21 janvier 1990 : Le jour où McEnroe a été disqualifié de l’Open d’Australie
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 21 janvier 1990, John McEnroe, opposé à Mikael Pernfors en huitièmes de finale de l’Open d’Australie, devient le premier joueur de l’ère Open à être disqualifié en Grand Chelem.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : John McEnroe devient le premier joueur de l’ère Open à être disqualifié en Grand Chelem
Ce jour-là, le 21 janvier 1990, John McEnroe est disqualifié, alors qu’il affrontait Mikael Pernfors en huitièmes de finale de l’Open d’Australie. L’Américain, qui avait un avantage de deux sets à un mais était mené 4-2 dans la quatrième manche, est accusé d’injures et d’intimidation. Il s’avérera par la suite qu’il n’était pas au courant d’une récente évolution des règles : il ne faut plus que trois violations du code de conduite pour être exclu, contre quatre par le passé. Il est le premier joueur de l’ère Open à être disqualifié lors d’une épreuve du Grand Chelem.
Les acteurs : John McEnroe et Mikael Pernfors
- John McEnroe, le sulfureux américain
John McEnroe, né en 1959, a occupé la place de numéro 1 mondial 170 semaines durant, entre 1980 et 1985. McEnroe est extrêmement talentueux. Son jeu est basé sur le toucher de balle et la précision, le tout agrémenté d’un service aussi original qu’efficace, souvent suivi au filet. Il est également célèbre pour son comportement, qui choque à l’époque le monde bien propre et policé du tennis. Ses querelles incessantes avec le corps arbitral dénotent dans un sport dit « de gentlemen ». Le gaucher américain accumule sept titres du Grand Chelem : trois à Wimbledon (1981, 1983, 1984) et quatre à l’US Open (1979, 1980, 1981, 1984). En 1979, il était devenu le plus jeune vainqueur de l’histoire de l’US Open, en battant Vitas Gerulaitis en finale (7-5 6-3 6-3) et, en 1980, il dispute son match le plus célèbre en finale de Wimbledon, vaincu par Björn Borg en cinq manches après avoir remporté un incroyable tie-break au quatrième set (18-16). Sa plus grande saison reste 1984, année au cours de laquelle, après une terrible défaite en finale de Roland-Garros, il remporte non seulement Wimbledon et l’US Open, mais aussi le Masters et il mène son équipe en finale de la Coupe Davis (les USA s’inclinent alors face à la Suède), finissant l’année en numéro 1 incontesté avec 82 victoires pour seulement 3 défaites. Après 1984, la domination de McEnroe prend fin. En 1986, il s’éloigne même du circuit, le temps d’épouser Tatum O’Neal. Depuis son retour, « Mac » n’est plus ce qu’il était. Il ne parvient à nouveau en demi-finale d’un tournoi majeur qu’à Wimbledon 1989 (battu par Stefan Edberg, 7-5, 7-6, 7-6). Au début de l’Open d’Australie 1990, il est tout de même 5e mondial.
- Mikael Pernfors, un Roland-Garros d’exception en 1986
Le Suédois Mikael Pernfors, né en 1963, est surtout pour connu pour son parcours à Roland-Garros en 1986, où, à la surprise générale, il se hisse en finale, éliminant Henri Leconte et Boris Becker avant d’être battu par Ivan Lendl (6-3, 6-2, 6-4). La même année, après avoir atteint la 10e place mondiale (son meilleur classement), il livre un combat de cinq sets face à Pat Cash en finale de la Coupe Davis, mais il finit par s’incliner (2-6, 4-6, 6-3, 6-4, 6-3). Il remporte ses deux premiers titres en 1988, en battant Andre Agassi en finale du tournoi de Los Angeles (6-2, 7-5) puis Glenn Layendecker en finale de Scottsdale (6-2, 6-4). À l’entame de l’Open d’Australie 1990, il est 63e mondial.
Le lieu : Melbourne (Australie)
Contrairement aux autres tournois du Grand Chelem, l’Open d’Australie (d’abord appelé Championnat d’Australasie puis Championnat d’Australie) a changé plusieurs fois de lieu au fil des ans. L’épreuve changeait même de ville chaque année avant de s’installer à Melbourne en 1972, et pas moins de cinq villes australiennes l’ont accueillie à au moins trois reprises : Melbourne, Sydney, Adelaïde, Brisbane et Perth. Ses dates ont été assez mouvantes également, entre début décembre et fin janvier, faisant de l’Open d’Australie parfois le premier, parfois le dernier Grand Chelem de la saison. Jusqu’en 1982, la plupart des meilleurs joueurs font l’impasse sur l’épreuve en raison de son éloignement et des prix insuffisants, mais à partir de la victoire de Mats Wilander, la dynamique change. Pour rendre le tournoi plus attractif, le comité du tournoi déploie d’énormes efforts qui mènent au déménagement de l’épreuve vers un nouveau site, Flinders Park (qui sera plus tard renommé Melbourne Park), à l’abandon du gazon pour des courts en dur, et à la construction du premier court central doté d’un toit rétractable. La dotation augmente également, et il ne faut alors que quelques années pour que l’Open d’Australie devienne le Grand Chelem préféré de nombreux joueurs.
L’histoire : Surpris par le changement de la règle, McEnroe va trop loin
En janvier 1990, John McEnroe est de retour dans le top 5 depuis à peine six mois, après l’avoir quitté en juin 1986. Après quelques années passées sans obtenir le moindre grand résultat, il est parvenu en demi-finale de Wimbledon en 1989, et, s’il n’est pas l’un des grands favoris de l’Open d’Australie, les experts gardent un œil sur lui.
Le gaucher new-yorkais a passé ses trois premiers tours sans encombre, mais au quatrième tour, Mikael Pernfors lui donne du fil à retordre. Le Suédois n’est alors que 63e mondial, mais il a déjà prouvé par le passé que, dans un bon jour, il pouvait défier les meilleurs.
McEnroe a toujours été connu pour son mauvais caractère, mais ce jour-là, le 21 janvier 1990, il est vraiment de très mauvaise humeur. Les choses commencent à prendre un mauvais tour au début du troisième set, lorsque l’ancien numéro 1 mondial s’arrête devant une juge de ligne qu’il tient pour responsable d’une erreur d’arbitrage, tout en faisant rebondir une balle sur sa raquette. Ce comportement est interprété comme une tentative d’intimidation, et l’arbitre de chaise, Gerry Armstrong, donne à McEnroe son premier avertissement.
Mac remporte le set malgré tout, et il mène à présent deux manches à une (6-1, 4-6, 7-5). Cela ne suffit pourtant pas à le détendre, et c’est à 4-2 contre lui au quatrième set qu’il pousse le bouchon un peu trop loin. Jetant sa raquette à l’issue de deux points consécutifs, il finit par la casser, et reçoit un deuxième avertissement pour violation du code de conduite. Il s’approche de l’arbitre pour négocier mais il finit par l’insulter et faire appel au superviseur. Malheureusement pour lui, ce dernier soutient son arbitre, provoquant une nouvelle tirade fleurie de McEnroe. Les officiels n’ont d’autre choix que d’appliquer le code de conduite : avec cette troisième entorse au règlement, John McEnroe, à sa grande surprise et au grand dam du public, est le premier joueur de l’ère Open à être disqualifié d’un tournoi du Grand Chelem.
Au cours de la conférence de presse d’après-match, McEnroe explique qu’il ne savait pas que le règlement avait changé : il fallait habituellement quatre violations du code de conduite pour être exclu, mais ce nombre a été récemment réduit à trois.
« J’aurais certainement jeté ma raquette, mais je n’aurais peut-être pas dit ce que j’ai dit au superviseur”, dit-il, d’après le Sydney Morning Herald.
« Je n’ai réalisé la portée de l’événement que le lendemain », déclarera Armstrong dans une interview au Sunday Times en 1997. « C’est juste arrivé, j’ai suivi le règlement, c’était mon boulot. »
La postérité du moment : Un déclin progressif pour McEnroe
Mikael Pernfors sera éliminé par Yannick Noah au tour suivant (6-3, 7-5, 6-2). Ce sera sa dernière apparition en quarts de finale d’un tournoi du Grand Chelem.
John McEnroe déclinera jusqu’à sa retraite, à la fin de la saison 1992. Son dernier résultat notable sera une demi-finale atteinte à Wimbledon 1992 (battu par Andre Agassi, 6-4, 6-2, 6-3).