11 septembre 1999 : Le jour où Serena Williams a commencé sa collection de Majeurs
Jusque-là, Serena Williams a décroché 23 titres du Grand Chelem. Une série débutée il y a 23 ans, le 11 septembre 1999, à l’issue d’une finale de l’US Open remportée face à Martina Hingis.
Ce qu’il s’est passé ce jour-là : Serena couronnée à seulement 17 ans
Ce jour-là, le 11 septembre 1999, Serena Williams, 17 ans, vient à bout de la numéro 1 mondiale, Martina Hingis (6-3, 7-6) pour remporter son premier titre du Grand Chelem à Flushing Meadows. Deux ans après que sa grande sœur Venus a eu l’audace d’annoncer que Serena serait sa plus grande rivale, cette dernière devient la première des Williams à soulever un trophée majeur.
La finale contre Hingis est l’aboutissement d’une lutte de quinze jours par conférences de presse interposées, où les deux joueuses se sont envoyées des piques à plusieurs reprises avant de finalement se retrouver sur le court le dernier samedi du tournoi. Par ailleurs, cette deuxième défaite en finale de Majeur, après sa dramatique finale contre Steffi Graf à Paris, marque la fin de la domination de la Suissesse.
Les joueuses : Serena Williams et Martina Hingis
- Martina Hingis, reine de plus en plus contestée
Martina Hingis est née en septembre 1980, et sa mère, Melanie Molitor, la prénomme en référence à la championne de tennis Martina Navratilova. Formée par sa maman, elle est un enfant prodige et remporte Roland-Garros juniors à seulement 12 ans. Elle fait ses débuts sur le circuit à 14 ans, mais le règlement ne l’autorise à disputer que 15 tournois avant l’âge de 16 ans, une règle contre laquelle elle s’insurge : « Comment est-ce que je peux rentrer dans le Top 10 en jouant aussi peu ? ». Son tennis est basé sur une coordination extraordinaire, un sens tactique impressionnant, un superbe toucher de balle et une bonne lecture du jeu. Au début de sa carrière, elle manque néanmoins de puissance et sa deuxième balle est assez faible.
Elle explose réellement en 1996. Après avoir battu la numéro 1 mondiale incontestée, Steffi Graf, au mois de mai à Rome, elle se hisse en demi-finale de l’US Open (battue par Graf, 7-5, 6-3), puis en finale du Masters (où elle est battue par Graf en cinq sets, 6-3, 4-6, 6-0, 4-6, 6-0). Trois après son 16e anniversaire, elle est déjà 6e mondiale, et en janvier 1997, elle devient la plus jeune gagnante en Grand Chelem de tous les temps, en battant Mary Pierce en finale de l’Open d’Australie (6-2, 6-2).
Dans les mois qui suivent, Hingis remporte pas moins de 8 titres, dont Wimbledon (aux dépens de Jana Novotna, 2-6, 6-3, 6-3) et l’US Open (où elle bat Venus Williams, 6-0, 6-4), et elle atteint la finale à Roland-Garros (battue par Iva Majoli, 6-4, 6-2). Ces résultats extraordinaires lui permettent de devenir la plus jeune joueuse de tous les temps à s’installer au sommet du classement WTA, au mois de mars, à l’âge de 16 ans et 3 mois.
En 1998, à Melbourne, elle ajoute un quatrième titre du Grand Chelem à son palmarès, mais au cours des mois suivants, elle ne parvient plus en finale de majeur avant l’US Open, où elle est battue par Lindsay Davenport (6-3, 7-5), et elle perd temporairement sa première place mondiale. En 1999, elle remporte une troisième fois l’Open d’Australie, mais elle subit une terrible défaite face à Steffi Graf en finale de Roland-Garros (4-6, 7-5, 6-2), qui la laisse tellement choquée qu’elle s’incline dans la foulée au premier tour de Wimbledon.
- Serena Williams, jeune étoile de plus en plus scintillante
Serena Williams, née en 1981, est la cadette de sa famille. Quelques années plus tôt, en 1997, sa sœur Venus, qui débutait alors sur le circuit, avait déclaré que sa principale rivale serait sa petite sœur Serena. A l’époque, les observateurs n’avaient pas su si elle avait dit ça sérieusement ou par pure provocation. Ils réalisent bientôt à quel point Venus était en fait sérieuse, lorsqu’en novembre de la même année, Serena Williams fait parler d’elle à Scottsdale. Agée de seize ans, classé 304e mondiale, elle s’extrait des qualifications et se hisse jusqu’en demi-finales, battant au passage Mary Pierce (7e mondiale, 6-3, 7-6) et Monica Seles (4e mondiale, 4-6, 6-1, 6-1). En 1998, elle renverse plusieurs joueuses du top 10, notamment la 3e mondiale Lindsay Davenport, en quarts de finale du tournoi de Sydney (1-6, 7-5, 7-5) et dispute plusieurs quarts de finale qui lui permettent de terminer la saison au 20e rang mondial.
Serena Williams franchit un cap en 1999. En février, elle gagne son premier tournoi à Paris Coubertin, à dix-sept ans, battant en finale la locale de l’étape Amélie Mauresmo (6-2, 3-6, 7-6). Deux semaines plus tard, elle s’impose à Indian Wells aux dépens de l’ancienne numéro 1 mondiale Steffi Graf (6-3, 3-6, 7-5). A Miami, elle vient à bout de la numéro 1 mondiale Martina Hingis en demi-finale (6-4, 7-6) avant de s’incliner en finale contre Venus. C’est la première fois de l’histoire que deux sœurs s’affrontent en finale d’un tournoi WTA. Après un Roland-Garros décevant, une blessure l’oblige à faire l’impasse sur Wimbledon, mais à l’été elle remporte un troisième tournoi à Los Angeles et semble en forme avant l’US Open.
Le lieu : Flushing Meadows
L’US Open (appelé US Nationals avant 1968 et le début de l’Ère Open) a été créé en 1881. Bien qu’il soit le seul Grand Chelem à avoir été disputé sans la moindre interruption depuis ses débuts, le tournoi a changé de site à plusieurs reprises au fil des ans. Les premières éditions se déroulent sur les courts en herbe du Casino de Newport, à Rhode Island, puis, en 1915, l’épreuve s’installe à New-York, au West Side Tennis Club, dans le quartier de Forest Hills, jusqu’en 1977 (avec une parenthèse de 1921 à 1923, où les joueurs s’affrontent à Philadelphie). De 1975 à 1977, le tournoi se dispute sur terre battue.
En 1978, l’US Open quitte le West Side Tennis Club, désormais trop petit pour accueillir un événement d’une telle importance, pour l’USTA National Tennis Center, situé à Flushing Meadows, à New-York. Par la même occasion, le tournoi se dispute à présent sur surface dur. Le Tennis Center est l’un des plus grands complexes de tennis au monde et son court central est le Stade Louis Armstrong, d’une capacité de 14 000 places. En 1997, un nouveau court central, le Stade Arthur Ashe, est inauguré. Avec ses 23 000 places, c’est le plus grand terrain de tennis au monde.
Les faits : Echanges incisifs, en-dehors comme sur le court
La finale de l’US Open 1999 entre la numéro 1 mondiale Martina Hingis et la star montante américaine Serena Williams a commencé bien avant le le dernier samedi du tournoi. Tout a débuté lorsque Richard Williams, le père de Venus et Serena, voyant ses filles dans des parties opposées du tableau, a prédit qu’elles se retrouveraient en finale du tournoi. Irritée par ce qu’elle estime être de l’arrogance, la Suissesse s’emporte en conférence de presse : « Ils (les Williams) ont une grande bouche. Ils parlent toujours beaucoup. Ça leur met plus de pression. Est-ce qu’elles peuvent la supporter, là est la question. »
La réplique de la famille Williams ne tarde pas à fuser. Le premier à formuler une réponse à sa façon est Richard, cité par le New York Times. « Je ne pense pas qu’il y ait plus de pression sur elles. Je pense que la pression, c’est de faire ce que j’ai fait, tout en travaillant toute la journée. Je crois toujours qu’il y aura deux Williams en finale. Ce qu’a dit Martina ne me choque pas, je pense qu’elle a le droit de dire ce qu’elle veut. Je vais lui demander un autographe. Je l’aime beaucoup, si vous la voyez, dites-lui que je l’aime beaucoup. »
Ça a peut-être à voir avec le fait de n’avoir pas reçu une éducation formelle. Mais il faut réfléchir un peu plus, il faut utiliser un peu plus son cerveau dans le monde du tennis.
Serena Williams
Sa fille Serena, elle, ne semble pas partager l’affection de son père pour Hingis. « Elle a toujours été le genre de personne qui…dit des choses, elle dit juste ce qu’elle pense », relève-t-elle. « Ça a peut-être à voir avec le fait de n’avoir pas reçu une éducation formelle. Mais il faut réfléchir un peu plus, il faut utiliser un peu plus son cerveau dans le monde du tennis. »
Les jours passent et les sœurs Williams se qualifient toutes deux pour les demi-finales. Hingis affronte Venus, qu’elle a battue en finale en 1997. Lorsque Serena écarte Lindsay Davenport et rejoint la finale, la pression s’accroît sur les épaules d’Hingis mais, menée 3-2 au dernier set, elle finit par s’imposer (6-1, 4-6, 6-3) et commente : « Ils sont trois contre moi. Pour ce qui est de parler, je ne peux pas les battre, je le sais bien. Donc je dois essayer de les battre sur le court. C’est tout ce que je peux faire, je ne veux pas me battre avec des mots. Comme je l’ai dit avant, je ne peux pas les battre à ce jeu. Parce que les résultats et le classement veulent tout dire. »
A l’entame de sa première finale de Grand Chelem, Williams ne montre aucun signe de nervosité. Bien aidée par son grand service, elle met Hingis sur la défensive et lui assène 19 coups gagnants pour empocher le premier set, 6-3. La Suissesse absorbe mieux la puissance de Serena au deuxième set. Prenant la balle plus tôt, elle parvient à déplacer Williams de droite à gauche et l’empêche ainsi de dicter le jeu aussi violemment qu’au premier set. Serena continue cependant d’attaquer autant que faire se peut, pratiquant un tennis de très haut niveau.
L’Américaine se montre encore la plus forte jusqu’à ce qu’elle mène 5-3 et obtienne deux balles de match sur son service. A ce moment, elle est soudain rattrapée par la pression et ne parvient pas à conclure. Se laissant embarquer dans de longs échanges, elle perd le contrôle de la partie. Bientôt, Hingis revient dans le match et Williams est emmenée au tie-break. Devant un public surexcité, les deux jeunes femmes disputent un jeu décisif splendide, que Serena remporte finalement 7-4, convertissant sa troisième balle de match. La plus jeune des soeurs Williams est la première à s’adjuger un titre du Grand Chelem.
Au bout du compte, malgré les joutes verbales qui ont émaillé la semaine, Williams et Hingis se serrent la main et se donnent l’accolade. Lors de la remise des prix, Serena est prise par l’émotion. « Je ne savais pas quoi faire, rire, pleurer ou simplement crier, alors que je crois que j’ai tout fait en même temps », s’amuse-t-elle.
La postérité du moment : Serena Williams deviendra une légende
Presque trois années passeront avant que Serena ne triomphe à nouveau en Grand Chelem, mais lorsqu’elle le fera, ce sera pour réaliser un exploit connu sous le nom de Serena Slam : elle remportera quatre titres majeurs à la suite, en 2002 et 2003, dominant à chaque fois sa sœur Venus en finale, réalisant la prophétie de leur père. Serena remportera en tout 23 tournois du Grand Chelem.
Hingis atteindra encore la finale de l’Open d’Australie à trois reprises mais, mise en difficulté par la puissance de joueuses comme les sœurs Williams, Lindsay Davenport ou encore Jennifer Capriati, elle ne parviendra plus jamais à remporter un tournoi du Grand Chelem. Martina et Serena s’affronteront sept fois de plus avant la première retraite d’Hingis, en 2003, et leur tête-à-tête penchera légèrement en faveur de l’Américaine, 7-6.