3 mai 1999 : Le jour où Kafelnikov est devenu numéro 1 mondial malgré six défaites de suite
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 3 mai 1999, Ievgueni Kafelnikov est devenu à 25 ans le premier Russe de l’histoire du tennis à devenir numéro 1 mondial.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : Kafelnikov détrône Sampras
Le 3 mai 1999, Ievgueni Kafelnikov devient à 25 ans le premier Russe de l’histoire du tennis à être numéro 1 mondial, renversant l’Américain Pete Sampras. C’est une grosse surprise pour le grand public, qui ne sait pas forcément comment fonctionne le classement ATP, car « Kalashnikov » traverse une des plus mauvaises passes de sa carrière avec sept défaites d’affilée sur le circuit.
Le personnage : Ievgueni Kafelnikov, le “Stakhanoviste des courts”
Ievgueni Kafelnikov est né en 1974 à Sotchi (ex-URSS, aujourd’hui en Russie), au bord de la Mer Noire. Il est passé pro en 1992 et a obtenu ses premiers résultats notables en 1994, en atteignant les demi-finales à Monte-Carlo. On le surnomme « le Stakhanoviste des courts » car il ne s’arrête pour ainsi dire jamais de jouer : trois fois dans sa carrière, il a dépassé les cent matches de simple en une saison, tout en s’alignant souvent en double. Ce surnom colle également bien à son style de jeu, comme il le dira lui-même lors de son discours d’introduction au Hall of Fame en 2019 :
“Je n’étais pas du tout aussi doué que John McEnroe, Roger Federer, ou même Marat Safin, Marcelo Rios ou Nick Kyrgios, je n’ai jamais eu autant de talent. Mais je travaillais vraiment dur.”
En 1996, en battant l’Allemand Michael Stich en finale de Roland-Garros (7-6, 7-5, 7-6), Kafelnikov devenait le premier joueur de son pays à remporter un titre majeur. En remportant aussi le double avec Daniel Vacek, aux dépens de la paire franco-suisse Forget/Hlasek (6-2, 6-3), il réalisait un exploit inédit depuis Ken Rosewall en 1968.
Trois ans plus tard, en janvier 1999, le Russe s’adjugeait un nouveau tournoi du Grand Chelem à l’Open d’Australie, en battant Thomas Enqvist en finale (4-6, 6-0, 6-3, 7-6).
Le lieu : Entre Prague et Rome…
Ce jour-là, Ievgueni Kafelnikov est entre deux tournois : il vient d’être éliminé à Prague et est attendu à Rome la semaine suivante.
L’histoire : Kafelnikov N.1 comme par accident
Lorsque Kafelnikov démarre 1999 à la 11e place mondiale, personne ne s’attend à ce qu’il soit candidat à la place de numéro 1 mondial quelques semaines plus tard. Mais le contexte est un peu spécial : le Russe s’impose en effet à l’Open d’Australie en l’absence des deux premiers mondiaux, Pete Sampras et Marcelo Rios.
Sampras, qui dominait le circuit depuis 1993, est épuisé après avoir lutté toute l’année pour terminer 1998 à la première place, établissant un nouveau record avec six années consécutives terminées en tant que numéro 1 mondial, et ne dispute que quatre tournois avant le mois de mai. Il n’y a pas d’autre leader sur le circuit à ce moment et trois candidats se dégagent pour prendre sa place : Patrick Rafter (vainqueur de l’US Open 1997 et 1998), Carlos Moya (vainqueur de Roland-Garros 1998) et Kafelnikov, auréolé de son titre à Melbourne Park. En mars, Moya devient le premier d’entre eux à atteindre le sommet, pour n’y rester que deux semaines. Curieusement, aucun des trois joueurs n’est en grande forme en ce printemps 1999 et le classement évolue chaque semaine sans réel lien avec leurs derniers résultats, créant une situation extrêmement confuse pour qui ne connaît pas le mode de calcul du classement ATP.
C’est ainsi que “Kafel” devient numéro 1 mondial le 3 mai, alors qu’il vient de se faire éliminer au premier tour à Prague par Richard Fromberg, 72e mondial (6-4, 2-6, 6-4). Mais il n’y pas que cette défaite de Prague. Le Russe est même en train de subir sa pire série de défaites avec six éliminations consécutives au premier tour, série entamée à Indian Wells (vaincu par Gustavo Kuerten). Kafelnikov avait touché le fond à Monte-Carlo, sorti 6-1, 6-2 en seulement 44 minutes par le Croate Ivan Ljubicic, alors 196e mondial ! Pas vraiment les résultats que l’on attend d’un numéro 1 mondial…
Malgré ces étranges circonstances, c’est un énorme accomplissement pour le natif de Sotchi, qui est le premier Russe à s’installer au sommet du classement ATP. Le jour suivant, le 4 mai, il reçoit un télégramme de Boris Eltsine, président de la Fédération de Russie, connu pour être passionné de tennis : “Pour la première fois en 122 ans de tennis, un joueur russe est devenu le meilleur joueur du monde. C’est un grand aboutissement pour notre sport. Pratiquant moi-même le tennis, je sais à quel point il est difficile de parvenir à ce résultat.”
“C’était l’un des principaux objectifs que je voulais atteindre dans ma carrière, ça et remporter des titres du Grand Chelem. Être numéro 1 mondial fut quelque chose de très spécial, le sommet de ma carrière”, dira Kafelnikov interviewé par l’ATP en 2013.
La postérité du moment : un règne sans saveur
Sa série de défaites prendra fin dès le tournoi suivant, à Rome. Mais Ievgueni Kafelnikov n’obtiendra pas pour autant de grands résultats durant les six semaines que durera son règne. Il sera éliminé au deuxième tour de Roland-Garros par Dominik Hrbaty (6-4, 6-1, 6-4), pour sa seule apparition dans un tableau du Grand Chelem en tant que tête de série numéro 1. Ironiquement, Kafelnikov se remettra à performer durant l’été, après avoir perdu sa place au sommet pour toujours, et il atteindra les demi-finales de l’US Open où il sera battu par Andre Agassi (1-6, 6-3, 6-3, 6-3). Il terminera la saison 2e mondial.
Kafelnikov remportera sept titres supplémentaires durant sa carrière, parmi lesquels une médaille d’or olympique en 2000, aux Jeux de Sydney. Il se maintiendra dans le Top 10 jusqu’en 2002, année où il fait partie de l’équipe de Coupe Davis russe qui s’impose en finale aux dépens de la France.
Sa dernière apparition sur le circuit aura lieu en 2003, au tournoi de Saint-Pétersbourg, où il sera éliminé au deuxième tour par son compatriote Mikhail Youzhny (6-2, 6-2). Il prendra alors sa retraite et s’adonnera à d’autres passions, parmi lesquelles le golf et le poker.