Zverev, la victoire en niant
Finaliste du Rolex Paris Masters au cœur d’une des meilleures périodes de sa vie de sportif, Alexander Zverev affiche un détachement inouï face au témoignage de son ex, Olya Sharypova, qui l’accuse de violence. Costaud ou inconscient ?
Jeudi, quand The Racquet a publié le témoignage d’Olya Sharypova sur les sévices physiques et psychologiques qu’elle attribue à Alexander Zverev, deux questions nous ont traversé l’esprit : Zverev va-t-il seulement jouer son huitième de finale contre Adrian Mannarino ? Et s’il le fait, assurera-t-il la conférence de presse comme si de rien n’était ?
La veille déjà, alors que le détail du témoignage confié à Ben Rothenberg n’était pas connu, mais que l’essentiel avait été dit, nous avions été relativement étonnés que l’ATP n’ait pas pris le soin de «cadrer» la conférence de presse de son premier tour en réfutant d’emblée les questions extra-sportives. Après tout, Zverev s’était soustrait à la conférence de presse d’avant-tournoi, semble-t-il pour ne pas attiser le feu.
Zverev : “Tout va bien pour moi”
Avec quelques jours de recul, Alexander Zverev n’a manifestement pas besoin de ces précautions. Il a traversé sa semaine au Rolex Paris Masters comme si de rien n’était. Sur le court, il délivre probablement le meilleur tennis de sa vie. Il est invaincu en indoor cette saison (12 victoires) et vient de sortir Rafael Nadal en deux sets, en demi-finale pour affronter Daniil Medvedev en finale dimanche.
Que le témoignage de Sharypova soit exact ou pas (Zverev le réfute depuis le 29 octobre), sa simple présence dans le paysage public serait un perturbateur colossal pour la plupart des personnes exerçant un métier aussi exposé et exigeant que Zverev. L’affaire semble pour l’instant glisser sur lui.
« Je joue bien depuis un moment, depuis la reprise, et je suis heureux de jouer, a-t-il répondu quand il lui a été demandé comment un tel détachement était possible. Je ne vois pas ce que je peux expliquer d’autre. Tout va bien pour moi, je suis heureux et tout est réuni pour que je joue bien au tennis. »
L’Allemand a profité de sa réponse pour glisser, à qui pourra le recevoir dans ce contexte :
« Je suis quelqu’un de calme. Calme dans la vie et calme sur le court. »
“Let it happen”
Il n’en a pas toujours été ainsi. En 2019, alors troisième mondial suite à une formidable saison 2018 couronnée d’une victoire au Masters, Zverev avait connu plusieurs mois difficiles sur le terrain. Ils étaient liés, savait-on, au changement de la structure de son management et aux conflits qui en ont découlé – les fameux « problèmes personnels ».
« J’ai fini par réaliser, en tant que personne, qu’il n’y aurait pas toujours, autour de moi, des personnes qui ne me voudraient que du bien, indique Zverev pour expliquer ce contraste. Même, au contraire, certains vous rabaissent alors que vous êtes au top. »
« A moi de laisser couler (« let it happen »). Je me rends compte que ça me réussit et je continue de prendre du plaisir au quotidien. Dans la vie, rien n’est plus important que pouvoir terminer la journée avec un sourire. »
Ces propos lui ont attiré, sur les réseaux sociaux, des commentaires inquiets sur son sens de l’empathie et sur les compétences des personnes qui gèrent sa communication. D’autres soulignent que Zverev est innocent jusqu’à ce qu’un juge en ait décidé autrement, ce qui est exact juridiquement mais ne dissipe pas le trouble.
Zverev et Sharypova écartent une suite judiciaire
Ici se trouve peut-être la clef de la sérénité apparente du numéro 7 mondial. Sharypova affirme ne pas envisager de porter plainte. Zverev, lui, n’a pas explicitement indiqué qu’il n’allait pas attaquer en diffamation, mais il le fait comprendre à chaque fois qu’il est interrogé sur la matérialité des faits. C’est arrivé depuis trois fois depuis mercredi. Trois fois il a renvoyé les médias au post placé sur Instagram (compte : @alexzverev123), qui mise sur un rapprochement personnel et un règlement à l’amiable.
« J’espère que nous parviendrons à trouver une voie pour nous traiter l’un et l’autre de façon raisonnable et respectueuse », conclut Zverev dans ce post.
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Zverev traverse cette tempête avec une surréaliste placidité qui est peut-être liée, aussi, à celle du contexte épidémique. A Paris – et ce sera aussi le cas à Londres à partir du 15 novembre – les rencontres se déroulent à huis clos, loin des voix qui, depuis les tribunes, pourraient contester sa légitimité à jouer normalement entre chaque point.
Ben Rothenberg, le journaliste new-yorkais qui a « sorti » le témoignage d’Olya Sharypova en se rendant chez elle dans le New Jersey, observait jeudi le silence global du milieu du tennis autour de cet épisode. Pour combler ce vide, le hashtag #IStandWithOlya commence à se multiplier sous les posts mentionnant les victoires d’Alexander Zverev.
Pour l’instant, la pétition lancée sur change.org visant à suspendre l’Allemand ne décolle pas (mois de 300 signatures). Et Zverev se trouve face à ce paradoxe : plus il gagnera sur les courts, plus il donnera à la voie de son ex de la visibilité.