Le destin de Naomi Osaka était écrit sur son masque
A peine était-elle apparue sur le court lors de son premier match, avec ce masque aux couleurs de #BlackLivesMatter, que le destin de Naomi Osaka lors de cet US Open 2020 semblait écrit. Une grande sportive de notre époque est née.
Les joueurs de tennis aiment souvent dire que les choses n’arrivent jamais sans raison. Peut-être y voient-ils une façon d’expliquer les hauts et les bas qu’ils peuvent vivre sur le court. Pour Naomi Osaka, à l’US Open 2020, le destin semble avoir été cette raison, cette force qui l’a portée à la victoire finale.
La Japonaise de 22 ans a remporté, ce samedi, son deuxième titre à Flushing Meadows en trois ans, et son troisième titre du Grand Chelem au total, en remontant un déficit d’un set et 2-0 dans le deuxième pour finalement renverser Victoria Azarenka, dans une finale palpitante, et l’emporter 1-6, 6-3, 6-3.
L’évolution d’Osaka, hier jeune joueuse timide, aujourd’hui véritable leader du tennis voire du sport mondial, a été assez remarquable. Surtout, depuis son geste hautement symbolique au Premier 5 de Cincinnati, où elle a déclaré qu’elle était prête à ne pas disputer sa demi-finale en solidarité avec le mouvement Black Lives Matter et la lutte contre l’injustice raciale, son statut s’est élevé encore plus haut.
7 masques pour 7 noms
Lorsqu’elle est entrée sur le court pour son premier match à l’US Open, Osaka portait un masque au nom de Breonna Taylor, une jeune femme tuée par balle par la police en mai. Après le match, l’ancienne numéro 1 mondiale a déclaré qu’elle disposait de sept masques avec sept noms et qu’elle espérait bien pouvoir tous les utiliser.
A partir de là, le parcours d’Osaka était écrit d’avance. Après un départ lent au premier tour, elle n’a perdu qu’un seul set en route vers sa demi-finale et, après avoir survécu à Jennifer Brady en trois sets, elle a trouvé le moyen de renverser la vapeur en finale quand Azarenka donnait l’impression de se détacher irrémédiablement.
Comme l’a souligné Patrick Mouratoglou, l’entraîneur de Serena Williams, dans le dernier épisode de notre « Oeil du Coach », le fait qu’Osaka ait trouvé sa voix et soit devenue un modèle s’est traduit sur le court de façon presque intantanée.
Et ce, même si elle savait pertinemment qu’en portant ces masques et en faisant connaître ses positions, elle ferait l’objet de ces multiples sollicitations médiatiques qui sont la partie de son activité qu’elle aime le moins, pour le dire “gentiment”.
Après être devenue numéro 1 mondiale en remportant deux titres du Grand Chelem à l’US Open 2018 et l’Open d’Australie 2019, sa première place à la WTA semblait trop pour elle il y a dix-huit mois. La Nippone s’est même ouvertement confiée sur ses difficultés à vivre avec ce statut et il était évident qu’elle ne s’amusait pas sur le court. Elle en est redescendue à la dixième place mondiale après la perte de son titre à l’US Open il y a un an.
Mûrir à l’abri du regard du public
Mais au fur et à mesure – et peut-être grâce au temps supplémentaire qu’elle a passé à l’écart du public pendant les cinq mois de pause en raison de la pandémie de Covid-19 – Osaka est réapparue, a tenu bon et est redevenue une championne, sur le court comme en dehors.
Son entraîneur, Wim Fissette, avait déclaré la veille de la finale qu’Osaka était une joueuse largement intuitive, qu’elle savait trouver un moyen de gagner même si le plan A ne fonctionnait pas. Contre Azarenka, après avoir été complètement dépassée par la double championne en Grand Chelem dans le premier set et demi, elle est restée forte mentalement, a attendu sa chance et quand elle est arrivée, la Japonaise l’a saisie au cou. Puis quand le match s’est à nouveau tendu dans le troisième set, elle a une nouvelle fois tenu bon.
À 22 ans, Osaka compte désormais trois tournois du Grand Chelem à son actif et, au vu de ce qu’elle a montré sur cette dernière quinzaine, elle devrait en remporter bien d’autres. La Japonaise va devenir une joueuse extrêmement populaire et, en ces temps si inhabituels, c’est peut-être l’une des personnes les plus dignes d’intérêt du tennis et du sport. Le doute est levé : Osaka est une brillante compétitrice.
Traduit par Maxime Ducher et Cédric Rouquette