Pavlyuchenkova sur le fonds de la WTA : “Difficile de faire l’unanimité”
Toujours confinée à Moscou, Anastasia Pavlyuchenkova nous explique, dans son très bon français, pourquoi le circuit a eu raison de limiter ce soutien financier et aussi pourquoi elle n’est pas certaine que ça rejoue en 2020.
Anastasia Pavlyuchenkova, 30e joueuse mondiale et quart de finaliste à Melbourne cette année, est membre du conseil des joueuses. Elle a eu son mot à dire sur le fond de soutien annoncé pour les joueuses classées jusqu’à la 500e place mondiale (10 400 dollars en deux versements). Anastasia veut voir le circuit engager sa réforme. Mais n’est pas certaine que la saison 2020 reprendra.
Êtes-vous satisfaite du soutien financier qui va être apporté aux joueuses ? Même si celles classées entre la 500e et la 700e place en sont exclues ?
On a beaucoup discuté, beaucoup travaillé et je suis satisfaite, oui. Ce qu’on a réussi à faire est vraiment pas mal, parce que la situation est très compliquée pour tout le monde. On voulait vraiment aider les joueuses les moins bien classées, mais c’est difficile aussi de trouver une solution qui fasse l’unanimité. On a regardé le classement, le nombre de tournois WTA joués, s’il y a eu des blessures, des maternités. On a pris tout ça en considération.
Mais il faut comprendre qu’à partir de la 500e place les joueuses sont dans le négatif tout le temps. C’est peut-être facile à dire pour quelqu’un dans le Top 30, mais les joueuses doivent aussi accepter le fait qu’avec ces classements là, elles ne gagnent rien d’ordinaire. On a quand même essayé de penser à tout le monde. Et on a vraiment insisté auprès des tournois du Grand Chelem qui étaient les seuls à pouvoir débloquer ces sommes. On n’était pas préparé pour ça à l’ATP et à la WTA.
“La fusion est le futur de ce sport”
Cette crise ne montre-t-elle pas un besoin de réforme ? On parle de fusion ATP et WTA…
Il faut changer la structure, oui. Il n’y pas d’autre sport qui joue toute l’année non stop déjà. Ce n’est pas très sain pour nous. Il faut aussi réfléchir au prize money, même si c’est très compliqué à changer. J’étais au courant pour la fusion, parce qu’on parlait déjà, lors de la réunion du conseil des joueuses à Pékin en Octobre dernier, d’organiser ces conseils en commun avec l’ATP, de penser à une fusion.
C’est le futur de ce sport et j’aimerais bien voir ça. Il y a pas mal de joueurs qui n’aiment pas cette idée de l’égalité des gains, mais avec l’intervention publique de Roger et Rafa ça va nous aider. Notre CEO, Steve Simon, croit en cette idée et veut la faire devenir une réalité. J’ai envie de voir les choses changer. Malheureusement, il faut une catastrophe comme ça pour que les choses commencent à bouger.
Comment se déroule votre confinement à Moscou ?
On est encore officiellement bloqué jusqu’à la fin du mois. Je suis quasiment tout le temps restée à la maison, en famille. J’ai tout sur place donc je m’entraîne tous les jours. J’ai essayé de garder un rythme de joueuse professionnelle. J’ai la chance d’avoir mon court juste à côté de la maison. Je m’entraîne avec mon frère et puis mon père, qui a été mon premier entraîneur quand j’étais petite.
Cela aurait été trop compliqué pour moi sans pouvoir jouer au tennis. C’est dommage parce que j’avais bien commencé la saison. Juste après Indian Wells j’étais un peu en panique, je ne voyais pas comment j’allais vivre sans tennis, sans objectifs en tournois, je ne savais pas quoi faire.
Mais là ça va, j’ai vu que la vie sans tennis est possible aussi (rire). Là mentalement je suis tranquille. J’ai accepté. Je ne peux rien changer à la situation. J’essaie aussi d’en profiter pour faire des choses que je n’avais jamais le temps de faire avant. Je m’intéresse beaucoup aux arts, je peints un peu. J’ai acheté un cours de danse en ligne. Je n’aurais pas pu faire ça sinon, parce que le tennis ne te laisse ni le temps ni l’énergie.
La reprise ? “Cela va être très compliqué”
Pensez-vous que le circuit reprendra en 2020 ?
Je ne suis pas sûre. Cela va être très compliqué. Quand on regarde le programme, on tombe sur l’US Open mais à l’US Open en ce moment c’est un hôpital. Je ne suis pas certaine non plus qu’on va avoir suffisamment de temps pour préparer l’US Open. J’aimerais bien recommencer, mais je ne suis pas forcément optimiste.
Et puis si les interdictions de déplacement à l’international ne sont pas levées, le tennis ne pourra pas reprendre de toute manière. Ce serait déjà plus facile pour moi en tant que joueuse si je pouvais quitter la Russie pour rentrer en France à l’académie Mouratoglou : j’y passe beaucoup de temps, j’ai une maison près de Monaco. Je pourrais m’entraîner de manière plus normale. J’irai dès que je pourrai.
À la reprise, il y aura aussi des règles strictes à suivre…
Oui, bien sûr, les choses vont changer. On en discute dans le conseil des joueuses on sait qu’on ne reprendra pas comme avant : on va certainement limiter le nombre des personnes accompagnant les joueurs et les joueuses. Pour les spectateurs, on va peut-être devoir redémarrer sans eux.
Avez-vous appris quelque chose sur vous pendant cette crise ?
La confiance en moi. Au début je paniquais vraiment en me disant que je ne savais rien faire d’autre que jouer au tennis, mais là j’ai vu que je peux me construire une vie hors du tennis, que je ne me retrouve pas à passer mes journée sur TikTok parce que je m’ennuie à mourir. Cela m’a donné confiance en moi : même sans le tennis, je suis bien.