“Le problème pour le physique, ce sera la chaleur plus que la quarantaine”
72 joueurs et joueuses vont passer deux des trois semaines précédant l’Open d’Australie en quarantaine, dans des chambres climatisées, sans aucune autorisation de sortie. Pour Fabien Cosmao, préparateur physique de Bianca Andreescu, cette situation pourrait provoquer quelques dégâts au moment d’affronter les fortes chaleurs australienne en compétition.
Parmi tous les désagréments de la quarantaine imposée aux joueuses et joueurs de l’Open d’Australie ayant pris place dans un vol contaminé au COVID-19, il est celui qui effraie le plus : la perte des effets bénéfiques de la préparation physique. “Des semaines et des semaines de travail difficile vont être gâchées pour un cas positif dans un avion vide aux trois quarts”, a notamment tweeté Alizé Cornet avant de supprimer son message. Mais la Française n’a pas été la seule à afficher cette légitime préoccupation.
Le problème est plus compliqué que ça et, bonne nouvelle pour les joueurs, ils conserveront l’essentiel des bénéfices de leur travail. C’est ce que nous indique Fabien Cosmao, préparateur physique à la Mouratoglou Academy, et qui a notamment supervisé la préparation de Bianca Andreescu pendant sept semaines à Dubaï.
Andreescu se trouve actuellement en quarantaine stricte, comme 71 autres joueurs et joueuses, depuis le week-end du 16 janvier. Pendant deux semaines, alors que l’Open d’Australie débute le 8 février, elle doit rester confinée à sa chambre d’hôtel. Sans la moindre sortie autorisée.
“Je ne pense pas que ça gâchera la préparation dans sa totalité, analyse Fabien Cosmao. En deux semaines, tu n’as pas le temps de perdre toutes les qualités travaillées avant. Quand Bianca a appris la nouvelle, elle était très déçue, évidemment. Mais elle a vite réagi. Les joueurs de tennis ont une grande capacité d’adaptation. Chaque semaine, ils s’adaptent.”
“Il fait encore plus chaud en février”
Malgré l’enfermement, Bianca Andreescu et ses “camarades” d’isolement vont pouvoir se maintenir physiquement dans des proportions que Fabien Cosmao estime rassurantes.
“Pendant la quarantaine, tu vas continuer à pouvoir travailler un peu le physique. Tu vas garder tes qualités. Ils ont aussi donné des équipements aux joueurs. Ils ont droit à un vélo dans leur chambre, des haltères etc., en plus du matériel perso qu’ils avaient déjà. Le corps reste en activité. Les joueurs font beaucoup de séances de fitness par Zoom avec leurs entraîneurs. Je donne des programmes de séance à Bianca, je discute avec elle. Les joueurs, en moyenne, font 1h30 de physique par jour dans leurs chambres, plus des déplacements avec shadow tennis (faire les gestes – coup droit, revers – à ‘blanc’), pour garder les courses du tennis, la vitesse du haut du corps et l’intensité sur le bas.”
Les conditions climatiques sont, aux yeux de Cosmao, le vrai enjeu de l’Open d’Australie à venir. Après deux semaines dans une chambre d’hôtel où la climatisation impose sa loi au thermomètre, il va falloir affronter l’air australien. Le vrai. Avec des températures dépassant régulièrement les 40°C.
“Le gros point négatif, pour moi, ce sont les conditions météo, nous détaille Fabien Cosmao. Les joueurs en quarantaine ne vont pas pouvoir bénéficier de cette période de deux semaines d’adaptation à la chaleur. Ceux qui peuvent sortir actuellement pour s’entraîner ont un gros avantage par rapport à ça. Je sais que Bianca, par exemple, a besoin de temps pour s’acclimater. Une semaine (celle avant l’Open d’Australie, après la fin de la quarantaine) pour s’adapter, c’est un peu court. Peut-être que certains joueurs vont le payer en plein après-midi, pendant les premiers tours. Surtout que le tournoi a été décalé de trois semaines. Il fait encore plus chaud en février. Ça risque d’être encore plus difficile pour les hommes, qui jouent en trois sets gagnants.”
“Le plus gros problème reste le tennis”
En temps “normal”, déjà, il n’est pas rare d’y voir certains souffrir de malaises où être placés sous perfusion après de longs combats en plein cagnard. Cette année, le phénomène pourrait s’amplifier.
“Il peut y avoir des déshydratations, de grandes fatigues, plus de crampes… Pas mal de paramètres peuvent dériver”, s’inquiète Fabien Cosmao.
The brutal 42°C heat really took it’s toll on Alize Cornet during her defeat to Elise Mertens pic.twitter.com/Vxy9dH0Bbw
— Eurosport UK (@Eurosport_UK) January 19, 2018
Les pépins musculaires sont l’autre risque lié à la situation. Loin du court d’entraînement, et ce malgré le “shadow tennis”, difficile de pratiquer les déplacements et gestes spécifiques de ce sport à haute intensité. Une fois sollicitées en compétition, certaines fibres pourraient lâcher.
“Pendant deux semaines, certains muscles – au niveau des rotateurs des épaules, des ischios, tout ce qui sert au travail d’appui – ne vont pas fonctionner avec la même intensité que d’habitude. Les muscles peuvent un peu oublier ces mouvements spécifiques.”
“Bianca (Andreescu) revient de blessure, elle a passé quatorze, quinze mois sans jouer (elle n’a plus disputé de compétition officielle depuis le Masters, fin octobre 2019). Depuis déjà une dizaine de semaines, pendant la préparation hivernale, nous avons fait un gros travail préventif pour éviter qu’elle se blesse à nouveau. Le gros challenge pour elle cette année, c’est de pouvoir enchaîner les matchs sans problèmes physiques. Parce que, quand elle enchaîne, on sait qu’elle joue très bien.”
L’inconvénient majeur de la quarantaine est finalement, le contact avec la balle, assure Fabien Cosmao.
“Le plus gros problème reste le tennis. Normalement, à ce moment de la préparation, tu passes trois à quatre heures sur terrain. Là, tu es à zéro… Certains joueurs, après quelques jours sans taper, perdent complètement leurs sensations, d’autres n’ont aucun problème. On verra pendant l’Open d’Australie. Peut-être qu’il y aura des surprises.”
Car, même quand la mécanique est parfaitement huilée et la machine fin prête, il faut un bon pilote pour faire la différence sur la piste.