Times. S’il a abandonné, c’est parce qu’il avait un problème sérieux. Il est quand même le tenant du titre. Il a gagné ici ces deux dernières années. Il adore ce tournoi. Je pense que c’est injuste de la part du public. » Pour la première fois de l’histoire de l’US Open, le tenant du titre est éliminé d’entrée. Ce n’est même que la troisième fois dans l’histoire des Grands Chelems qu’un tenant du titre ne parvient pas à se qualifier pour le deuxième tour.
Postérité du moment : Rafter ne remontera plus sur le trône
Cédric Pioline poursuivra sa route jusqu’en demi-finale de l’US Open 1999. En quart de finale, il viendra à bout du 6e mondial Gustavo Kuerten, à l’issue d’une night-session mémorable (4-6, 7-6, 7-6, 7-6). Mais, au tour suivant, il sera balayé par Todd Martin (6-4, 6-1, 6-2).
Patrick Rafter ne retrouvera jamais la première place mondiale et son règne restera le plus court de l’histoire du tennis.