Le « cauchemar » de Gaël Monfils : pourquoi le numéro un français a perdu le fil
Gaël Monfils a livré une conférence de presse sans filtre après sa défaite au premier tour de l’Open d’Australie. Le Français ne cache pas qu’il est tennistiquement au fond du trou.
C’est l’image de la nuit à Melbourne. Et il ne s’agit pas à proprement parler de tennis mais de la détresse d’un homme, Gaël Monfils. Dans une vidéo extraite de sa conférence de presse qui a beaucoup tourné sur les réseaux sociaux, Monfils parle de sa mère, cherche ses mots, pleure, et lâche dans un sanglot : « Il faut continuer à s’entraîner et ça reviendra, c’est le seul truc. »
Battu au premier tour par le Finlandais de 21 ans Emil Ruusuvuori, son cadet de treize ans (3-6, 6-4, 7-5, 3-6, 6-3) et 81e mondial, Gaël Monfils a passé dix minutes, au micro, à afficher une détresse sans filtre, dans un mélange de pudeur et de lâcher-prise rare après un match de tennis. Pas n’importe quel match : avec cette défaite, Monfils, tête de série n°10 et toujours et onzième mondial, perd son sixième match de premier tour consécutif depuis la coupure du circuit liée au premier confinement, en mars 2020.
Voici, issu du flot décousu de ses déclarations à fleur de peau, les messages que Gaël Monfils a essayé de faire passer :
Monfils craint la réaction des médias
Gaël Monfils s’est d’abord montré vulnérable par peur d’être jugé par les médias, dans une phase qui a fait écho à des phrases qu’il avait déjà prononcées après son premier tour à Roland-Garros.
« Je demande un peu de clémence. À chaque fois, j’arrive ici (face aux médias), je me sens jugé. Je suis déjà à terre, vous me tirez dessus. Quand le mec est à terre, faut pas le ”shooter” »
La bienveillance des questions et du ton de la voix des journalistes français, qui ont su se mettre au niveau de sa détresse, ont fini par le rassurer et ont autorisé Monfils à se confier.
Les journalistes internationaux n’ont posé qu’une question à Monfils, preuve que sa situation sportive ne suscite qu’un intérêt limité hors de nos frontières.
Monfils manque de confiance dans son tennis
C’est le message essentiel : Gaël Monfils a beau être 11e mondial, il est dans un de ces creux qui font obstacle à la performance dans un sport si exigeant que le tennis, basé sur le duel et la capacité à imposer sa volonté de gagner à l’autre.
« Je joue mal, je n’arrive pas à servir, je n’arrive plus à faire un coup droit, je fais des fautes. Je suis six mètres derrière, je mets des bâches. Pas de confiance. Je suis honnête. Je ne me sens pas bien, ça se voit. Je suis en manque de confiance et le plus important serait de retrouver ce petit truc qui fait que tu vas gagner. J’essaye de me reconstruire pour pouvoir gagner. Je n’ai pas de confiance. Pas de confiance, pas de repères. C’est la première défaite de l’année. Là, j’arrive avec zéro, zéro confiance. Je ne me sens pas bien parce que je n’arrive pas à faire ce que je veux, parce que je n’ai pas de confiance, parce que je n’arrive pas à trouver mon jeu. »
Monfils est perdu sur son identité de jeu
A l’ATP Cup, Monfils s’est trouvé trop agressif face à Matteo Berrettini. A Melbourne, il a cherché à se rassurer avec un plan de jeu plus défensif, proche de son statut d’indébordable si bien décrit par Gilles Simon dans notre dernier Major Talk. La réalité est probablement dans un équilibre qu’il ne parvient pas à trouver.
« Oui, c’est la vérité. J’essaye d’être patient mais je n’arrive pas à trouver le bon tempo, la bonne cadence, mon jeu tout simplement. Et parce que je n’arrive pas à faire ce que je veux, parce que je n’ai pas de confiance, parce que je n’arrive pas à trouver mon jeu, je n’arrive pas à trouver mon coup droit, je n’arrive pas à trouver mon service. C’est ce qui fait que je ne suis pas bien. C’est visible. C’est dur. C’est frustrant. J’essaye de tenter des choses, je me bats, mais je n’y arrive pas du tout. Et puis tu as un joueur en face et tout le monde joue très bien en ce moment, donc à l’arrivée tu ne gagnes pas. Je n’arrive pas à bien jouer. À l’entraînement, je ne joue pas non plus très bien. J’ai très vite senti à l’entraînement que c’était dur. »
Monfils bosse et veut que cela se sache
Gaël Monfils sait que son image de personnage “fun” mais inconstant lui vaut de réguliers procès en dilettantisme. Sa deuxième carrière de Twitcher professionnel, dans l’univers des jeux vidéos, depuis le début du confinement, a peut-être amplifié cette réalité et sûrement le sent-il. C’est injuste à ses yeux et son association récente avec l’entraîneur Günter Bresnik montre qu’il est prêt à en baver.
« Je m’entraîne comme un boucher et ça ne passe pas. J’ai beaucoup perdu, et ça me fait mal parce que je taffe. Car le pire c’est que je taffe. Je m’entraîne, j’essaye de croire en ce que je fais à l’entraînement. Mais c’est dur. J’aimerais bien me relever et vous dire que ce cauchemar est fini, mais là je suis dedans. Je (me raccroche à) la phrase simple de ma mère : il faut continuer à s’entraîner et ça reviendra. C’est le seul truc. »
Le monde entier a entendu la promesse que Monfils s’est faite à lui-même.