19 décembre 1987 : Le jour où la Suède a arrêté l’improbable aventure de l’Inde en finale de la Coupe Davis
Le 19 décembre 1987, Mats Wilander et Joakim Nystrom remportent le double face aux Indiens Vijay et Anand Amritraj (6-2, 3-6, 6-1, 6-2) pour offrir à la Suède sa troisième Coupe Davis, à l’issue de l’une des finales les plus improbables de l’histoire du tournoi.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : L’Inde, invitée plus que surprise en finale
Ce jour-là, le 19 décembre 1987, Mats Wilander et Joakim Nystrom remportent le double face aux Indiens Vijay et Anand Amritraj (6-2, 3-6, 6-1, 6-2) pour offrir à la Suède sa troisième Coupe Davis, à l’issue de l’une des finales les plus improbables de l’histoire du tournoi. Si la Suède est alors l’une des plus grandes nations du tennis, personne n’avait prévu que l’Inde se fraye un chemin jusqu’en finale avec un seul joueur, Ramesh Krishnan, classé dans le top 100. Et pourtant, l’équipe indienne était parvenue à renverser l’Australie en demi-finale, avant d’être sèchement battue par les Suédois, 3-0.
Les acteurs
• L’équipe suédoise, emmenée par son leader Mats Wilander
Mats Wilander, né en 1964, est le leader de l’équipe suédoise. Il a connu le succès à un très jeune âge. En 1982, à l’âge de dix-sept ans et neuf mois, il devient en effet le plus jeune vainqueur de Grand Chelem de l’histoire, en battant en finale Guillermo Vilas, véritable légende sur terre battue (1-6, 7-6, 6-0, 6-4). Son record sera battu en 1989 par Michael Chang. Il se rend également célèbre après avoir fait preuve d’un rare fair-play plus tôt dans le tournoi : en demi-finale, contre José-Luis Clerc, il inverse, sur balle de match, une annonce qui le propulsait en finale, et ce alors que l’arbitre a déjà annoncé « jeu, set et match ».
En quart de finale de la Coupe Davis 1982, il dispute également le match le plus long de l’ère open, vaincu en six heures et vingt-deux minutes par John McEnroe (9-7 6-2 15-17 3-6 8-6). Battu en finale de Roland-Garros 1983 par Yannick Noah (6-2, 7-5, 7-6), il remporte un deuxième titre du Grand Chelem quelques mois plus tard, en s’imposant face à Ivan Lendl sur le gazon australien (6-1, 6-4, 6-4) à la surprise générale, lui qui semblait être un expert de la terre battue.
En 1984, il parvient à défendre son titre à Melbourne (aux dépens de Kevin Curren, 6-7, 6-4, 7-6, 6-2), et en 1985, il ajoute un deuxième Roland-Garros à son palmarès (en battant en finale Lendl, 3-6, 6-4, 6-2, 6-2). En 1987, le Suédois échoue face à Lendl en finale de Roland-Garros et de l’US Open, et termine la saison à la troisième place mondiale. Wilander a déjà mené la Suède à la victoire en Coupe Davis, en 1984, un exploit réédité en 1985.
Joakim Nystrom, bien qu’il soit un excellent joueur ayant atteint la 7e place mondiale en 1986, vit dans l’ombre des grandes stars suédoises, Björn Borg (alors retraité depuis cinq ans), Mats Wilander et Stefan Edberg. Nystrom, né en 1963, remporte le premier de ses 13 titres ATP à Sydney en 1983 (aux dépens de Mike Bauer, 2-6, 6-3, 6-1). En 1985, il se hisse en quarts de finale de Roland-Garros et de l’US Open, éliminé à chaque fois par John McEnroe.
Sa meilleure saison est 1986 : 7e mondial, il remporte pas moins de six tournois, dont le prestigieux Open de Monte-Carlo (en battant Yannick Noah en finale, 6-3, 6-2), et atteint à nouveau les quarts de l’US Open (battu par Miloslav Mecir, 6-2, 6-2, 2-6, 6-2). En décembre 1987, il occupe la 16e place du classement ATP, après avoir remporté son treisième titre quelques mois auparavant à Bastad (aux dépens de Stefan Edberg, 4-6, 6-0, 6-3).
• L’équipe indienne, à la recherche de l’exploit
Vijay Amritraj, 34 ans, membre de l’équipe indienne, est surtout connu pour les résultats qu’il a obtenus dans la première moitié des années 1970 : quart de finaliste à Wimbledon en 1973 (battu par Jan Kodes, 6-4, 3-6, 6-4, 6-3), il atteint également ce stade de la compétition à l’US Open en 1973 et 1974 (éliminé les deux fois par Ken Rosewall). Au cours des années suivantes, bien qu’il n’obtienne pas de bons résultats en Grand Chelem, il accumule tout de même 16 titres sur le circuit et se hisse au 16e rang mondial en 1980.
Il est l’un des rares joueurs à être capable de battre Björn Borg (à l’US Open 1974), et en 1979, il passe à deux points d’éliminer le légendaire suédois à Wimbledon (s’inclinant finalement 2-6, 6-4, 4-6, 7-6, 6-2). En 1981, il dispute les quarts de finale au All England Club de Wimbledon, battu par Jimmy Connors malgré une avance de deux sets (2-6, 5-7, 6-4, 6-3, 6-2), et en 1984, il est l’un des trois seuls joueurs à battre John McEnroe (6-7, 6-2, 6-3, à Cincinnati). Âgé de 34 ans en 1987, il a plongé à la 216e place mondiale.
Anand Amritraj, le frère aîné de Vijay, est né en 1952. Il atteint son meilleur classement en simple, 74e mondial, en 1974, et son meilleur résultat en Grand Chelem est un troisième tour disputé à l’US Open la même année. Il met un terme à sa carrière de simple en 1981, sans avoir jamais joué la moindre finale sur le circuit. En double, il accumule 12 titres au fil des ans, dont 8 associé à son frère, avec qui ils se qualifient en 1981 pour le Masters.
Les frères Amritraj ont déjà mené l’Inde en finale de la Coupe Davis, en 1974, mais ils n’ont pas eu la chance de pouvoir jouer la finale, l’Inde ayant déclaré forfait face à l’Afrique du Sud pour protester contre l’Apartheid.
Le lieu : Göteborg (Suède)
La finale de la Coupe Davis se déroule en Suède, sur terre battue couverte, au Scandinavium de Göteborg. Le complexe, inauguré en 1971, a accueilli bien des sports différents, des Championnats du Monde de hockey sur glace aux championnats d’Europe d’athlétisme en salle, mais aussi beaucoup de concerts, dont notamment Led Zeppelin ou, plus récemment, la toute jeune Whitney Houston. Le Scandinavium, qui peut recevoir jusqu’à 12.000 spectateurs, a déjà été le théâtre de la finale de la Coupe Davis en 1984, lorsque la Suède avait largement dominé les États-Unis pour remporter son premier titre.
L’histoire : La logique est respectée et la Suède balaye les Indiens
En finale de la Coupe Davis 1987, à Göteborg, la Suède affronte l’une des plus grandes surprises de l’histoire de la compétition : l’Inde, qui ne compte dans ses rangs qu’un seul joueur classé dans le top 100, Ramesh Kroshnan.
En demi-finales, les joueurs indiens ont su profiter de la blessure de Pat Cash pour arracher une victoire inattendue, 3-2, après la victoire de leur n°1, Ramesh Krishnan, sur Wally Masur (8-6, 6-4, 6-4), lors du match décisif.
La Suède est en finale de la Coupe Davis pour la cinquième année consécutive, mais généralement, la plupart des joueurs impliqués d’un côté comme de l’autre faisaient partie du top 10 : en 1984, l’équipe suédoise avait affronté John McEnroe et Jimmy Connors ; en 1985, ils se sont trouvés face à Boris Becker ; en 1986, ils ont joué contre Pat Cash. Cette fois, le numéro un adverse, Krishnan, est 56e mondial, et ses coéquipiers sont classés au-delà de la 200e place !
De plus, la Suède, avec ses cinq joueurs dans le top 20, a choisi de jouer la rencontre sur terre battue, ce qui joue en faveur de leur n°2, Mats Wilander, double vainqueur de Roland-Garros.
En finale, pas de miracle pour l’Inde. Le n°1 suédois, Stefan Edberg, a beau être blessé, il est remplacé par Anders Jarryd, 15e joueur mondial, qui est peut-être plus fort qu’Edberg sur terre battue. « Honnêtement on pensait que Ramesh aurait plus de chances contre Edberg, sur terre, et surtout, on espérait qu’il n’aurait pas à affronter Wilander tout de suite », admettra Amritraj, cité par Richard Evans. « Mais je suppose que c’était trop en demander que de croire que notre conte de fées se terminerait bien. »
Lors du match d’ouverture, Wilander dispose aisément de Krishnan, 6-4, 6-1, 6-3, et lors du match suivant, Amritraj n’est pas de taille à inquiéter Jarryd (6-3, 6-3, 6-1).
En double, Wilander et Joakim Nystrom affrontent Vijay et Anand Amritraj, qui sont les premiers frères à jouer ensemble en double en finale de Coupe Davis depuis les Britanniques John et David Lloyd en 1978. Ce double semble plus équilibré, les deux Suédois n’étant pas vraiment des spécialistes. Les frères Amritraj ont tout de même disputé le Masters en 1981. Cependant, malgré la perte du second set, Wilander et Nystrom dominent les débats, et offrent à la Suède sa troisième Coupe Davis en quatre ans (6-2, 3-6, 6-1, 6-2).
« On s’est un peu endormis au deuxième set », explique Wilander, d’après le New York Times. « Ils ont bien mieux joué, ils ont moins raté qu’au premier set. On s’est laissé embarquer dans leur rythme, mais au troisième, on s’est bien remis dedans. » Bien que Wilander ait mené son équipe au titre en 1984 et 1985, c’est la première fois qu’il apporte le point décisif. « C’est assez spécial d’apporter le point de la victoire », dit-il. « « Ça ne m’était arrivé qu’une seule fois auparavant, lors d’un premier tour contre la Nouvelle-Zélande il y a quatre ans. »
La postérité du moment : L’Inde, tombeuse de l’équipe de France en 1993
La Suède disputera encore deux finales d’affilée, réalisant ainsi une série de sept, mais en 1988 et 1989, c’est l’Allemagne de Boris Becker qui aura le dessus. La Suède ne gagnera à nouveau la Coupe Davis qu’en 1994, lorsque l’équipe menée par Stefan Edberg et Magnus Larsson viendra à bout de la Russie à l’issue d’une finale disputée à Moscou.
L’Inde créera une autre grande surprise en Coupe Davis en 1993, lorsque Ramesh Krishnan, épaulé par Leander Paes, éliminera l’équipe de France sur ses propres terres, 3-2, en quart de finale