28 avril 1968 : Le jour où Rosewall a battu Rod Laver et remporté le premier tournoi Open
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 28 avril, c’est la date anniversaire de la victoire de Ken Rosewall contre Rod Laver dans la première finale de l’histoire de l’ère Open.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : une ère nouvelle commence
Le 28 avril 1968, à l’issue d’une finale disputée sur deux jours, Ken Rosewall bat son compatriote Australien Rod Laver en quatre sets (3-6 6-2 6-0 6-3), pour gagner le premier tournoi de l’ère Open, à Bournemouth, au Royaume-Uni. Le British Hard Court Championship, qui offre 2 400 £ au vainqueur, est au centre de l’attention en 1968 : après des années de débat autour de leurs statuts respectifs, c’est la première fois que les joueurs amateurs peuvent se mesurer aux professionnels. En remportant le titre ce jour-là contre son grand rival, Ken Rosewall accomplit bien plus que simplement gagner un tournoi de tennis : il pose les fondations d’une nouvelle ère du tennis.
Les personnages : Ken Rosewall et Rod Laver
- Ken Rosewall, le surnommé “Muscle”
Ken Rosewall, né en 1934, était l’un des meilleurs joueurs amateurs des années 1950, vainqueur de quatre tournois du Grand Chelem et trois fois de la Coupe Davis sous le drapeau australien. A la fin 1956, après s’être marié, il signa un contrat avec Jack Kramer pour devenir joueur professionnel, ce qui signifiait à l’époque qu’il n’avait plus le droit de participer ni aux épreuves du Grand Chelem, ni à la Coupe Davis. Rosewall est considéré comme l’un des meilleurs joueurs de son temps, avec notamment 15 titres majeurs chez les professionnels. Il a 33 ans quand l’ère Open s’ouvre.
- Rod Laver, “The Rocket”
Rod “Rocket” Laver, né en 1938, avait un palmarès encore plus fourni chez les amateurs, lui qui avait réussi l’exploit de réaliser le Grand Chelem calendaire en 1962, tout en faisant partie de l’équipe de Coupe Davis australienne qui remporta l’épreuve quatre fois d’affilée entre 1959 et 1962. En 1963, il était recruté lui aussi comme joueur professionnel, et malgré une première saison difficile (19 défaites pour ses 21 premiers matches), il finit par devenir aussi le meilleur chez les pros. En 1967, juste avant l’ère Open, Laver réalisa le « Grand Chelem des pros » en gagnant les quatre tournois les plus importants de la saison.
Les lieux : le West Hants Club de Bournemouth
Le premier tournoi de l’ère Open est organisé au West Hants Club, à Bournemouth (Dorset), du 22 au 27 avril 1968. Depuis 1928, le West Hants accueille le prestigieux British Hard Court Championships, considéré alors comme le deuxième événement tennistique du Royaume-Uni, après Wimbledon. Le tournoi se déroule sur terre battue extérieure, et Rod Laver est familier des lieux puisqu’il avait soulevé la coupe en tant qu’amateur, en 1962. Le tournoi Open de 1968 attirera 20.000 spectateurs pendant la semaine, soit le double de la fréquentation des années passées.
Les faits : malgré la pression, les pros s’imposent comme les meilleurs
Jouer le premier tournoi de l’ère Open représente bien sûr un moment particulier pour les participants. En plus de l’enthousiasme général, les joueurs professionnels subissent une forte pression : on s’attend à ce qu’ils écrasent les joueurs amateurs sans difficulté, et ils sentent qu’ils ont quelque chose à prouver.
Laissons la parole aux joueurs eux-mêmes, interrogés par l’ATP en avril 2018 à l’occasion des cinquante ans de l’ère Open : selon Rosewall, « il y avait cette idée que les pros seraient bien meilleurs que les amateurs et j’ai senti que ça avait créé une situation assez tendue pendant la semaine », tandis que Rod Laver se souvient que « la pression était entièrement sur les épaules des pros, cette semaine-là, à Bournemouth, parce que c’était l’occasion pour les amateurs de nous montrer ce qu’ils valaient ».
Durant la semaine, l’amateur Mark Cox réussit à vaincre le professionnel Pancho Gonzales (âgé de 39 ans et qui n’a pas disputé de match en cinq sets depuis 1959), tandis qu’une poignée d’autres amateurs accrochent eux aussi des pros. Cependant, aucun des amateurs ne peut rivaliser avec un joueur comme Rod Laver, qui surclasse Mark Cox en demi-finale, 6-4, 6-1, 6-0. Laver et Rosewall parviennent d’ailleurs tous les deux en finale sans perdre un set, Rosewall dominant le pro Andres Gimeno dans l’autre demi-finale, 6-2, 6-1, 6-3.
Les 3000 places disponibles au West Hands Club pour assister à la finale sont toutes occupées lorsque le match débute, le dimanche 27 avril. Les joueurs entament la partie par un temps gris et si humide que le terrain en devient glissant, et après qu’ils se sont partagés les deux premières manches (6-3 pour Laver, puis 6-2 pour Rosewall), le match est interrompu alors que Rosewall mène 3-0 au troisième set. Les Australiens reviennent le lendemain, le 28 avril, pour terminer la première finale de l’ère Open sans beaucoup de suspense : Rosewall empoche facilement les deux manches restantes pour s’assurer la victoire 3-6, 6-2, 6-0, 6-3.
La postérité de ce moment : bientôt, des Grands Chelems avec des pros
Quelques semaines après la finale de Bournemouth, Ken Rosewall remportera également à Roland-Garros le premier tournoi du Grand Chelem de l’ère Open, en battant à nouveau Rod Laver en finale en quatre sets (6-3, 2-6, 6-1, 6-2). Laver prendra sa revanche à Roland-Garros à l’occasion de la finale 1969 (6-3, 6-4, 6-3) sur le chemin de son deuxième Grand Chelem calendaire. « Rocket » deviendra ainsi le seul joueur à réaliser deux fois cet exploit, et le seul à l’accomplir durant l’ère Open. Il est considéré comme l’un des plus grands joueurs de tous les temps et le court central de l’Open d’Australie porte son nom depuis 2001.
A la fin de leurs carrières, les deux légendes australiennes se seront affrontées officiellement 164 fois, Rod Laver menant 89 à 75 dans ce tête-à-tête.
Après des années d’hypocrisie et de controverse, les joueurs de tennis professionnels peuvent finalement participer aux tournois majeurs. L’enthousiasme du public pour les tournois Open ne se démentira pas et pendant les premières années de l’ère Open, une concurrence féroce opposera différents investisseurs. Cette rivalité connaîtra son point d’orgue en 1973, avec la coexistence de quatre circuits concurrents : le World Championship Tennis, le Grand Prix Circuit, l’US Indoor Circuit et l’European Spring Circuit. C’est ce qui mènera les joueurs à créer un syndicat pour défendre leurs intérêts : l’ATP (Association of Tennis Professionals). Au fil des ans, les différents circuits fusionneront progressivement jusqu’à l’établissement, en 1990, de l’ATP Tour comme seul et unique circuit professionnel.