Le débat du GOAT : Encore relancé, toujours pas réglé
Avec son 18e titre du Grand Chelem, Novak Djokovic a relancé une énième fois le débat du GOAT du tennis. Sans pour autant qu’il soit possible d’y apporter une réponse qui fait l’unanimité pour différentes raisons, dont certaines pourraient bien ne jamais permettre de se faire un avis définitif sur la question.
Le nouveau sacre de Novak Djokovic en Australie a relancé, une fois de plus, le débat du GOAT dans le microcosme du tennis. Ce n’est en rien une surprise. Le Big Three a remporté 58 des 70 titres du Grand Chelem mis en jeu depuis le premier Majeur remporté par Roger Federer, à Wimbledon en 2003. Pour les plus matheux d’entre vous, vous en avez déduit que ça fait 82,8571%. Un ratio impressionnant pour les trois prétendants au titre honorifique de GOAT.
Ce dimanche, Djokovic a dégagé un sentiment de maîtrise et de domination pour surclasser Daniil Medvedev en moins de deux heures, et entrer encore davantage dans l’histoire en Grand Chelem, avec un 18e titre majeur. Dès lors, c’est lui le GOAT, non ?
Pas si vite. La situation est loin d’être figée, encore moins que les trois joueurs en course sont toujours en activité.
Novak à la poursuite… de Margaret Court ?
Le monde du tennis observe depuis 2017 la quête de Serena Williams pour égaler le record de Margaret Court, victorieuse de 24 titres du Grand Chelem. Peut-être que d’ici quelques années ce sera au tour de Djokovic de poursuivre le même rêve.
Le Serbe semble en avoir encore dans les jambes pour rattraper tous ceux qui sont devant lui sur la liste des plus titrés en Grand Chelem, hommes ou femmes.
Federer sur le déclin, pas Djokovic
Mais Djokovic doit d’abord rejoindre Nadal et Federer, qui sont à 20 trophées en Grand Chelem. Le premier GOAT chez les hommes, c’était Federer. Le Suisse domine le classement des titres en Grand Chelem depuis qu’il a dépassé Pete Sampras à Wimbledon en 2009. Mais Federer partage désormais cet honneur avec Federer, qui a égalé son rival et ami en décrochant son 20e titre du Grand Chelem à Roland-Garros, en octobre dernier.
Combien de temps Federer peut-il encore retarder l’inévitable ? A 39 ans, il souffre de son âge et de la pugnacité de ses principaux concurrents. Et depuis dimanche, il est clair que le fringant Djokovic se met en situation de pouvoir rattraper, voir dépasser, à la fois Federer et Nadal.
“Vous savez, on ne sait pas où ça va s’arrêter avec ces gars, a soufflé Goran Ivanisevic, le coach de Djokovic, dimanche à Melbourne. Ils sont exceptionnels. Ils continuer de s’améliorer.”
Djokovic, qui fêtera ses 34 ans en mai, est le plus jeune des GOAT en puissance, avec le plus de temps devant lui. Ivanisevic pronostique qu’il engrangera encore au moins trois titres du Grand Chelem, et plus si affinités.
“C’est juste incroyable. C’est une vraie course. Qui sait… J’ai dit il y a deux ans que Rafa et Novak allaient dépasser Roger, tous les deux. Je le pense toujours.”
Des priorités qui changent : Djokovic veut maintenant se concentrer sur les Majeurs
Djokovic a manqué de vraies opportunités de se rapprocher de Nadal et Federer en 2020, avec l’annulation de Wimbledon puis sa disqualification à l’US Open. Mais maintenant qu’il s’est encore imposé à l’Open d’Australie, la perception de ce qu’il peut accomplir est de nouveau bouleversé.
Il est difficile d’imaginer un monde où Djokovic ne remporter au moins un Grand Chelem supplémentaire en 2020, peut-être même deux. Le Serbe a validé l’un de ses deux principaux objectifs en s’assurent de battre le record historique de semaines passées à la première place mondiale (il dépassera Federer le 8 mars prochain). Il peut désormais se focaliser sur son but d’être le joueur le plus souvent sacré en Grand Chelem.
“Ça va être un soulagement pour moi, parce que je vais pouvoir mettre toute mon énergie et ma concentration sur les Grands Chelems, a indiqué Djokovic en conférence de presse dimanche. Pour viser la première place du classement, il faut jouer toute la saison et tu dois être performant dans tous les tournois.”
Djokovic est homme à se fixer des objectifs élevés. Et il ne s’en cache pas.
“Est-ce que je pense à gagner plus de Grands Chelems et à battre des records ? Evidemment. Et à partir de maintenant, mon esprit et mon énergie, jusqu’à ce que je prenne ma retraite, seront focalisés sur ces tournois, pour en remporter le plus possible.”
Attention à la culture de l’instant
Nadal et Djokovic ayant remporté les deux derniers tournois du Grand Chelem avec tant de maîtrise, il est naturel de penser que les deux hommes peuvent continuer à dominer pendant des années, à Roland-Garros et à l’Open d’Australie, respectivement. Déjà des observateurs considèrent que deux titres supplémentaires à Paris sont acquis à Nadal et les mêmes estiment qu’arriver à 22 Majeurs ne suffira pour éviter de se faire de dépasser par Djokovic.
Mais les tournois du Grand Chelem ne se gagnent pas des années en avance, selon ce les pronostics des observateurs. Oui, Nadal et Djokovic ont laissé à penser qu’ils avaient de la marge. Mais leurs victoires ont un coût physique et émotionnel. Djokovic a failli abandonner sur blessure à Melbourne, et il n’y a aucune garantie sur le fait qu’une telle blessure ait un effet encore plus dévastateur dans un an ou deux.
Est-il fou de penser que Djokovic puisse remporter encore cinq titres du Grand Chelem ? Non, c’est même très crédible. Mais il faut considérer l’énormité de la tâche et le rôle que jouera le temps dans cette équation. Le Serbe mène une course contre-la-montre face à l’horloge biologique tout en essayant de repousser les assauts de ses concurrents.
Il sait qu’il est l’homme à battre, mais Djokovic est confiant sur sa capacité à s’en défaire encore au moins quelques années.
“Dominic a disputé plusieurs finales de Grand Chelem avant d’en gagner un. Combien de temps ça va prendre à Zverev, Tsitsipas ou Medvedev pour en faire de même ? Je ne sais pas. Mais ils s’en rapprochent. Medvedev, il fallait vraiment le battre aujourd’hui. Il était quand même sur une série de 20 victoires. Ils ont tous gagné le Masters, plusieurs tournois du Grand Chelem et sont bien classés. Ils ont tous joué des demi-finales ou des finales de Grand Chelem, donc ce n’est qu’une question de temps.”
Il n’y a pas de GOAT pour l’instant, et il n’y en aura peut-être jamais
La limite de ce débat du GOAT, c’est qu’il ne peut être clos tant que chacun des joueurs du Big 3 n’est pas encore à la retraite. Et même quand ce sera le cas, comment les départager ? Si l’on décide que l’un des trois se démarque, comment établir qu’il est supérieur à d’autres légendes du passé, comme Pete Sampras, Bjorn Borg ou Rod Laver ?
Ces discussions sont stimulantes. Elles font vendre des journaux, cliquer sur les articles et incitent à l’engagement sur les réseaux sociaux. Elles nous poussent aussi à nous demander ce qui fait réellement d’un joueur de tennis un grand. Les titres du Grand Chelem, la domination dans les confrontations directes, la polyvalence sur toutes les surfaces, la supériorité physique, le classement et la popularité : tous ces éléments aident à la perception de la grandeur d’un joueur de tennis. Entrer dans les détails qui distinguent les uns et les autres est une expérience fascinante.
Mais trop souvent le débat du GOAT désavantage les légendes du passé par rapport à nos contemporains. Il ne faut pas oublier que ce qu’ont réalisé Budge, King, Perry, Navratilova, Laver, Graf, Borg, Seles et Sampras a posé les fondations pour ce qu’accomplit à la génération actuelle.
Djokovic, Federer er Nadal ont certes écrit de nouvelles pages d’histoire, et ils ont mérité d’être cités aux côtés des plus grands. Tout comme les grands à venir gagneront leur place parmi eux.