17 janvier 1982 : Le jour où Lendl renverse Gerulaitis pour remporter le Masters de New York
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 17 janvier 1982, Ivan Lendl surmonte un handicap de deux manches à zéro et sauve une balle de match avant de dominer Vitas Gerulaitis pour remporter son premier titre majeur (6-7, 2-6, 7-6, 6-2, 6-4).
Ce qu’il s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Premier titre majeur pour Ivan Lendl
Ce jour-là, le 17 janvier 1982, au Masters de New York, Ivan Lendl surmonte un handicap de deux manches à zéro et sauve une balle de match avant de dominer Vitas Gerulaitis pour remporter son premier titre majeur (6-7, 2-6, 7-6, 6-2, 6-4). C’est lors du troisième set de cette finale que Lendl, sur un passing, mettra pratiquement K.O Gerulaitis en l’allumant en pleine tête pour sauver une balle de break.
Les acteurs : Ivan Lendl et Vitas Gerulaitis
- Ivan Lendl, le coup droit lifté puissant
Ivan Lendl est né en 1960. Passé pro en 1978, il se pose depuis 1980 comme l’un des quatre meilleurs joueurs au monde avec Bjorn Borg, John McEnroe et Jimmy Connors. Il a déjà remporté neuf titres ATP, dont sept pour la seule année 1980. En 1981, il atteint sa première finale de Grand Chelem à Roland-Garros, où il bat McEnroe en quarts de finale (6-4, 6-4, 7-5) avant de céder face au grand Bjorn Borg en cinq sets (6-1, 4-6, 6-2, 3-6, 6-1). Il est en passe de redéfinir les standards du jeu de fond de court, avec un coup droit lifté très puissant qui lui permet d’être à la fois agressif et extrêmement régulier, poussant ses adversaires à un rude combat physique. Il redéfinit également les standards en termes de préparation, s’entraînant plus que quiconque auparavant, bien plus soucieux de sa condition physique et de son alimentation que n’avaient l’habitude de l’être les tennismen de l’époque.
- Vitas Gerulaitis, le “Lion lituanien”
Vitas Gerulaitis est né à New York en 1954. Le « Lion Lituanien” se hisse jusqu’à la 3e place en mars 1978, après une grande saison 1977, au cours de laquelle il a remporté son premier et unique titre du Grand Chelem, à l’Open d’Australie, aux dépens de John Lloyd (6-3, 7-6, 5-7, 3-6, 6-2). Quelques mois auparavant, il avait atteint les demi-finales de Wimbledon, où il s’était incliné face à Bjorn Borg à l’issue de l’un des plus beaux matchs de l’histoire du tournoi (6-4, 3-6, 6-3, 3-6, 8-6). Gerulaitis atteint ensuite la finale de l’US Open 1979 (défait par John McEnroe, 7-5, 6-3, 6-3), et il dispute une dernière finale de Grand Chelem à Roland-Garros en 1980 (battu par Borg, 6-4, 6-1, 6-2). L’Américain est célèbre pour sa personnalité en-dehors du court. D’après The Independant, « personne n’a autant contribué à faire du tennis le sport le plus à la mode ». ‘Broadway Vitas’, playboy ultime du tennis, sort avec des actrices et des mannequins, joue dans un groupe de rock, fait la fête jusqu’au petit matin”. Gerulaitis est aussi réputé pour son sens de l’humour : en 1980, alors qu’il vient de mettre un terme à une série de 16 défaites consécutives face à Connors, il commente ainsi : « Personne ne bat Vitas Gerulaitis 17 fois d’affilée. »
Le lieu : New York (États-Unis)
Créé en 1970, le Masters de fin d’année regroupe les huit meilleurs joueurs mondiaux. Le tournoi change initialement de lieu chaque année, et s’installe à New York, au Madison Square Garden, en 1977. Dans cette salle, “la plus célèbre du monde”, le Masters devient bien plus qu’un simple tournoi de tennis, il devient un véritable spectacle. Depuis cette première édition, les billets se vendent tous longtemps à l’avance, avec plus de 18 500 spectateurs se pressant dans les gradins. Le directeur du tournoi, Ray Benton, a déplacé l’épreuve au mois de janvier afin d’éviter d’être en concurrence avec le football américain, et, dans l’attente du Super Bowl, le Masters de tennis est le principal événement de tennis aux États-Unis cette semaine-là.
L’histoire : La remontada d’Ivan Lendl et son passing pleine tête
Lors de cette finale du Masters 1981, qui a lieu en janvier 1982, le public New Yorkais est privé de la finale tant attendue entre John McEnroe. Battu à deux reprises lors de la phase de poules, Connors ne s’est pas qualifié pour les demi-finales, et McEnroe s’est fait éliminer en demi-finale par Ivan Lendl (6-4, 6-2).
En finale, le Tchécoslovaque affronte Vitas Gerulaitis. L’Américain l’avait battu en cinq sets quelques mois plus tôt, à l’US Open, mais lors de leur rencontre en match de poule, Lendl l’a facilement emporté, 6-4, 6-1. Difficile de désigner un favori dans de telles circonstances.
Les spectateurs ont beau être déçus de ne pas pouvoir assister à un classique Connors-McEnroe, ils en auront pour l’argent grâce à Lendl et Gerulaitis, qui disputent l’une des finales les plus dramatiques de l’histoire du Masters.
Gerulaitis remporte les deux premières manches, montant constamment au filet, tirant parti de l’incapacité de Lendl à réussir des passings de revers. Faisant preuve d’un superbe sens de l’anticipation, l’Américain se procure même deux balles de double break à 2-0 au troisième set, mais c’est peut-être au cours de ce jeu que le match va tourner. Après un enchaînement “chip and charge” sur le revers adverse, Gerulaitis joue une première volée qui monte bien trop haut, et Lendl en profite pour viser l’homme de toutes ses forces. Lendl se trouve juste devant sa ligne de fond de court, mais la balle part si vite que son adversaire ne peut l’éviter et est touché en pleine tête. Gerulaitis ne reste pas longtemps au sol, et ne semble pas en vouloir à Lendl, revenant vers sa ligne comme si de rien n’était, même s’il admettra plus tard que cet épisode lui aura laissé « un léger mal de tête ». « Je ne voulais pas me retrouver avec deux breaks de retard », expliquera plus tard Lendl, d’après le New York Times. « Je voulais juste remonter. Tout ce qu’il y a à faire c’est se battre et se battre encore. »
Le plus grand regret de Gerulaitis sera cependant la balle de match manquée au tie-break du troisième set, où il n’ose pas faire retour-volée sur la deuxième balle de Lendl. « « J’aurais dû y aller et le mettre au défi de passer”, déclare-t-il. « S’il me passe, alors il mérite de gagner.”
Presque 30 ans plus tard, son coach, Fred Stolle, n’aura toujours pas digéré ce point : « Lendl servait à 5-6 au tie-break du troisième set, mené deux sets à zéro. Alors qu’il avait raté son premier service, Vitas a fait un pas en avant et joué un retour de revers. On aurait dit qu’il allait faire “chip and charge” et se ruer au filet, pour forcer Lendl à tirer un passing sur balle de match. Mais Vitas a fait deux pas en avant, puis quatre pas en arrière. Lendl a fini par arracher le tie-break 8-6 et gagner en cinq sets. »
De fait, une fois la troisième manche en poche, le Tchécoslovaque domine les débats et finit par s’imposer (6-7, 2-6, 7-6, 6-2, 6-4), remportant ainsi le titre le plus important de sa jeune carrière.
La postérité du moment : Neuf finales consécutives à New York pour Lendl
Le triomphe de Lendl en 1982 sera le premier de cinq titres au Masters, un tournoi où il disputera neuf finales consécutives.
En 2012, Andy Murray révèlera que celui qui était alors son coach avait conservé l’habitude d’allumer ses adversaires lorsqu’ils se trouvaient au filet, et ce, même à l’entraînement. « Tout ce qui l’intéresse c’est d’allumer les gens avec qui il s’entraîne », affirmera Murray à The Independent. « Il essaie de me convaincre de faire de même. J’ai déjà touché quelques joueurs, mais pas de la même façon que lui. Je me trouvais au fond du court et eux, au filet, et j’ai frappé fort sur eux. J’ai toujours fait ça. Mais si une balle remonte au-dessus du filet, son but est simplement de détruire l’adversaire. Je suis sûr que vous avez vu la vidéo où il allume Gerulaitis en pleine tête. C’est ce qu’il aimait faire. Presque tous les joueurs à qui j’ai parlé ont une histoire où il les a allumés à l’entraînement. C’était son truc. »
Disputer la finale du Masters 1981 sera la dernière grande performance réalisée par Gerulaitis. Il mourra prématurément le 17 septembre 1994, victime d’une intoxication au monoxyde de carbone.