Caroline Garcia à la Nadal Academy : “L’âme de Rafa un peu partout”
Caroline Garcia a vécu un confinement spécial, puisque coincée à Manacor en Espagne chez les Nadal. La Française a basé son centre d’entraînement à la Rafa Nadal Academy et nous raconte comment elle vit la situation et la reprise.
Caroline Garcia a passé son confinement à Manacor, dans un appartement du centre-ville. La Française était sur place car elle s’entraînait à la Rafa Nadal Academy. Elle s’est alors retrouvé coincée quand cette dernière a fermé et les déplacements ont été interdits. Elle raconte à Tennis Majors comment elle a réussi à s’organiser pour continuer à s’entraîner physiquement, et comment se déroule désormais sa reprise, alors que l’académie commence à rouvrir prudemment quelques portes.
Comment se déroule votre déconfinement ? Pouvez-vous de nouveau vous entraîner normalement ?
Depuis maintenant deux semaines et demie, l’Académie a rouvert en partie : on peut s’entraîner sur les terrains en terre battue qui sont un peu sur les hauteurs. Et je peux accéder à la salle de gym pour m’entraîner.
L’occasion d’y croiser Rafael Nadal ?
(Elle rit) Je le vois, oui. On était en même temps à la gym la semaine dernière. Mais là il a décidé de jouer sur dur, alors que moi je joue sur terre battue. Il a plus de mal à s’adapter sur dur, donc il préfère y aller avant apparemment.
On vous a beaucoup vue, grâce aux réseaux sociaux, vous entraîner physiquement pendant toute la période de confinement. Pourtant niveau motivation, ça ne devait pas être simple…
Oui, il fallait de la motivation, c’est sûr ! (Rire) Déjà, il n’y avait pas grand-chose à faire, puisqu’on ne pouvait pas sortir. Et après, on a pris le parti d’utiliser cette période pour travailler physiquement, aussi sur les points où j’avais un peu perdu ces derniers temps. On a continué le travail qu’on avait effectué depuis le début de l’année : on n’était pas où on voulait être, donc autant utiliser ce temps-là pour travailler du mieux possible. On a bien géré. Finalement, à part les deux premières semaines, les deux mois sont passés assez rapidement. L’académie m’a fourni le matériel, j’ai pu faire pas mal de choses.
Dans le malheur du confinement, vous avez eu quand même la chance d’être coincée à Manacor, chez les Nadal !
La veille du confinement, on avait pris un vol pour rentrer à Alicante car l’académie fermait. On était dans le taxi pour l’aéroport, quand l’académie nous a dit que ça rouvrirait peut-être plus vite que prévu et qu’ils pouvaient nous prêter un appartement. On s’est dit qu’on allait rester, parce qu’à Alicante, je n’aurais pas pu m’entraîner. Alors on a fait demi-tour. Bon, ça n’a pas du tout rouvert avant, mais j’avais des conditions pour m’entraîner qui étaient mieux que ce que j’aurais pu avoir. L’appartement est grand. Et puis ici c’est une île, donc il y a eu assez peu de cas de Covid-19, c’était assez calme.
Garcia : “J’aime bien la mentalité espagnole et je pense que ça peut me servir”
Vous avez bien trouvé vos marques à Manacor : est-ce une sorte de nouveau départ qui est arrivé au bon moment ?
Oui, en février, on y avait déjà fait une belle période d’entraînement. J’ai l’habitude de m’entraîner toute seule, et même quand je m’entraînais à la Ligue (du Lyonnais), il n’y avait personne de mon niveau. C’est un peu moins vrai maintenant. Parfois pour la motivation, ce n’était pas facile. Ici au contraire, il y a un peu tous les niveaux, il y a beaucoup de jeunes, tout le monde s’entraîne dur. Il y a aussi l’âme de Rafa Nadal un peu partout. Son oncle Toni est souvent sur les courts et peut te donner quelques conseils. Et puis ils ont tout sur place, c’est pratique.
Le “Rafa spirit” est très présent ?
Oui. Quand Rafa est là, il s’entraîne très souvent ici, tout le monde peut le voir. C’est la culture espagnole, avec beaucoup de travail, de frappes et de mouvements dans les entraînements. C’est intéressant et ça change mes habitudes. J’aime bien la mentalité espagnole et je pense que ça peut me servir.
Cette habitude de vous entraîner très souvent seule a finalement dû vous aider pendant ce confinement, non ?
Oui, c’est vrai que je me suis beaucoup entraînée seule, notamment pendant la période foncière, et j’ai l’habitude de communiquer de manière virtuelle avec le reste de l’équipe. On a fait un bon travail, on a réussi à bien gérer ça, même si ce n’était pas facile. Le vélo, normalement je n’en fais jamais. Mais là je n’ai fait que ça ! Il y avait beaucoup de nouveaux exercices. On a tâtonné un peu, mais on a fait du bon travail quand même. Certains jours, je n’avais pas trop envie. Mais je me disais que ça m’aidait à me maintenir en forme.
Et là j’ai pu reprendre le tennis, ce qui peut être un peu compliqué au niveau des perspectives, puisque la reprise est dans tellement longtemps. Mais ce n’est pas mal quand même de reprendre les habitudes et les chocs que ça fait au corps. Ce n’est pas aussi facile que ce qu’on aurait pu penser. Je tape environ une heure ou une heure et quart.
Avez-vous découvert de nouvelles occupations pendant cette période ?
J’ai toujours bien aimé cuisiner, faire de la pâtisserie. J’ai souvent fait ça avec ma maman, c’était sympa de partager ça aussi. Je me suis un peu mise aux puzzles, ça m’a sorti des écrans. Ce n’est pas si facile que ça, ça fait travailler la patience et la concentration.
“Il y a tout de même bon espoir de pouvoir reprendre”
La patience, ce n’est pas toujours votre fort, mais là il n’y a pas d’autre choix…
Il y a eu beaucoup de frustration et de tension au début. Mais au fur et à mesure, on réussit à vivre au jour le jour, à rentrer dans un rythme. Je me concentre sur le moment présent et sur ce que je peux contrôler. Il faut savoir s’adapter. En plus ici, c’est assez calme, même si le confinement était très strict et on pouvait très peu sortir. Il n’y avait personne dans les rues l’après-midi. Au début c’était anxiogène. Mais quand on a vu l’évolution de la situation, on était content d’être ici.
Gardez-vous le contact avec le circuit ?
Oui, la WTA a vraiment instauré un bon contact avec nous, on est très informés. Chaque semaine, on a une réunion de 30 minutes oui une heure, où on nous donne les informations disponibles, où ils nous expliquent sur quoi ils travaillent. C’est bien, ça aide à mettre les choses en perspective. Mais c’est sûr que si on reprend cette année, les règles seront très différentes et ce sera un peu perturbant.
L’optimisme semble renaître en ce moment : croyez-vous à une reprise en 2020 ?
Pour août ou septembre, il y a tout de même bon espoir de pouvoir reprendre même avec des règles strictes et peut-être sans public. Les frontières ont l’air de commencer à s’ouvrir, on a l’impression qu’on va passer un cap. Si on continue à bien respecter les règles, il y a l’espoir de ne pas avoir de deuxième vague et de pouvoir reprendre le tennis, même dans des conditions bien différentes de d’habitude. Je n’ai jamais vraiment cru à une saison totalement blanche. Mais encore moins maintenant.
“Le huis-clos ? Pour la motivation, ça serait très difficile”
Un US Open ou un Roland-Garros à huis-clos, ça vous dirait quand même ?
Ce serait mieux que rien, c’est ce que j’essaie de me dire : si on peut jouer un ou deux tournois du Grand Chelem en cette fin de saison, je serais déjà très heureuse. Mais sans public, ce ne sera pas pareil. Avoir seulement les coaches, l’arbitre et les juges de lignes, ça va être particulier. Pour la motivation, ça serait très difficile.
Le paysage du tennis pourrait drastiquement changer si jamais la fusion se fait entre l’ATP et la WTA : y êtes-vous favorable ?
C’est quelque chose qui est ressorti de temps en temps, peut-être pas publiquement. Ce serait bien, pour le tennis, pour les fans, ce serait plus simple pour tout le monde. Mais évidemment, c’est compliqué. Ce sont deux entités qui sont assez fortes maintenant, qui se sont beaucoup développées. Dans d’autres sports, c’est quand même assez rare d’avoir exactement la même identité pour les hommes et les femmes. Si ça se fait, ce serait vraiment une très, très bonne chose. Mais on le saura quand tout sera finalisé et je ne pense pas que ce soit pour tout de suite.
Comment envisagez-vous les prochaines semaines maintenant que vous pouvez retrouver un entraînement plus ou moins normal ?
On essaie de faire des plans avec l’équipe, en fonction d’une reprise à l’US Open ou à Roland-Garros. Le programme, pour l’instant, c’est de continuer un petit peu sur ce rythme pendant deux ou trois semaines. Puis sûrement de faire une petite pause de dix jours ou deux semaines, avec des séances de rappel, parce que ça va faire quatre mois qu’on s’entraîne tous les jours sans sortir autant que d’habitude. C’est plus mentalement qu’il y aurait un burn-out si on continuait comme ça.
On va peut-être profiter du fait que les choses ouvrent pour aller reposer le corps et l’esprit, faire un tour à la plage quand même. Et après reprendre sur un bloc de quatre semaines de type pré-saison.
Et si cette pause forcée loin de la compétition vous était bénéfique ?
C’est comme ça que j’ai envie de le voir et je pense que ce sera le cas. Quand tous les tournois ont commencé à être annulés, c’était dur parce que j’avais envie de jouer. J’avais l’impression de m’être beaucoup entraînée depuis le début de l’année, d’avoir eu peu de matches. J’étais un peu frustrée. Mais là je me dis que ça m’a certainement rafraîchi les idées. Il y a un peu moins de stress aussi, donc ça m’a permis de vivre des moments simples avec mes parents. Cela a resserré encore les liens.
Louis-Paul Garcia, père et coach de Caroline : “On a en ligne de mire Roland-Garros”
“On connaît par coeur les toits de Manacor, parce qu’on occupe un appartement qui les domine. On sortait tous les soirs à 20h pour applaudir, comme toute la rue. A notre droite, il y avait la grand-mère et la tante de Rafael Nadal. Ils nous ont hébergés en fait, ont été vraiment très sympas.
C’est vraiment convivial. Il y a tous ces jeunes qui s’entraînent aussi, c’est une dynamique intéressante. Il y a une atmosphère familiale qui règne, il n’y a pas les Nadal et les autres. Caroline se sent bien dans cette atmosphère dédiée au tennis. Il y a eu une reprise avec des petits bobos (pied, épaule), mais il y a tout sur place, donc aucun problème.
Ce n’est pas facile de reprendre, mais c’était important de retoucher la raquette. Sachant que ça allait être aussi difficile physiquement, même si elle avait beaucoup travaillé, ce n’est quand même pas la même chose. Ça va de mieux en mieux et ce mercredi matin, elle a pu taper avec Jaume Munar (joueur espagnol de 23 ans, 105e à l’ATP). C’est parfait. C’est l’opportunité de retravailler certains aspects, et on a un peu plus de temps pour installer de nouvelles habitudes. On a en ligne de mire Roland-Garros. Mais s’il faut jouer aux Etats-Unis, on ira.”