Exclusif – Oliviero Palma, directeur du tournoi WTA de Palerme : “Pas le droit à l’échec”
Palerme nourrit de grands espoirs pour son tournoi féminin. Le directeur du tournoi, Oliviero Palma, s’est exprimé en exclusivité pour Tennis Majors concernant les détails de la reprise du circuit à Palerme.
Palerme nourrit de grands espoirs pour son tournoi féminin. Son directeur, Oliviero Palma, n’a pas du tout l’intention de les voir s’envoler à la manière du Citi Open, le présumé tournoi de reprise du circuit ATP, annulé lundi. Entre les 3 et le 9 août, la ville de Palerme accueillera ainsi le premier tournoi WTA depuis que le Covid-19 a mis le circuit à l’arrêt début mars. Et sur place, Oliviero Palma et son équipe sont prêts à relever le défi, tout comme à honorer le symbole : voir le circuit reprendre en Italie, premier pays d’Europe ravagé par le virus.
“Je suis sincèrement très fier de représenter la ville de Palerme, la Sicile et l’Italie, tout comme du fait de possiblement écrire une page de l’histoire de ce sport qui va faire son grand retour ici”, nous a ainsi confié Oliviero Palma. Le tournoi de Palerme figure dans la catégorie des International et se joue sur terre battue. Il peut se prévaloir d’une longue histoire depuis 1988, même si la ville avait perdu la place dans le calendrier entre 2014 et 2017.
En 2020, Palma sait qu’il se retrouve avec une immense opportunité de voir tous les yeux du monde du tennis se braquer sur son tournoi. Et il ne veut pas laisser filer cette chance, malgré toute la pression qui va avec le fait d’être au milieu des obstacles provoqués par la pandémie.
“La pression est la conséquence de tout le reste. Nous somme confiants, mais je ressens également une grande responsabilité dans le sens où nous n’avons pas le droit à l’échec. C’est le premier tournoi du monde à reprendre et il doit démontrer que le sport peut revenir.”
“La distanciation sera stricte et tout le monde devra porter un masque”, Palma
Palerme a même décidé de laisser du public entrer dans le stade. “Si on instaure un quota, tout le monde devra porter un masque, utiliser du gel pour les mains et observer la distanciation sociale.” Pour le moment, l’objectif est d’accueillir les fans, même s’ils seront moins nombreux que d’habitude. “Le court central accueillera un maximum de 350 spectateurs (y compris les joueuses et leurs équipes), alors que sa capacité réelle est de 1500. La distanciation sera stricte et tout le monde devra porter un masque.”
En ce qui concerne les joueuses, leurs équipes ainsi que celles du tournoi et de la WTA, le maître mot sera : test, test, test.
“Toutes les joueuses, leurs entraîneurs, les équipes du tournoi et de la WTA seront soumis à des tests sérologiques et PCR avant leur arrivée, puis à leur arrivée et ensuite tous les quatre jours. Ils ne recevront leurs accréditations qu’une fois que nous aurons reçu leurs résultats négatifs. S’agissant des juges de lignes et des ramasseurs de balles, nous avons grandement réduit leur nombre, et nous nous assurerons qu’ils n’aient quasiment pas de contact avec les joueuses. Par exemple, chaque joueuse s’occupera de ses serviettes.”
En fait, la responsabilité de Palerme pourrait être engagée sur toute la fin de saison. Palerme, c’est un baptême du feu : si ça marche, alors l’espoir de pouvoir finir la saison avec du tennis pro restera, mais si ça casse, alors les choses pourraient prendre un très mauvais virage.
“La seule façon de savoir si ça peut fonctionner, c’est de tenter, d’expérimenter”, a expliqué Steve Simon, le CEO de la WTA au quotidien émirati National. “Alors nous voilà avec trois tournois pour relancer la saison (Palerme, puis Prague et Kentucky du 10 au 16 août) : nous allons nous y tenir, quelles que soient les décisions qu’ils prendront. Nous évaluerons ensuite le tout et nous déciderons de la marche à suivre pour le reste de l’année. Nous devons appliquer du bon sens. Les gens peuvent aussi questionner le bon sens qui nous amène à jouer en ce moment, mais je pense que nous devons essayer.”
Interdictions de voyages en vigueur
Et afin d’essayer, Palerme et la WTA ont pris des décisions drastiques envers les restrictions de déplacements des joueuses.
“La plupart d’entre elles vivent en Europe. Je pense que les autres trouveront un moyen de venir, mais certaines vont devoir déclarer forfait. Cela fait aussi partie de ce nouveau jeu“, a répondu Palma au sujet de la gestion par le tournoi des restrictions de déplacement des joueuses du tableau.
Comme l’a dit Steve Simon au National, la WTA est prête à fermer les yeux à ce sujet. Pour le moment.
“Nous sommes encore face à de nombreux problèmes, avec notamment les quarantaines (14 jours d’isolement pour les personnes qui débarquent d’une zone géographique donnée, ndlr) qui vont être un obstacle récurrent jusqu’à la fin de la saison. (…) Nous attaquons tout ça avec les yeux grands ouverts et nous n’hésiterons pas à tout arrêter si nous constatons que c’est ingérable, ou que les cas deviennent trop nombreux, ou bien que nous ne pouvons pas faire voyager les athlètes. Nous n’allons pas continuer juste pour nous acharner : il faut que ça fonctionne.”
Le tournoi WTA de Palerme doit réussir à se dérouler aussi normalement que possible, et il doit réussir à faire venir la majeure partie des joueuses du tableau. C’est d’ailleurs le revers de la médaille : le tableau de Palerme ressemble à un déluge de grandes joueuses cette année, pas loin de ce qu’on pourrait trouver dans la catégorie Premier.
“Halep, Konta, Martic , Kontaveit, Mertens, Sakkari, Vekic, Ostapenko, Mladenovic, Kasatkina: si vous regardez la liste des inscrites, il n’y a que des grands noms. Honnêtement, je m’attendais à ce qu’on ait un meilleur tournoi que les années précédentes : toutes les joueuses veulent reprendre la compétition, retrouver un peu de normalité, et c’est leur chance d’y parvenir.”
“Trop tôt pour reprendre les tournois”, Jabeur
Tout le monde n’est en revanche pas ravi de cette nouvelle mode qui va revenir à laisser tomber les joueuses qui ne seront pas capables de voyager jusqu’aux tournois. Ons Jabeur a expliqué au National qu’elle trouvait la situation très injuste.
“Franchement, je trouve que c’est trop tôt pour reprendre les tournois. En fait les tournois de Palerme et Prague sont pour les joueuses déjà en Europe, capables de voyager, mais celles qui ne sont pas en Europe sont coincées, à cause des quarantaines et des autres restrictions mises en place par chaque gouvernement. Ce qu’ils disent en fait c’est que si on ne peut pas voyager, tant pis pour nous, ils doivent organiser le tournoi, ils doivent relancer le circuit. Cela ne me donne pas l’impression d’être en sécurité, et je ne vois pas comment ils vont réussir à faire ça. Par exemple, je suis censée jouer à Lexington, Cincinnati (à New York) puis l’US Open, mais je n’ai toujours pas la moindre idée de comment je vais réussir à m’y rendre. Je n’ai pas non plus la moindre idée des interdictions mises en place par le gouvernement là-bas, puisque ça change tous les deux jours. Si je m’aligne dans ces tournois et que je ne peux pas m’y rendre, je ne pense pas que la WTA puisse faire quoi que ce soit pour moi.”
Placé dans une situation de plus en plus désespérée, le circuit a pour le moment décidé d’appliquer des mesures extrêmes. C’est le chemin choisi afin de sauver ce qui peut encore l’être de cette saison 2020.
“Nous devons essayer de donner à nos joueuses et à nos tournois des chances de se procurer des revenus”, a expliqué Steve Simon. “On ne veut pas perdre nos diffuseurs, alors il faut essayer de travailler dans ce nouvel environnement de la manière la plus sûre possible. Nous vivons dans du provisoire, semaine après semaine, mais nous sommes arrivés au moment où il faut essayer de faire tout ce que nous pouvons. Il faut aussi se servir de cette période comme d’un test.”
Le tournoi aura lieu, même à perte
Les défis à relever sont partout, et un tournoi comme celui de Palerme prend aussi un gros risque financier à assumer cette reprise dans ce contexte. Même avec une réduction de 27,500$ du prize money (250 000$), le Palermo Ladies Open perdra de l’argent en organisant cette édition en août. Les ventes de billets représentent 15% des revenus, or ils n’atteindront pas ce chiffre cette fois puisque seulement un petit nombre de personnes sera accueilli. La publicité compte pour 51% des revenus, les droits télévisés pour 24% : or ces domaines pourraient souffrir compte-tenu de la crise économique. La meilleure chance de Palerme, c’est son tableau : si tout se passe bien, si toutes les joueuses peuvent venir, alors il y a une chance d’assister à un tournoi de très haut niveau qui attirera l’intérêt, la couverture médiatique et peut-être suffisamment d’argent pour limiter la casse.
Mais en attendant, Oliviero Palma ne voit que le bon côté des choses : le tennis est de retour et ça va se passer chez lui. “Nous ne pouvions pas laisser passer une telle opportunité.” Quitte à tout revoir à la baisse.
“Tout sera différent. Le monde est différent et les protocoles sont très stricts. Par conséquent, à l’exception des matchs, la seule activité que nous organiserons sera la cérémonie officielle du retour du tennis le lundi 3 août à 19 heures. Nous ne devons pas oublier que notre ennemi, ce virus, est encore là. Nous devrons rester sur nos gardes.”
Après le fiasco de l’Adria Tour, un seul grand cluster peut suffire à mettre un terme définitif à cette saison. Avec des millions de pertes pour le circuit et les joueurs. A partir du 3 août, les projecteurs seront rivés sur le tournoi d’Oliviero Palma: pour le bien du tennis, il va falloir réussir.