Medvedev : si quelqu’un a les armes pour battre Djokovic à Melbourne, c’est lui
Considéré comme un maître des échecs sur le court, Daniil Medvedev espère jouer un mauvais tour au roi Novak Djokovic en finale de l’Open d’Australie. Il en a les armes.
Ne vous y trompez pas : sur la Rod Laver Arena, Novak Djokovic est chez lui. Et ce depuis un moment. Mais Daniil Medvedev compte bien subtiliser les clefs du château à l’octuple vainqueur de l’Open d’Australie : il est de loin le joueur le plus performant du tennis masculin mondial.
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Dimanche, à partir de 9h30 (heure française), le spectateur occasionnel pourrait croire à un gouffre entre le plus grand champion de l’histoire du tournoi, invaincu en finale à Melbourne, et un joueur qui découvre ce stade de la compétition dans le Majeur australien.
La finale en chiffres
- Face-à-face : Djokovic mène 4-3
- Bilan à l’Open d’Australie : Djokovic, 81 V – 8 D (8 titres) / Medvedev 13 V – 4 D (première finale)
- Temps passé sur le court : Djokovic 16h45 / Medvedev 12h20
- Bilan en Grand Chelem : Djokovic 302 V – 45 D / Medvedev, 31 V – 15 D
Mais ces chiffres ne racontent rien du rapport de force réel entre les deux hommes. Daniil Medvedev fait partie des rares joueurs capables, par leur registre, sortir Djokovic de sa zone de confort, et Medvedev a plus d’une fois prouvé qu’il en était capable.
There won't be any holding back when these two face off! 🔥🔥@DjokerNole | @DaniilMedwed | #AusOpen pic.twitter.com/Lxks18wnQH
— ATP Tour (@atptour) February 19, 2021
“Medvedev a exactement le type de jeu que Novak déteste”, analysait Patrick Mouratoglou pour Tennis Majors, il y a quelques mois. “Qu’est-ce que Novak aime ? Il aime quand il y a du rythme. Il adore quand l’adversaire l’attaque en lui donnant des angles. Ce qu’il n’aime pas, c’est quand vous ne lui donnez aucun angle, aucune vitesse et que vous devenez plus patient que lui.”
Medvedev, ce maître des échecs
Deux qualités rares font de Medvedev un cauchemar pour la grande majorité des joueurs du circuit. D’abord, sa régularité. Le Russe est capable de faire durer les échanges et de pousser ses adversaires à bout par sa constance implacable. Ensuite, sa couverture de terrain. Vous entendres souvent : “Il bouge bien pour quelqu’un de 1,98m.” Il bouge bien : point final. Ajoutez à cela un sens développé de l’anticipation et vous obtenez probablement le joueur le plus difficile à déborder du circuit.
Djokovic est bien conscient des forces de Medvedev. En sept duels face à lui, il s’est incliné trois fois. Il sait aussi que le Moscovite de 25 ans est au sommet de son art ces derniers temps. Invincible depuis 20 matchs (6e série la plus longue pour un joueur en activité, et les 5 autres ont tous gagné un titre du Grand Chelem), il a vaincu chaque joueur du top 10 au moins une fois sur cette période. Excepté Roger Federer, absent du circuit.
“Medvedev joue à un niveau extrêmement haut”, a déclaré Djokovic après sa victoire contre Karatsev en demi-finale. “C’est l’homme à battre.”
Le plan de Djokovic : attaquer le coup droit
Le numéro 1 mondial va devoir se soumettre à de longs rallyes exténuant pour prendre le dessus sur Medvedev. Et si on se prend à lire entre les lignes de sa conférence de presse, peut-être va-t-il attaquer le coup droit de Medvedev pour faire la différence.
“Le coup droit était sans doute son point faible, mais il a progressé”, a observé Djokovic. “Il est très fort en revers. Il est tellement solide. Il ne vous donne pas grand-chose. Et désormais, il n’a plus peur d’attaquer et de prendre le filet. Il est vraiment solide. J’ai aussi entendu Jim Courier le qualifier de maître des échecs en raison de la façon dont il se positionne tactiquement sur le court, et je suis d’accord avec ça. C’est vraiment un joueur de tennis très intelligent.”
En plus d’attaquer le coup droit, Djokovic pourrait tenter de déplacer Medvedev sur l’échiquier pour l’amener au filet, où il a parfois l’air d’un poisson hors de l’eau quand il y a été aspiré. Ne soyez pas surpris si vous voyez une farandole d’amorties sortir de la raquette de Djokovic ce dimanche.
Le plan de Medvedev : limiter les options de Djokovic et le contrer agressivement
Grâce à ses confrontations avec Djokovic, Medvedev a gagné en confiance face à lui. Certes, il n’a remporté “que” trois des sept affrontements, mais il n’a été facilement dominé qu’une seule fois, en 2017 sur gazon. Le reste de leur face à face raconte des matchs toujours serrés. En 2019 à Melbourne, le jeune Medvedev avait été le seul à inquiéter Djokovic au troisième tour (6-4 6-7 6-2 6-3). Leur dernier face à face ? Un claquant 6-3, 6-3 au Masters en faveur du Russe.
Medvedev se sent clairement sûr de ses forces au moment de rencontrer l’homme aux 17 titres du Grand Chelem. A fortiori en ce moment. Ses deux derniers matchs à l’Open d’Australie, contre Andrey Rublev et Stefanos Tsitsipas, ne font que renforcer ses certitudes. Intouchable face à deux des meilleurs joueurs du moment, Medvedev a hâte de relever le défi qui l’attend dimanche.
“J’aime jouer contre Novak”, a-t-il confié. “Depuis notre première rencontre, quand j’étais aux alentours de la 60e place mondiale (63e, lors du premier tour de la Coupe Davis 2017), nous avons eu des matchs très durs, physiquement et mentalement.”
Pour Patrick Mouratoglou, Medvedev a tout ce qu’il faut pour parvenir à frustrer Djokovic.
“La seule façon de battre le meilleur Novak, c’est réussir à le mettre dans un faux rythme, le pousser à s’ennuyer”, a-t-il expliqué. “Une année, Gilles Simon l’a fait en Grand Chelem (Open d’Australie 2016), et il l’a presque battu (6-3, 6-7, 6-4, 4-6, 6-3). Il avait tout joué au centre, sans rythme, en couvrant très bien le terrain également. Et Novak s’est laissé ‘ramollir’. Il a commencé à ne plus être aussi précis avec ses jambes. Parce que, quand vous ne lui donnez pas de vitesse, il n’a plus la même qualité de déplacement, et il se met à faire des erreurs.”
Grâce à son style de jeu associé à sa capacité à lâcher des coups gagnants à plat depuis sa ligne de fond, Medvedev pourrait causer beaucoup de soucis au Serbe avec ce type d’approche tactique.
“Il adore contrer, en donnant des balles à l’adversaire pour lui dire : ‘Vas-y, attaque-moi'”, a détaillé Mouratoglou au sujet de Medvedev. “Quand vous l’attaquez sur un côté, il coupe la trajectoire en vous contrant long de ligne. Il adore faire ça.”
N’oublions pas l’aura de Djokovic
Certes, Medvedev est le joueur le plus en forme du moment, et cela se ressent dans les résultats des sondages qui pullulent sur les réseaux sociaux. Mais Djokovic reste le boss de l’Open d’Australie. Le numéro 1 mondial vise un troisième titre consécutif, et un neuvième au total à Melbourne. Si vaincre Rafael Nadal sur la terre battue de Roland-Garros est la tâche la plus difficile du tennis, venir à bout de Djokovic sur la Rod Laver Arena arrive sans doute juste derrière.
Sa blessure aux abdominaux ne le faisant désormais plus souffrir, Djokovic aborde la finale dans une forme physique quasi-optimale. De quoi effrayer n’importe quel adversaire. Tranquille vainqueur de Karatsev en demi-finale, le Belgradois a bon espoir de se sentir encore mieux contre Medvedev dimanche.
“Juste avant la finale d’un tournoi du Grand Chelem ; il ne pouvait pas y avoir de meilleur moment pour jouer à nouveau mon meilleur tennis”, a déclaré Djokovic suite à son succès en trois manches contre Karatsev. “Je suis aussi heureux d’avoir deux jours complets de repos. La récupération reste ma priorité. J’ai assez joué au tennis (pas besoin de plus d’entraînement sur le court, NDLR). Je me sens très bien sur le court.”
Djokovic joue pour marquer l’histoire. Il vit pour ça. A 33 ans, il est toujours derrière Rafael Nadal et Roger Federer au nombre de titres en Grand Chelem (20 pour eux, 17 pour lui). Il sait que le temps lui est désormais compté pour empiler les Majeurs. Invaincu en huit finales à l’Open d’Australie, il compte s’appuyer sur cette statistique pour se rapprocher de ses deux rivaux.
“Oui, ça contribue à me donner beaucoup de confiance. Savoir que je n’ai jamais perdu en demi-finale et finale (à Melbourne) me permet de me sentir encore plus à l’aise”, a reconnu le Serbe. “Mais chaque année est différente, même si ça a peut-être un petit impact sur le mental de mes adversaires, je ne sais pas. En tout cas, ça a définitivement un effet positif sur le mien.”