Le huis-clos, un ajustement pas si simple pour les joueurs
La journée de samedi était la première à se dérouler à huis-clos à Melbourne Park, suite au confinement décrété par l’Etat de Victoria. Les joueurs ont ainsi dû se faire à de nouvelles conditions au beau milieu du tournoi. Ce qu’ils n’ont pas tous géré de la même façon.
Pour Stefanos Tsitsipas, c’est simple : “Tout est dans la tête. C’est uniquement mental.” Pour d’autres, comme Nick Kyrgios, c’est bien plus compliqué.
“Je pense que ç’aurait été difficile pour moi de jouer sans public, en particulier au prochain tour, a soufflé l’Australien, éliminé vendredi par Dominic Thiem en cinq sets, après avoir dominé deux manches à rien dans une ambiance de Coupe Davis. Je pense que le sport, ce n’est que du spectacle au bout du compte, et je veux pouvoir jouer devant des stades pleins à travers le monde.”
La décision du gouvernement de l’Etat de Victoria de décréter un confinement de cinq jours, pour maîtriser le foyer de contaminations détecté au sein d’un hôtel de quarantaine près de l’aéroport de Melbourne, induit que l’Open d’Australie se jouera à huis-clos au moins jusqu’à mercredi. Ensuite, si tout se passe comme prévu, le tournoi espère pouvoir rouvrir ses portes aux spectateurs pour les quatre derniers jours de compétition.
La plupart des joueurs a pris l’habitude d’évoluer dans des stades à huis-clos en fin d’année dernière. Mais passer du bonheur de jouer devant un public, même épars, au désolement d’une arène vide, ça demande une certain capacité d’adaptation.
“C’est surtout difficile parce que l’atmosphère n’est plus la même, a indiqué Daniil Medvedev, dans la foulée de sa victoire sur Filip Krajinovic. Un changement au beau milieu d’un tournoi, ce n’est jamais facile à gérer. On veut jouer devant du public. On aura peut-être cette chance si on va loin dans le tournoi. C’est ce à quoi je pensais hier : plus je vais loin dans le tournoi, plus j’ai de chances de revoir du public, d’aller de nouveau au restaurant, des choses comme ça. Il fallait s’adapter, gagner mon match. C’est le plus important. Mais évidemment je préférerai qu’il y a des gens dans la Rod Laver Arena.”
Svitolina: “C’était un peu triste”
Tête de série numéro 5 dans le tableau féminin, Elina Svitolina a avoué que c’était “un peu triste” de voir les stades vides à nouveau.
“J’ai joué un match à 19h00, avec un super public (ndlr : contre Cori Gauff au 2e tour). Là c’était complètement différent. C’était un peu perturbant, je dirais même triste, en quelque sorte. Mais c’est comme ça. Il faut l’accepter. Je devais avoir un bon état d’esprit, ne pas trop y penser. J’ai simplement essayé de me concentrer sur mon jeu.”
Mais Svitolina a concédé que son esprit était plus encombré qu’à l’accoutumée.
“Il y a des pensées négatives, des moments plus difficiles qui peuvent entrer dans votre tête. C’est ce que nous devons gérer. Je fais de mon mieux pour cela. C’est plus facile et plus dur en même temps, parce que quand tu es dans le dur, tu te sens comme seule. Les gens te donnent de l’énergie, ils te soutiennent, ils t’aident à te remettre dans le match. Là, quand tu n’es pas bien, il n’y a plus qu’une seule personne, ton entraîneur, aussi ton kiné qui est là. C’est pour ça que je pense que c’est un peu plus difficile. Il faut davantage te pousser.”
Barty a “aimé pouvoir entendre la balle”
Pas grand-chose ne perturbe Ashleigh Barty, même si le huis-clos était une expérience nouvelle pour la numéro 1 mondiale, qui avait choisi de rester en Australie en 2020, quand la pandémie de coronavirus s’était déclarée. L’ancienne vainqueure de Roland-Garros a néanmoins procédé à de légers ajustements, et a indiqué qu’elle avait trouvé l’expérience “un peu bizarre”.
C’est quelque chose que je n’avais jamais vécu dans ma vie. C’était très étrange. On en a discuté avant pour s’y préparer, mais je ne voulais pas que ça perturbe mon approche.”
Barty a aussi soufflé qu’elle avait apprécié de pouvoir entendre le son de la balle qui rebondit contre ses cordes. Un bruit habituellement couvert par le public.
“Ça modifie le son du terrain et de la balle. C’est peut-être un peu bizarre, mais j’ai aimé ces bruits. J’adore le public, mais j’ai aimé pouvoir entendre la balle.”
Des bruits inhabituels sur le court
L’Américain Mackenzie McDonald, qualifié pour les huitièmes de finale aux dépens de Lloyd Harris samedi, a expliqué que lui et son adversaire étaient déstabilisés par le fait qu’il pouvaient entendre tout ce qu’il passait autour du court.
“J’ai toujours le sentiment qu’il y a un énorme volume sonore à Melbourne, les spectateurs sont géniaux. Là c’était si silencieux, que Lloyd et moi pouvions entendre un bip pendant le premier set et nous n’avions aucune idée de ce que c’était. Ils ont missionné quelqu’un pour le savoir. En fait, c’était les personnes qui scannaient les badges à l’entrée de ceux qui venaient travailler pour le tournoi. Mais ça nous a pris sept jeux pour le comprendre. C’était tellement calme que nous pouvions entendre ce bip partout dans le stade. J’ai aussi pu me rendre compte à quel point les annonces étaient fortes quand il n’y a personne dans le stade. Mais à part ça, c’est ainsi. Nous devons être à l’abri et tout ça est nécessaire, donc je suis juste content que nous ayons pu jouer aujourd’hui.”
Kyrgios, qui a célébré sa victoire en double avec Thanasi Kokkinakis en s’agenouillant sur le court, a assuré que jouer sans public n’était pas quelque chose qui l’intéressait sur le long terme.
“J’en parlais à Thanasi quand on était sur le terrain, je ne sais pas si je serais capable de faire ça toute l’année. Evidemment la quarantaine en soi, mais aller sur le terrain et jouer à huis-clos, je ne sais pas si ça m’intéresse, personnellement. Ce n’est pas une critique envers qui que ce soit, ceux qui sont prêts à jouer dans ces conditions, pour gagner des points et de l’argent. C’est bien, mais je ne suis pas certain que ce sera l’option que je choisirai.”
Nous devons simplement respecter les règles – Nick Kyrgios
Kyrgios a toutefois rappelé qu’il était primordial de suivre les règles pour que le tennis puisse revenir à la normale dans un futur proche.
“En fin de compte, c’est comme ça et nous devons simplement respecter les règles. Espérons que nous puissions enfin mettre un terme à la pandémie en Australie. Le reste du monde en est plus loin, mais j’espère que l’année prochaine, nous n’aurons plus à nous soucier de quoi que ce soit, que tout le monde aura la liberté de sortir, d’aller voir des matchs, de regarder les meilleurs Australiens jouer. Mais pour l’instant, ce n’est pas possible.”
Matteo Berrettini a ainsi reconnu que la perspective que le public revienne à compter de jeudi prochain encouragerait les joueurs dans les prochains jours.
“Voir ce stade vide, ce n’est pas très agréable, mais nous vivons des moments particulièrement difficiles et il faut être solide. Je pense qu’il y a pire. Je suis désolé pour les joueurs, et évidemment pour les spectateurs, parce qu’un grand événement mérite un grand public.”
Dans tout ça, il y en a qui n’était pas si mécontent de jouer à huis-clos : Fabio Fognini, vainqueur en trois manches d’Alex de Minaur.
“Pour moi, c’était mieux sans public. J’affrontais un Australien.”