9 septembre 1969 : Le jour où Rod Laver a bouclé son deuxième Grand Chelem calendaire
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Aujourd’hui, nous retournons en 1969 pour voir comment Rod Laver a réalisé le deuxième Grand Chelem de sa carrière – le premier et le seul de l’ère Open – en battant son compatriote Tony Roche en finale de l’US Open.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis
Le 9 septembre 1969, Rod Laver, qui avait déjà réalisé le Grand Chelem en tant qu’amateur en 1962, domine Tony Roche en finale de l’US Open (7-9, 6-1, 6-2, 6-2) pour remporter son quatrième titre majeur de la saison. Si, en 1962, de nombreux experts avaient affirmé que l’absence des meilleurs joueurs mondiaux diminuait la portée de son exploit, cette fois, à l’ère de l’Open, rien ne permet de relativiser la performance réussie par l’Australien.
Les acteurs : Rod LAVER ET TONY ROCHE
- Rod Laver, invaincu depuis 23 matchs
Rod “Rocket” Laver, né en 1938 dans l’État du Queensland, en Australie, a commencé sa carrière en accumulant les succès chez les amateurs, réussissant notamment le Grand Chelem calendaire en 1962, tout en faisant partie de l’équipe de Coupe Davis australienne qui remporta l’épreuve quatre fois d’affilée entre 1959 et 1962. En 1963, il est recruté comme joueur professionnel, et malgré une première saison difficile (19 défaites pour ses 21 premiers matches), il finit par devenir aussi le meilleur chez les pros. En 1967, juste avant l’ère Open, Laver réalise le « Grand Chelem des pros » en gagnant les quatre tournois les plus importants de la saison. Lorsque l’ère Open commence, Laver est encore au sommet de sa forme.
Finaliste à Roland-Garros en 1968, lors du premier tournoi du Grand Chelem de l’histoire de l’ère Open, il triomphe à Wimbledon quelques semaines plus tard (en battant Tony Roche en finale, 6-3, 6-4, 6-2). En 1969, il domine le tennis mondial, remportant les trois premiers tournois du Grand Chelem de l’année, en battant Andres Gimeno à l’Open d’Australie (6-3, 6-4, 7-5), Ken Rosewall à Roland-Garros (6-4, 6-3, 6-4) et John Newcombe à Wimbledon (6-4, 5-7, 6-4, 6-4). Il a maintenant l’occasion de réaliser un deuxième Grand Chelem calendaire, s’il triomphe à l’US Open, où il arrive en grand favori, étant resté invaincu lors de ses 23 derniers matches.
- Tony Roche, vainqueur en Grand Chelem
Tony Roche, né en 1945 en Nouvelle-Galles du Sud (Australie), commence à jouer au tennis à l’âge de 9 ans. Il atteint sa première finale de Grand Chelem en 1965, en tant qu’amateur, à Roland-Garros, battu par son compatriote Fred Stolle (3-6, 6-0, 6-2, 6-3). Un an plus tard, au même endroit, il remporte son premier et unique titre majeur en simple, en battant István Gulyás en finale (6-1, 6-4, 7-5), après que son adversaire ait accepté de retarder la finale de 24 heures pour permettre à Roche de se remettre d’une entorse à la cheville. En 1968, Roche rejoint le circuit professionnel connu sous le nom de « Handsome Eight » (« les huit beaux gosses »), aux États-Unis, et la même année, alors que débute l’ère Open, il est finaliste malheureux face à Rod Laver à Wimbledon. En 1969, il pousse le même Laver à jouer un match épique en demi-finale de l’Open d’Australie (il est battu 7-5, 22-20, 9-11, 1-6, 6-3). Il détient également 7 titres du Grand Chelem en double, tous avec son partenaire fétiche John Newcombe.
Le lieu : l’US Open, à Forest Hills
L’US Open, anciennement connu sous le nom d’US National Championships, a été créé en 1881. Bien qu’il soit le seul Grand Chelem à avoir été disputé sans la moindre interruption depuis ses débuts, le tournoi a changé de site à plusieurs reprises au fil des ans. Les premières éditions se déroulent sur les courts en herbe du Casino de Newport, à Rhode Island, puis en 1915, l’épreuve s’installe à New York, au West Side Tennis Club, dans le quartier de Forest Hills (avec une parenthèse de 1921 à 1923, où les joueurs s’affrontent à Philadelphie).
L’histoire : Les picots ont sauvé le Grand Chelem calendaire de Laver
1969 est la première saison complète de l’ère Open, qui avait débuté au printemps 1968. Pour la première fois dans l’histoire du tennis, les joueurs professionnels et amateurs peuvent participer aux mêmes tournois, y compris les tournois du Grand Chelem, auxquels les pros n’avaient auparavant pas accès. Pour Rod Laver, 30 ans, qui avait réussi l’exploit de remporter les quatre tournois majeurs en tant qu’amateur en 1962, c’est une nouvelle motivation.
“C’était un sentiment formidable de pouvoir à nouveau participer à toutes les compétitions, expliquera plus tard Laver, dans des propos rapportés par le site tennishead.com. Peut-être qu’une lumière s’est allumée dans ma tête et m’a dit : ‘Tu joues au tennis pour une raison, alors sois fort et donne le meilleur de toi-même’. Je pense que cela s’est manifesté en 1969″.
C’était un sentiment formidable de pouvoir à nouveau participer à toutes les compétitions.
Rod Laver
“Rocket” décide de s’aligner dans les quatre tournois du Grand Chelem, ce que peu de ses pairs font à l’époque – l’Australie est encore trop éloignée pour de nombreux joueurs professionnels. Laver commence la saison en remportant l’Open d’Australie, qui se déroule cette année-là à Brisbane, et il apprend en même temps que sa femme est enceinte, et que la date prévue de l’accouchement coïncide avec la finale de l’US Open.
Sept mois plus tard, le gaucher australien arrive à New York en tant que futur père, mais aussi en tant que grand favori de l’US Open, n’étant plus qu’à quelques victoires d’un deuxième Grand Chelem. Cependant, Laver a rencontré bien des difficultés pour remporter les trois premiers tournois majeurs de l’année. En Australie, son compatriote Tony Roche l’a fait travailler dur pour sortir vainqueur d’une demi-finale de quatre heures, jouée sous une chaleur torride. À Roland-Garros et à Wimbledon, il remonte par deux fois un handicap de deux sets dans les premiers tours, avant de soulever le trophée quelques jours plus tard. Après son triomphe au All England Club, “Rocket” est sur un nuage et il remporte 23 matches consécutifs avant d’arriver à l’US Open.
Laver, qui a le Grand Chelem à portée de main et semble presque invincible, attire beaucoup d’attention. Mais comme il l’expliquera plus tard, le fait de penser à sa femme enceinte fait baisser la pression. “Penser à Mary a certainement atténué mes inquiétudes quant à la réussite du Grand Chelem calendaire”, expliquera-t-il, 50 ans plus tard, selon atptour.com.
Laver s’installe chez son ami, l’acteur Charlton Heston, dans l’Upper East Side, et entame la dernière étape de son périple. Cette fois, c’est l’Américain Dennis Ralston qui le pousse aux cinq sets, en huitième de finale (6-4, 4-6, 4-6, 6-2, 6-3). En demi-finale, Laver bat Arthur Ashe, le tenant du titre (8-6, 6-3, 14-12), et le dernier homme à se tenir entre lui et le Grand Chelem est Tony Roche, qui lui avait donné tant de fil à retordre à l’Open d’Australie.
Je n’avais pas peur de perdre.
Rod Laver
“Je n’avais pas peur de perdre, racontera Laver, 50 ans plus tard. Mais je savais que ce serait un match très difficile, alors je devais mettre toutes les chances de mon côté”.
Repoussée par la pluie, la finale a lieu le mardi 9 septembre. Le terrain en gazon est encore glissant et Laver, à la fin du premier set, est autorisé par l’arbitre à porter des chaussures à picots, car il s’agit du dernier match, et ce n’est donc pas très grave si le terrain est légèrement endommagé. “J’ai fini par perdre ce set, mais j’avais des picots et je me sentais plus à l’aise”. Ce changement s’avère judicieux pour “Rocket’, qui domine largement les trois sets suivants pour s’imposer 7-9, 6-1, 6-2, 6-2. Le nouveau vainqueur de l’US Open saute par-dessus le filet pour serrer la main de son adversaire, et se met immédiatement en quête d’un téléphone pour prendre des nouvelles de sa femme, qui n’est pas encore en train d’accoucher, et lui annoncer qu’il vient de réaliser le Grand Chelem pour la deuxième fois de sa carrière.
La postérité du moment : Depuis, aucun autre joueur n’a réussi cet exploit
Lors de la conférence de presse d’après-match, Rod Laver dira à la presse qu’il allait probablement prendre du recul avec le tennis, après avoir réalisé cet incroyable deuxième Grand Chelem.
“Je me sentais assez heureux, mais aussi que je n’avais pas été très souvent avec ma femme, dira-t-il, bien plus tard à l’ATP. Je sentais que le moment était venu pour moi d’être avec Mary et mon enfant. “
Sa femme n’accouchera que trois semaines plus tard, ce qui lui permettra d’être à ses côtés pour rencontrer leur fils.
Au cours des années suivantes, Laver se concentrera principalement sur le World Championship Tour, où il restera l’un des meilleurs joueurs jusqu’au milieu des années 70. Il ne participera qu’à huit tournois du Grand Chelem jusqu’à sa retraite définitive, en 1977, et l’US Open 1969 restera son dernier titre majeur.
Aucun autre joueur ne remportera quatre tournois majeurs consécutifs jusqu’à Novak Djokovic, en 2015-2016, et aucun homme ne réalisera à nouveau le Grand Chelem calendaire, ce qui ne fera qu’ajouter à l’aura de la légende de Rod Laver. Le court central de l’Open d’Australie portera son nom à partir de 2001, et en 2017, Roger Federer créera une compétition par équipes qu’il nommera la Laver Cup.