L’Open d’Australie 2021, résumé de tous les défis qui vont réguler la vie du circuit
Alors que le vaccin contre le Coronavirus s’apprête à être déployé, le monde du tennis reste dans le flou. Dans la première partie de notre focus sur le calendrier 2021, nous analysons les problèmes, symbolisés par l’Open d’Australie, auxquels sont confrontés joueurs, tournois et fans.
Enfin. Après le flou, le début de la saison 2021 est à peu près calé. L’Open d’Australie a arrêté ses dates. Le premier tournoi du Grand Chelem de l’année devrait débuter le 8 février prochain, soit un report de trois semaines par rapport à la date initialement prévue.
L’incertitude des dernières semaines est un avant-goût de ce qui attend le tennis au cours des prochains mois. Les tournois risquent de continuer à devoir s’adapter, quasiment jusqu’au dernier moment, en fonction de l’évolution de la pandémie de COVID-19.
1. Joueurs et tournois n’ont plus le contrôle
A travers le monde, les tournois ne sont plus maîtres de leur destin en 2021, et c’est leur principal problème.
Comme la deuxième moitié de la saison 2020 l’a montré, les organisateurs sont à la merci des administrations nationales et locales. Si les autorités décident qu’un événement ne peut se dérouler, il est tout simplement annulé, comme le Citi Open l’a vécu à Washington en août dernier. Si elles jugent que le tournoi ne peut ouvrir son enceinte aux spectateurs que selon une jauge limitée, comme à Roland-Garros en octobre, alors il faut s’y plier.
Ces décisions politiques ont un effet domino sur la billetterie, mais aussi sur des emplois et la vie de certaines personnes. Chaque pays applique une stratégie différente face au coronavirus, ce qui complique encore davantage la tâche de l’ATP et de la WTA pour planifier leurs calendriers.
En 2021, même avec la perspective du vaccin à l’horizon, le tennis devra changer ses habitudes. Au “temps d’avant”, dans un monde sans Covid-19, il était relativement simple de planifier le calendrier des tournois. Les sponsors pouvaient mettre l’argent sur la table, en sachant ce qu’ils allaient en retirer. Les joueurs savaient à quoi s’en tenir.
Désormais, la seule chose dont tournois et joueurs sont certains, c’est qu’ils ne peuvent plus prévoir. Cela dure depuis mars, quand le BNP Paribas Open d’Indian Wells a dû fermer ses portes à la dernière minute. La raison ? Un cas, “seulement”, de COVID-19 dans la vallée de Coachella.
The 2020 BNP Paribas Open will not be held.https://t.co/BVKQmmcbth pic.twitter.com/CHOd0PgJeV
— BNP Paribas Open (@BNPPARIBASOPEN) March 9, 2020
Pour les joueurs, si habitués à tout planifier, impossible désormais de programmer blocs d’entraînement, voyages et semaines de compétition. Pour les tournois, c’est encore plus difficile. Même avec la préparation la plus méticuleuse, tout peut tomber à l’eau si le gouvernement local décide qu’il est plus sûr d’annuler.
En 2020, l’US Open et Roland-Garros ont prouvé que des évènements majeurs pouvaient se tenir en pleine pandémie. Et, en 2021, à terme, les restrictions seront sans doute moins strictes grâce au déploiement du vaccin.
Mais comme l’Open d’Australie l’a montré, jouer au tennis avec des personnes négatives au virus, devant du public, n’est pas la partie la plus difficile à mettre en place. C’est tout ce qui entoure le tournoi qu’il faut savoir gérer. Dans ce cas, il s’agit de faire venir les joueurs sur l’île, puis de leur imposer les 14 jours de quarantaine requis par le gouvernement de l’État.
2. Les tournois seront plus durs pour les joueurs
L’idée de mettre les joueurs à l’isolement pendant 14 jours dans une chambre d’hôtel à leur arrivée en Australie, avec entraînement restreint, suscite beaucoup d’inquiétude parmi les joueurs.
“Vous ne pouvez pas passer deux semaines à l’isolement et espérer pouvoir être prêt pour l’Open d’Australie, a prévenu John Millman, lui-même en quarantaine au moment de son retour au pays. Je ne pense pas qu’un seul joueur étranger acceptera ça. C’est avec nos corps que nous payons nos factures. Or cela suscite un risque de blessure. On ne peut pas passer d’une inactivité totale à une intensité maximale en un clin d’œil. Le risque est trop grand. Je ne suis pas du genre pessimiste et je comprends la complexité de tout ça. Mais il faut comprendre ce qu’est réellement une quarantaine quand on la vit… C’est très strict. Si je devais prendre ma raquette tout de suite pour aller jouer au tennis, je sais que ce serait une connerie.“
Un avis partagé par Andy Murray, dans un entretien accordé à des médias britanniques la semaine passée.
“Beaucoup de joueurs arriveront d’un climat froid, a déclaré l’ancien numéro 1 mondial. Demander aux joueur de venir et aller sur le court sous 35-36 degrés sans préparation, ça ne fait qu’augmenter le risque de blessure. La qualité de tennis ne serait pas très élevée. Ce ne serait pas une raison pour déclarer forfait pour moi, mais ça rend les choses un peu plus difficiles.”
“Si je dois passer deux semaines dans une chambre d’hôtel et qu’on me laisse – je ne sais pas – trois ou quatre jours pour être prêt, je ne me lancerai pas. (Mais, si j’ai deux semaines de préparation après la quarantaine), oui, je le ferai probablement. Certes, ce n’est pas idéal, mais je crois que c’est ce que pratiquement tous les gens se rendant en Australie doivent faire depuis un petit moment. Donc… Je serais OK pour ça, à condition d’avoir la possibilité de s’entraîner en amont du tournoi.“
Le lieu où les joueurs sont le plus heureux reste le court. C’est peut-être aussi ce qui explique, en partie, pourquoi le niveau a été si élevé ces derniers mois. Le temps passé sur le terrain est le seul moment où ils se sentent réellement libres.
Ce que feront les joueurs dans les prochains mois dépendra en grande partie des décisions prises par les instances sur le système de classement, surtout si le virus continue de se répandre dans certaines régions du monde. Si les circuits continuent d’établir le classement sur deux années, les joueurs choisiront leurs tournois en y réfléchissant à deux fois, afin d’éviter une vie sous cloche, faite de restrictions permanentes, comme l’a reconnu Milos Raonic à Paris en novembre.
“Je ne sais pas si nécessairement je vais disputer autant de tournois, surtout si je n’ai pas à m’inquiéter du classement parce que les points seront encore gelés. (…) Le fait de ne pas quitter la chambre d’hôtel et toute cette bulle que nous connaissons depuis plusieurs semaines, ce n’est pas facile psychologiquement pour moi. J’ai soif de liberté et je sais que c’est ce qu’il convient de faire aujourd’hui. Mais s’installer dans ce type de routine sur le long terme n’est pas quelque chose que je me sens capable de faire.“
3. Des tournoi du Grand Chelem plus puissants que jamais
Si vous avez l’once d’un doute sur l’influence des quatre levées du Grand Chelem sur le calendrier, jetez un œil aux récentes déclarations de Guy Forget lors du Rolex Paris Masters. Roland-Garros a beau avoir provoqué un sacré tollé quand la FFT a décidé, unilatéralement, de décaler sa quinzaine de mai-juin à setpembre-octobre en 2020. Ce choix a menacé la force d’attraction de l’US Open, qui se terminait seulement deux semaines avant le début du Majeur parisien. Mais lorsqu’on lui a demandé s’il reprendrait la même décisions dans des circonstances similaires, Guy Forget a répondu “oui.”
Guy Forget : “The same people that criticized us for moving @rolandgarros are now telling us it was the right thing to do, mainly the players. Next year, we would probably imagine it again if the same conditions happen. It’s common interest.”
— Tennis Majors (@Tennis_Majors) November 1, 2020
Mais bien que les autres tournois du Grand Chelem aient manifesté leur colère de ne pas être consultés, ils se sont vite adaptés et le reste du circuit a dû s’aligner. La même chose va se reproduire avec l’Open d’Australie. Le report de trois semaines a un inévitable effet domino sur tout ce qui est planifié en janvier et février, côté ATP comme côté WTA.
4. Un calendrier trop interplanétaire
Avant même la pandémie, l’ATP et la WTA réfléchissaient à une façon de rendre les circuits aussi respectueux de l’environnement que possible. Réduire le niveau de plastique sur les tournois, se rapprocher du tout-recyclable… la question écologique a fait son entrée sur les courts.
Essayer de réduire les trajets en avion ne peut être qu’une priorité dans un circuit post-COVID. Pas seulement pour des raisons environnementales, mais aussi pour des raisons financières. Le prize money sera revu à la baise sur la quasi-totalité des tournois et les circuits devraient chercher à multiplier l’exemple de Cologne, qui a accueilli deux tournois consécutifs en octobre pour boucher des trous du calendrier créés par la pandémie.
OFFICIAL: Four 250-level tournaments in Gologne, Sardinia and Nur-Sultan added to ATP calendar. pic.twitter.com/8X5X3MXfXo
— Oleg S. (@AnnaK_4ever) September 9, 2020
Quand des tournois se déroulent d’une semaine sur l’autre sur le même continent, il devra aussi être possible de préférer le train à l’avion. D’autant que ce pourrait être moins dangereux dans le contexte d’une pandémie, les aéroports bondés représentant un risque bien plus important de contamination.
Tennis Australia, contraint de décaler l’Open d’Australie et d’annuler l’ATP Cup, envisage d’ajouter, sur l’île, des tournois au calendrier après la finale de son Majeur. Ça aurait du sens.
5. Du tennis devant des tribunes clairsemées, jusqu’à nouvel ordre
Il n’y a pas si longtemps, Roger Federer disait ne pas pouvoir imaginer jouer dans un stade vide. Le champion aux 20 titres du Grand Chelem peut dire “merci” a son absence prolongée en raison de ses deux opérations du genou : il n’a pas encore vécu cette triste expérience. Car les stades vides sont devenus la norme et personne ne s’interroge plus réellement sur ce tennis made for TV. Mais pour d’évidentes raisons, notamment financières, les tournois vont se casser la tête et se plier en quatre afin de pouvoir à nouveau accueillir des fans.
La question étant, lorsque les spectateurs seront de nouveaux autorisés : combien pourront être accueillis et combien auront envie de venir ? Avec certaines règles de distanciation sociale maintenues à l’avenir et les masques, qui seront a minima fortement conseillés, combien se sentiront à l’aise ? Personne ne veut voir un nouvel Adria Tour, l’exhibition, en partie organisée par Novak Djokovic, qui s’est terminée avec de nombreux joueurs, entraîneurs et familles testés positifs à la COVID-19.
Il est difficile d’imaginer que les loges soient de nouveau ouvertes dans un avenir proche, au moins pas selon leurs anciens standards. Peut-être que les tournois autorisant des spectateurs constateront devoir baisser les prix des entrées pour attirer le plus de personnes possible au stade.
Il va s’en dire, cependant, que les fans seraient un bonus bienvenu pour les joueurs en 2021. Mais il est encore difficile de savoir qui est en position, étant donné la nature internationale du tennis et la force du virus, d’évoluer devant un stade plein – à part peut-être l’Open d’Australie. Le dernier cas recensé dans l’État de Victoria remonte au 29 octobre.
Traduction : Mathieu Canac
C’était la première partie de notre dossier consacré à la vie des circuits en 2021. Retrouvez prochainement sur Tennis Majors la deuxième partie, consacrée aux faibles certitudes liées au calendrier de l’année à venir.