« Beaucoup de joueurs sont à bout »
La nouvelle d’un confinement précipité à Melbourne, le cumul des efforts depuis cinq semaines et l’absence de visibilité sur le circuit sapent le moral des joueurs, assure notamment Adrien Mannarino. L’Open d’Australie se poursuit à huis clos et la saison des joueurs sans horizon précis.
De mémoire de journaliste, une telle attaque de conférence de presse, c’est du jamais-vu. Ecrasé par Alexander Zverev (6-3, 6-3, 6-1) au troisième tour de l’Open d’Australie, Adrian Mannarino a eu du mal à prendre au sérieux la première question sur le niveau de son adversaire allemand, qui ne l’avait pas dominé si facilement lors de leurs trois derniers matchs…
« J’avais surtout envie de me débarrasser de la question car j’ai envie de me barrer… »
Mannarino a prononcé cette phrase avec le sourire du second degré. Mais le ton très las de sa voix, deux jours après ses déclarations sur sa petite déprime, enseigne que le fond de la réponse est à prendre au sérieux. Porte-parole improvisé de sa corporation, le Français a raconté à quel point il avait du mal à se projeter sur la fin de la saison – et le reste de la journée a prouvé qu’il n’était pas le seul.
« Ce matin, (le confinement à Melbourne, ndlr), ça a été un coup de massue de plus. Ça devient dur. On parlait de santé mentale récemment, et beaucoup de joueurs sont à bout. S’entraîner enfin normalement et être bien dans sa peau au quotidien ferait du bien à tout le monde. J’espère retrouver ça bientôt. »
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22 jours de quarantaine à Singapour ?
Le Français répondait alors à ses objectifs en terme de classement. « Ils sont secondaires en ce moment. »
« Le plan pour moi était d’aller jouer à Singapour (22-28 février) après Melbourne, illustre Mannarino. Je me disais : je vais profiter du bon temps (sans confinement) en Australie pour bien me préparer. Je viens d’apprendre que ça n’allait pas être le cas. Et j’ai appris qu’on serait bloqué à l’hôpital 22 jours après le trajet pour l’ATP250 de Singapour, si on était contact ou positif…
Du coup, je me demande si ça vaut le coup. Ce n’est pas un Grand Chelem. Il suffirait que quelqu’un soit positif dans l’avion pour que j’aie trois semaines de tournoi gâchées et un mois ensuite pour se remettre en forme… Je n’ai pas non plus pour plan de me précipiter à Paris. Je vais analyser tout ça. Il y a tellement de choses dans la tête en ce moment, programme, COVID, voyages, que ça devient compliqué. »
Sans tomber dans les outrances de Benoît Paire, Adrian Mannarino certifie que « personne n’était vraiment au coutant des conditions » d’accueil à Melbourne, « même si ça a l’air fréquent, ici » de se reconfiner rapidement. L’état de Victoria vient d’ouvrir sa troisième vague de confinement, après pourtant “seulement” 20.465 cas en un an et 820 morts.
L’appel de Schwartzman à l’ATP
Mannarino n’est pas le seul joueur à frôler cet à-quoi-bonisme. L’Argentin Diego Schwartzman, battu au troisième tour par le surprenant Karatsev, a appelé l’ATP à « revoir les obligations de quarantaine imposées aux joueurs ».
« J’ai passé quatre mois en Europe, là j’ai passé plus d’un mois loin de chez moi, et si je veux continuer à jouer, ce sera à nouveau hôtel et tournoi, obligé. Ça va être très compliqué de continuer ainsi. N’avoir aucun autre horizon que l’hôtel et le site des tournois, c’est difficile mentalement. »
Schwartzman n’ignore pas que les conditions de quarantaine sont imposées par les autorités politiques locales. Mais il invite l’ATP, sur son périmètre, à minimiser les obligations faites aux joueurs de participer aux tournois.
Kyrgios : “Je suis habitué aux stades pleins moi”
Nick Kyrgios, éliminé en cinq sets par Dominic Thiem avant l’obligation faite aux Australiens de quitter Melbourne Park, assure « ne pas se projeter plus loin que le double » avec son ami Thanasi Kokkinakis. Ils joueront leur premier tour samedi.
« Je ne suis sûr de rien, tout va dépendre de la façon dont la COVID va être géré en Australie. Je présume que la situation actuelle va se régler assez vite. Mais je ne sais pas comment les autres tournois, ailleurs dans le monde, vont appréhender la situation sanitaire. Moi je suis habitué à jouer devant des stades pleins. Je ne vais pas me forcer à voyager si c’est pour me cloîtrer une semaine avant de faire un match. »
Avec un peu de temps, Mannarino, Schwartzman et Kyrgios seront peut-être aussi philosophes que Grigor Dimitrov. « On ne s’attendant pas à cela, c’est certain. Mais j’avoue qu’après les mois qu’on a vécus l’an dernier, plus rien ne peut vraiment me surprendre. » Ce vendredi, l’Open 13 de Marseille (8-14 mars) et le Masters 1000 de Monte-Carlo (10-18 avril) ont annoncé qu’ils auraient lieu à huis clos.